J’arrive au port de Reykjavik avec mon sac à dos qui pointe au-dessus de ma tête et mes chaussures de randonnée solidement arrimées. Au loin, le bateau de croisière est prêt à nous accueillir. C’est mon premier voyage à bord d’une telle embarcation et j’ai beaucoup à apprendre. Premier constat : je détonne clairement parmi les autres passagers plus élégants, qui débarquent d’un taxi avec leur valise sur roulettes. De son côté, l’équipage qui veut à tout prix s’emparer de mes bagages n’a pas non plus l’habitude de s’occuper de voyageurs dans mon genre, comme en témoignent les soupirs du majordome qui se fait un devoir de transporter mon seul bagage jusqu’à ma cabine.
Un peu de contexte pour vous éclairer : en apprenant que j’allais naviguer de l’Islande à la Norvège sur le Scenic Eclipse, j’ai décidé de randonner un peu dans les alentours avant le départ. J’ai passé six jours sur le sentier Laugavegur, en portant mes vêtements, mais aussi ma tente et ma nourriture. Le genre de voyage en mode aventure dont je raffole pour cette sensation de vivre poussée à l’extrême que procure le retour à l’essentiel. Rien à voir avec les croisières Scenic, qui font la part belle au confort. Un luxe auquel il faut s’habituer. Le simple fait de confier mon sac à dos au majordome a éveillé en moi un sentiment étrange. Le Scenic Eclipse met tout en œuvre pour que chaque passager se sente « spécial ». La taille du bateau, à mille lieues du paquebot de croisière gigantesque, a pour effet de me rassurer. Doté d’une capacité de 228 passagers, il fait davantage penser à un grand yacht, d’autant plus qu’ils ne sont qu’une centaine à faire la traversée entre Reykjavik et Tromsø.
© Maya Toebat
Moins on est de passagers, plus vite on a un aperçu des compagnons de voyage avec qui on va naviguer une semaine dans les eaux nordiques. Étant la plus jeune passagère du bateau du haut de mes 26 ans, je ne fais clairement pas partie du public cible. Cela dit, j’abandonne très vite mes préjugés réduisant les croisières à des voyages coûteux, synonymes d’inactivité et réservés à un public plus âgé. Après tout, se faire bichonner pendant les vacances n’a rien de désagréable. Surtout après avoir affronté le vent, le soleil et la pluie lors d’une randonnée. En échange de leur prix élevé, les croisières Scenic offrent exclusivité et luxe en abondance. Malgré sa taille tout à fait gérable, le bateau abrite un spa avec sauna et bain vapeur, plusieurs jacuzzis extérieurs, un espace de remise en forme, une salle de yoga, une bibliothèque, le bar et les restaurants gastronomiques en formule all inclusive sans oublier une hélisurface et un bateau de plongée (moyennant supplément).
Une mer de liberté
La croisière peut en outre être modelée en fonction des souhaits personnels. Trois activités sont proposées à chaque escale, entre tour en bus, balade à pied et visite de musée. Tant que le bateau est à quai, les passagers peuvent explorer en toute liberté la destination du jour. Ainsi, je profite de la première escale à Heimaey dans les îles volcanique de Vestmann pour m’offrir une longue promenade matinale le long des pentes verdoyantes et des colonies de macareux. Mais ces oiseaux, aussi adorables soient-ils, ne peuvent pas rivaliser avec la baleine repérée au large qui a été le vrai clou de notre voyage. La première baleine de ma vie !
© Presse
Cette croisière multiplie les premières fois. Je n’avais jamais fait de si long voyage en mer. Après Heimaey, nous mettons le cap sur la Norvège, ce qui signifie deux jours complets de navigation en mer de Norvège. Je trouve ça merveilleux, contrairement à la plupart des passagers qui n’apprécient pas trop de se retrouver au milieu de cette immensité. Alors qu’on a tendance à déborder d’activités, même en vacances, c’est l’occasion rêvée pour lire, aller au spa, manger et profiter de la vue. Un repos « forcé » qui est le bienvenu. Avec de belles surprises dans le sillage du temps ainsi libéré. Installée tranquillement dans le lobby avec un bon livre, je lève les yeux juste à temps pour apercevoir trois dauphins en train de nager. Un peu plus tard, j’observe à travers mes jumelles le panache d’eau projeté par une baleine qui passe au loin.
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Visite des fjords
La notion du temps prend une tournure étrange en mer. Les journées filent à toute vitesse malgré le soleil de minuit qui ne se couche jamais. On a un sentiment de trop vite en revoyant la terre ferme. Et pourtant l’arrivée en Norvège est un vrai cadeau. Nous commençons par voguer au fil du Geirangerfjord le long des pics enneigés, des forêts détrempées et de dizaines de chutes d’eau. Pour contempler la plus connue, la cascade des 7 sœurs, nous quittons le bateau et empruntons des kayaks. Nous voilà de nouveau au milieu de l’eau mais avec une sensation toute différente puisque nous pouvons la toucher, étirer les bras et glisser à travers le fjord.
© Maya Toebat
Une autre surprise nous attend à notre retour à Geiranger. Le petit village, si paisible le matin, a été envahi par des milliers de touristes déversés pour la plupart par les énormes bateaux de croisière qui y ont jeté l’ancre. De quoi soulever des questions sur l’industrie des croisières. Difficile d’y voir un avantage sur le plan touristique plutôt qu’une invasion. L’empreinte carbone me trotte aussi dans la tête. Ces bateaux de croisière sont des hôtels flottants qui consomment des quantités astronomiques d’énergie et génèrent de gros volumes de déchets, le tout au beau milieu d’un écosystème. À bien des égards, Scenic Cruises fait des progrès dans le bon sens : la taille plus réduite du bateau a d’office un impact moindre, le plastique jetable n’y est pas une option, les eaux usées sont filtrées avant leur évacuation et le carburant utilisé est le diesel marin le plus léger.
Une croisière entre mer et montagne
Toute la beauté de cette croisière réside dans la découverte d’endroits sans cela inaccessibles. L’arrivée du bateau dans l’archipel des Lofoten est un moment purement inoubliable. Jamais auparavant je n’avais remarqué la puissance du duo formé par la mer et la montagne. Sous le soleil radieux, les montagnes jaillissent des eaux scintillantes tels des murs et propulsent leur sommet vers les nuages. Sur le pont, j’en reste bouche bée comme, du reste, d’autres passagers et plusieurs membres de l’équipage. Comme si nous retenions collectivement notre souffle.
© Maya Toebat
Après une promenade du soir à Reine avec vue sur les collines vert vif, les eaux turquoise et les cabanes de pêcheurs rouges, je regagne le bateau en réalisant une nouvelle fois que réintégrer sa suite après avoir fait le plein d’une telle variété de paysages est un véritable luxe. Cet hôtel flottant prend des allures de refuge après une journée entre randonnée ou visite de musée et passage au spa puis au restaurant (avec une offre hors pair, des spécialités indiennes à la haute cuisine française). Je pourrais m’y habituer.
© Presse Scenic Eclipse
© Presse Scenic Eclipse
Inutile de préciser combien ça fait un drôle d’effet de débarquer à Tromsø au bout de neuf jours et de rester à terre. Quand on passe une semaine sur un bateau, le corps a tendance à tanguer inconsciemment au gré de l’eau. Il faut en quelque sorte se sevrer. Et aussi se séparer de ses compagnons de voyage, qui étaient des inconnus au départ. Je vois partir les deux Australiennes aux cheveux colorés, l’observateur de baleines passionné et son père… C’est fou comme on s’attache vite à des endroits qui n’ont rien de commun avec notre lieu de vie et à des gens avec qui on n’a pas échangé plus de deux mots. Mais partager des moments fabuleux jour après jour, du petit déjeuner au sauna, crée forcément des liens même s’ils restent éphémères. Peut-être qu’un jour je rentrerai chez moi après une nouvelle croisière sur le Scenic Eclipse, mais d’ici là, je veux continuer à hisser sur mes épaules mon sac à dos trop chargé. Qui a parlé de retour à l’essentiel ?
Croisière de 9 jours de Reykjavik à Tromsø. Plus d’infos et prix : scenic.eu.