C’est un retour que personne n’osait vraiment espérer. Samedi soir, sous les ors du Palais des festivals, la 78ᵉ édition du festival de Cannes a couronné le cinéaste iranien Jafar Panahi, libéré de ses chaînes comme de ses silences, pour son film clandestin et coup de poing, Un simple accident. Une Palme d’or hautement symbolique, qui place le politique et l’intime au cœur du cinéma.
Il y a des Palmes qui résonnent plus fort que d’autres. En offrant la récompense suprême à Jafar Panahi, le jury présidé par Juliette Binoche n’a pas seulement sacré un film, mais une résistance. Un simple accident, conte moral autour d’anciens prisonniers prêts à affronter leur ancien bourreau, a bouleversé la Croisette par son intensité et sa sobriété. Réalisé clandestinement, dans un Iran où Panahi fut emprisonné et assigné à résidence pendant quinze ans, ce film n’a pas seulement ému : il a électrisé. Sa présence sur les marches, après des années d’interdiction de quitter son pays, a été saluée comme l’un des grands moments du Festival. À 64 ans, le réalisateur de Taxi Téhéran signe une œuvre puissante, miroir de sa trajectoire d’homme et d’artiste muselé.
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Un palmarès engagé, entre coups de cœur et prises de risque
Si la compétition 2025 fut particulièrement dense, marquée par une diversité de voix et de styles, le jury international a fait des choix résolument tournés vers le cinéma d’auteur engagé. Le Grand Prix revient au Norvégien Joachim Trier pour Valeur sentimentale (Affeksjonsverdi), un drame feutré sur les héritages affectifs et la mémoire, où l’émotion affleure sans jamais céder au pathos.
Le Prix du Jury, quant à lui, a distingué deux visions aussi différentes qu’audacieuses : Sirât, du franco-espagnol Oliver Laxe, plongée mystique dans une rave-party apocalyptique portée par un Sergi Lopez habité, et Sound of Falling, de l’Allemande Mascha Schilinski, fresque vertigineuse sur quatre générations de femmes hantées par les non-dits.
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Côté mise en scène, le Brésilien Kleber Mendonça Filho est récompensé pour L’Agent secret (O Agente Secreto), thriller politique en pleine dictature militaire. Une double victoire pour le film, puisque Wagner Moura (inoubliable Pablo Escobar de Narcos) décroche aussi le Prix d’interprétation masculine pour son rôle de professeur traqué.
Une révélation féminine, un nouveau sacre belge
Elle a 23 ans, ne venait pas du monde du cinéma, et a tout bouleversé. Nadia Melliti, étudiante en sport repérée lors d’un casting sauvage, remporte le Prix d’interprétation féminine pour La Petite Dernière, premier rôle et coup d’éclat. Réalisé par Hafsia Herzi, le film s’inspire du roman autobiographique de Fatima Daas, et raconte avec pudeur l’éveil amoureux d’une adolescente musulmane en banlieue.
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Les frères Dardenne, habitués de la Croisette, repartent eux aussi avec un trophée : le Prix du scénario pour Jeunes mères, portrait croisé de femmes en marge, plongées dans la maternité précaire. Une deuxième victoire dans cette catégorie pour les cinéastes belges, après Le Silence de Lorna en 2008.
Et aussi…
Prix spécial : Resurrection du Chinois Bi Gan, poésie visuelle aux frontières du réel et du fantastique.
Palme d’or du court-métrage : I’m Glad You’re Dead Now, de Tawfeek Barhom, portrait grinçant et déroutant d’un deuil expiatoire.
Caméra d’or : The President’s Cake de Hasan Hadi, satire irakienne sur le pouvoir et la mémoire, plébiscitée pour son audace narrative.
Deux Palmes d’honneur ont également été remises cette année : Denzel Washington et Robert De Niro, deux monuments du cinéma américain, célébrés pour l’ensemble de leur carrière.