C’est la première fois qu’elle est invitée au Met Gala, la grand-messe mode organisée par Anna Wintour à New York, la première fois qu’elle est assise au premier rang de nombreux défilés, qu’elle lance sa propre ligne de beauté naturelle et végane, qu’elle est la tête d’affiche d’une comédie musicale à Broadway ! Pamela Anderson, icône populaire indissociable du maillot rouge échancré d’« Alerte à Malibu », fait désormais partie des femmes que la mode et la hype s’arrachent.
Comment cette renaissance inattendue s’est-elle produite ? Pour tenter de comprendre l’effet « Pammy », on a rendez-vous en visio avec la star de 57 ans alors qu’elle est à New York pour le tournage d’un film. Sa voix douce a quelque chose d’irrésistiblement enfantin, elle ne porte pas une once de maquillage et se dévoile avec le plus grand naturel, son nouveau mantra, comme l’illustre le portrait choisi pour notre couverture. Sans fard et sans reproche, l’ancienne playmate adepte du silicone et de l’eau oxygénée est désormais une femme libre, affranchie des diktats, nous dit-elle, et de la culpabilisation. Une mue qui passe par l’allègement plus que par la surenchère.
Une nouvelle ère pour Pamela Anderson
Ce nouveau « self », Pamela Anderson l’a embrassé en septembre 2023 lors de la Fashion Week parisienne. Elle décide, sur un coup de tête, de se présenter la peau nue, sans fond de teint ni mascara. « Je l’ai fait pour moi-même. Je ne voulais plus jouer ce jeu. Avec qui étais-je en compétition ? Je ne suis plus la plus jolie fille de la pièce et je n’essaie pas de l’être. J’ai besoin de m’accepter telle que je suis. Beaucoup de femmes le font à cet âge, ça n’a rien d’exceptionnel, mais je l’ai fait en public. » Un geste d’une audace folle à en croire les réactions passionnelles qu’il a suscitées : dès la parution des photos, internet et les réseaux s’emballent, comme si sortir sans maquillage relevait d’un acte héroïque passé 50 ans. « Ce n’était pas un happening politique », s’amuse-t-elle, « mais de nombreuses femmes m’ont remerciée. » Leur enthousiasme raconte en creux les injonctions qui pèsent sur elles, cette charge esthétique que dénoncent les plus jeunes sur TikTok. Pamela Anderson se sent-elle libérée de tout cela ? « Je veux être en phase avec moi-même, je veux faire mon âge. Je n’essaie plus de paraître plus jeune. À quoi bon lutter contre l’horloge ? »
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Je ne suis plus la plus jolie fille de la pièce et je n’essaie pas de l’être
L’actrice si ancrée aujourd’hui revient pourtant de loin, et aurait pu prendre un chemin bien plus tortueux comme d’autres sex-symbols de sa génération broyés par Hollywood et son machisme légendaire. Quand elle débarque de son Canada natal, elle est candide, meurtrie par les attouchements subis enfant de la part d’une baby-sitter. Une débutante facile à modeler selon les canons de l’époque, ceux hypersexualisés des années 1990. « J’avais la vingtaine quand je suis arrivée à Hollywood. Je n’avais jamais pris l’avion. Je suis passée directement d’une toute petite ville du Canada au manoir Playboy. C’était l’aventure, et j’étais très naïve, je me croyais capable de tout surmonter. Je suis tombée amoureuse très vite, alors que je commençais tout juste à me poser, et j’ai eu deux beaux garçons. C’était l’un des moments les plus heureux de ma vie. Après ça, j’ai traversé des périodes difficiles, très difficiles, puis j’ai lentement recollé les morceaux comme nous le faisons toutes. On fait des erreurs, on avance, puis on regarde en arrière pour comprendre ce qui s’est passé. Sur le moment, j’ai simplement tenté de faire de mon mieux. » Elle n’en dira pas plus sur ces épisodes douloureux, préférant se tourner vers un avenir plus radieux.
Survivante et activiste
Pamela Anderson est pourtant une rescapée. Survivante d’une industrie qui l’a façonnée en bimbo sulfureuse et objectifiée, d’un mariage violent avec le musicien Tommy Lee, condamné pour violences conjugales après l’avoir frappée tandis qu’elle portait un de leurs fils dans les bras, mais aussi d’un « slut shaming » planétaire quand, en 1995, un de leurs employés vole puis vend des milliers de copies d’une vidéo privée où le couple immortalisait ses ébats. Elle attend alors son deuxième enfant. Humiliée durablement, harcelée par la presse, déboutée par la justice parce qu’elle avait déjà posé nue, l’actrice a finalement choisi le repli comme défense. Quitte à sacrifier sa carrière. « Je voulais que mes enfants aient une vie stable. Et j’ai mis la mienne entre parenthèses jusqu’à maintenant. Les élever a été plus important que tout. Je n’en ai pas souffert. J’ai continué à faire de nombreuses choses. »
C’est aussi à cette période qu’elle enfile le costume d’activiste, là pour la cause animale, ici pour la libération de Julian Assange. Comme si se réinventer impliquait de se tourner vers les autres, d’agir sur le monde. Mais c’était sans compter ce foutu passé qui toujours la rattrape. En 2022, la série « Pam & Tommy » remet la lumière sur l’affaire de la sextape. Une nouvelle violence, et une nouvelle exploitation de la partie la plus sombre de son parcours, dénonce-t-elle alors. Heureusement, elle peut compter sur ses deux fils pour reprendre le contrôle de son histoire : ils la convainquent de se raconter dans « Pamela, a Love Story », un documentaire intimiste et déchirant, et dans « Love, Pamela », un livre autobiographique sans filtre. Une étape supplémentaire dans sa transformation. « Je n’ai pas vu le documentaire jusqu’au bout, ça me rendait trop triste. Mon fils Brandon l’a produit, je lui ai donné les clés de mes archives et lui ai dit : “Vous pouvez consulter n’importe quelles cassettes, n’importe quelles lettres, mes journaux intimes, je n’ai rien à cacher.” Ils ont ouvert ces coffres-forts, j’avais tout gardé. »
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J’ai toujours voulu plaire aux autres au point de perdre de vue qui j’étais
Sa démarche fait mouche, le public, qui raffole des rédemptions, est touché par la sincérité et l’intelligence de cette femme qui couche depuis des années ses pensées dans un journal, écrit des poèmes, vénère Anaïs Nin ou Sylvia Plath. C’est le syndrome Marilyn Monroe : une femme de coeur cachée sous un masque de pin-up. « J’ai joué des personnages toute ma vie », nous confie-t-elle. « J’ai toujours voulu plaire aux autres au point de perdre de vue qui j’étais. Et puis, j’ai déménagé au Canada, où je me suis créé un refuge. J’ai acheté la propriété de ma grand-mère sur une petite île au milieu d’un lac et je l’ai rénovée. Je suis revenue là d’où je suis partie, là où mes parents se sont mariés. Et j’ai eu envie de revivre pleinement. Je me suis libérée de toutes ces couches superficielles qui m’encombraient pour revenir à l’essentiel. Avec de nouvelles questions : qu’est-ce que j’aime vraiment ? Qu’est-ce que j’admire chez les autres ? À quoi je ressemble au fond ? J’ai eu la chance de pouvoir vivre tout cela grâce à mes animaux, à la nature. Je voulais me perdre dans mon jardin, côtoyer les elfes, les fées et les esprits des arbres. Cette période de ma vie est sans aucun doute la plus sophistiquée, la plus authentique. »
Lifestyle queen
Sur son compte Instagram et à travers le show télé « Pamela’s Garden of Eden » (deux saisons sur Hulu), c’est une nouvelle femme qu’elle donne à voir, reine des fourneaux et des râteaux. Salopette en jean et chapeau de paille sur la tête ou grande robe en coton blanc et bottes en caoutchouc aux pieds, elle s’active dans son potager, décore sa maison, fait ses confitures. On lui fait part de notre étonnement. « J’ai toujours été une femme d’intérieur, j’ai toujours cuisiné, dressé les tables, fait des pique-niques dans le jardin pour moi et ma famille. Mes enfants viennent d’acheter des maisons, et pour leur cadeau de crémaillère, je leur ai fabriqué une petite boîte de recettes. Ils m’ont dit : “Maman, faisons un livre de cuisine !” Ils savent toujours monter des projets avec ce qui leur tombe sous la main ! Je me suis laissé embarquer. »
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Pamela, nouvelle papesse du lifestyle ? La Canadienne semble heureuse dans cette phase de sa vie et ce nouveau elle-même qui a donné naissance à Sonsie, une gamme de soins épurés pile dans l’air du temps. « Il n’y a aucune fausse promesse : hydratation, éclat et surtout acceptation de soi ! », nous détaille-t-elle, enthousiaste. Mais n’allez pas croire qu’elle finira ses jours entre les murs de sa cuisine. La réinvention est désirable, et Hollywood en veut sa part. La voilà au casting de deux films, dont « The Last Showgirl » de Gia Coppola, la petite-fille de Francis Ford Coppola. « C’est excitant. Je n’avais pas pour ambition de me relancer dans le cinéma. Ce qui se passera ensuite ? Je n’en sais rien ! Mais j’accepte cette part d’incertitude, de mystère. Ce qui m’importe, c’est d’être enfin à la bonne place. »