Yseult trace sa route. Refus des compromis, indépendance farouche et quête de vérité intérieure : tout chez elle respire l’alignement et la puissance.
Elle, c’est cette fille qui incarne une liberté conquise au prix d’une exigence radicale : celle d’être soi, pleinement. « J’ai toujours été comme ça. Il n’y a pas eu de déclic soudain. J’ai toujours été une personne qui tient à sa liberté, quel qu’en soit le prix. Pour moi, c’est important de concrétiser ma vision telle qu’elle est dans ma tête. Je veux être alignée avec mon projet artistique. J’aime quand ça me ressemble à 100 %. C’est une forme d’intégrité. » C’est ça, l’alignement. Et Yseult l’incarne parfaitement.
Elle se fait connaître en 2014 grâce à l’émission « Nouvelle Star » mais n’en restera pas prisonnière : très vite, elle s’émancipe du cadre industriel pour devenir l’une des voix les plus puissamment singulières de la scène française. Dès ses débuts, elle choisit l’indépendance, crée son propre label, YYY, et refuse les concessions. « Être libre, c’est aussi prendre un risque. L’entrepreneuriat, c’est beaucoup de responsabilité, d’investissement personnel, financier. Quand tu n’as pas de plan B, tu es obligée d’exceller. Ce n’est plus du courage, ce n’est plus un choix. C’est de la survie. Je vis la vie selon mes règles, mes choix, mon ressenti. » On serait tenté de lâcher le mot « radical », mais il serait plus juste de décrire son œuvre comme habitée par cette tension entre l’intime et le « statement ».
La mode comme autre voix
Figure de la mode, elle a marqué Cannes 2024 dans une robe Mugler inspirée des années 50. Quelques mois plus tard, en août, c’est vêtue par Dior qu’elle interprétait « My Way » lors de la cérémonie de clôture des Jeux olympiques de Paris, devant 17 millions de téléspectateurs. Égérie L’Oréal, mannequin pour Alexander McQueen, Balenciaga ou Marine Serre, elle met son aura au service de cet autre art majeur : « La mode et la musique sont très liées. J’aime naviguer entre le luxe exigeant et le DIY créatif. J’ai travaillé avec Casey (Cadwallader, directeur artistique jusqu’en mars 2025, NDLR) de chez Mugler, Olivier (Rousteing, NDLR) de chez Balmain, Sarah Burton qui était chez Alexander McQueen et qui est aujourd’hui chez Givenchy, ou Demna à l’époque chez Balenciaga et qui est aujourd’hui chez Gucci. Mais je peux aussi travailler avec de très jeunes designers au fin fond de Los Angeles ou au fin fond de Londres et me sentir extrêmement puissante sur scène avec mon body en latex, mon collant résille et mon rêve. Il faut savoir naviguer entre un monde très luxe, très privilégié, très exigeant, et un autre très DIY créatif. Dans la musique par exemple, tu as des artistes extrêmement pointus comme Mylène Farmer ou Madonna, qui tout au long de leur carrière, ont collaboré avec des artistes comme Jean-Paul Gaultier, Thierry Mugler… Mais aussi des artistes de la culture pop, punk ou glam-punk qui n’avaient pas l’opportunité de tenter un bustier avec un cône au niveau des nénés ou qui n’étaient pas amis avec un Yves Saint Laurent. Alors ils fabriquaient leurs costumes avec des breloques et basta. Et c’était tout aussi stylé et aussi inspirant. »
© Jorre Janssens – Polo et jupe, Lacoste. T-shirt, Façon Jacmin. Veste, Balenciaga. Bijoux et chaussures, Chanel. Chaussettes, Falke.
La responsabilité d’être soi
« Le regard des gens, je n’en ai que faire, je le dis dans la chanson “Corps”. Mais je rajouterais surtout que le regard de soi sur soi, c’est le plus exigeant, le plus complexe et le plus intime. C’est vraiment une confrontation avec soi-même. Même si on essaie de fuir notre regard, il nous rattrapera tôt ou tard. C’est ce qui s’est passé pour moi pendant quelques années, mais j’ai cette résilience qui me permet de ne plus fuir mon reflet, de pouvoir vraiment m’aimer entièrement et “faire un” avec moi-même. Je fais un métier d’image, de représentation, et je me dois de m’apprécier assez pour pouvoir faire passer des messages ressentis et réceptionnés. Pour pouvoir aussi me sentir bien sur scène. Pour pouvoir défendre correctement mes projets. C’est un combat de tous les jours, parce que j’ai ce poids sur mes épaules de manière permanente : on attend de moi que je sois un exemple. Alors qu’en fait, je ne le suis pas du tout. J’ai juste envie d’être qui je suis, avec mes défauts et mes qualités. Mais être une artiste pop ne me permet pas d’être moi-même à 100 %, parce que je me dois de ne pas faire de faux pas. Il y a vraiment cette perception générale de la pop artiste parfaite. Alors qu’en fait, quand on dézoome sur la pop culture de manière générale, les pop stars, les plus grosses pop stars, les plus grosses icônes n’ont jamais voulu être des exemples. Elles n’ont jamais voulu être parfaites et se sont sabotées justement à cause de cette pression qu’on leur imposait. C’est une pression qui existait déjà jadis et qui existe encore toujours aujourd’hui. Une pression propre à notre environnement artistique et qui gangrène l’industrie depuis toujours. Je ne peux pas courber le dos face à ces injonctions. Ce n’est pas possible. » Un engagement total et affirmé qui force l’admiration et donne parfois l’impression de faire face à une femme inarrêtable, batailleuse, bagarreuse, et pourtant… « Je n’ai pas de colère. Je suis une artiste indépendante. Je suis une femme entrepreneure. Je réalise ce que je veux, quand je veux. Je finance à 100 % ma tournée, en Europe, aux États-Unis. J’ai financé tous mes albums, tous mes EP. Sans avance, sans argent de personne. (…) Ce que je veux, c’est avoir la liberté financière, la main sur mes œuvres. Détenir mes masters, mes droits. On donne notre vie pour tout ça, et ça ne vaut pas 5 %, ni 13 %. Ça vaut tout. Et pourtant, on continue de nous faire croire que ça ne vaut rien. On ne nous laisse pas cette opportunité. (…) C’est pour ça que la majorité des artistes ne sont pas indépendants. On ne détient rien. Et c’est triste. On pense que les artistes ne savent pas gérer, qu’il faut quelqu’un pour lire à leur place. C’est très problématique. »
Dans son album « Mental », sorti l’an dernier, elle affirme alors une nouvelle dimension d’elle-même. « Ce projet, c’est 95 % de ma personne. J’y ai trouvé la fissure pour m’y glisser. Tout y est en total alignement avec moi. Je m’y sens forte, puissante. J’avais besoin de sortir cette force, pour qu’on comprenne toute ma personne, qu’on arrête de mal l’interpréter. » Désormais, elle embrasse toutes ses polarités. « Je montre ma liberté. Je souligne que ça, c’est ma puissance, ma liberté, ma féminité, ma masculinité. C’est la version la plus complète et la plus viscérale de moi-même. » Et son ambition ne se limite pas à la scène francophone. En mai 2024, elle apparaît sur le plateau de Jimmy Fallon (animateur star du « Tonight Show » américain). Un grand coup ! « J’ai toujours rêvé de toucher le monde avec ma voix, ma musique, mon corps, ma personnalité. L’Angleterre, les États-Unis, les pays latins, l’Australie. Je suis fière de ça. (…) Je veux être heureuse, prendre soin de moi, de ma santé mentale. Pour tenir debout jusqu’à 150 ans. Être fidèle à moi-même jusqu’au bout. C’est difficile, mais c’est mon mot d’ordre : intégrité. Ne jamais faire de concession. Suivre mon instinct, même si je me trompe. Plus je prendrai soin de moi, plus je pourrai continuer à sortir des projets. La peur provoque des réactions inattendues, mais tous les changements passent par des révolutions, des violences, des échecs. Il ne faut pas flipper face à ça. »
© Jorre Janssens – Boucles d’oreilles, Messika.