Dans les années 80, elle incarnait la quintessence de la beauté parfaite. Une silhouette longiligne, un visage sculptural, des campagnes glamour à l’infini. Paulina Porizkova, top model culte, est aujourd’hui bien plus qu’une image figée sur papier glacé. À 59 ans, elle revient là où tout avait commencé : chez Estée Lauder. Mais cette fois, elle ne se contente plus d’incarner la beauté. Elle la redéfinit.

Dans cette interview sans pincette, elle partage son regard sur le vieillissement, les normes esthétiques, ses blessures, ses renaissances et ce qu’elle souhaite transmettre aux générations suivantes. Le tout avec une sincérité rafraîchissante et une bonne dose d’autodérision.

Elle revient, mais cette fois, avec une voix
Le nom de Paulina Porizkova évoque des clichés en noir et blanc, des couvertures mythiques, un visage sans âge. Pourtant, celle que l’on a longtemps réduite à un rôle de “jolie fille silencieuse” est aujourd’hui une femme debout, entière, et surtout très bavarde. “Avant, j’étais une image. Aujourd’hui, je suis une femme en 3D.” Le ton est donné.

“Dans les années 80, je vendais une vision de la beauté liée à la jeunesse. Mon visage, c’était une toile blanche. Mais je n’avais pas de voix. Aujourd’hui, j’ai des opinions, des rides, une vie passée qui se lit dans mes yeux – et je veux que ça se voit.” Pour Paulina, ce retour chez Estée Lauder n’est pas un simple comeback : c’est une prise de pouvoir.

 

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Quand une mission prend le pas sur une carrière
“C’est plus qu’un job. C’est une mission.” Voilà comment elle décrit ce partenariat nouvelle génération. Elle n’est plus là pour illustrer un idéal inatteignable, mais pour incarner une réalité. “Je veux connecter avec des femmes du monde entier et leur dire qu’on peut vieillir et rester visibles. Qu’on peut se sentir belles, puissantes et désirables sans mentir sur son âge.”

Ce discours, autrefois marginal, prend aujourd’hui de plus en plus de place dans l’univers de la beauté. Mais selon Paulina, il reste encore beaucoup à faire : “On commence à voir un peu plus de représentation, mais ce n’est pas suffisant. Ce que je fais avec Estée Lauder, c’est plus que poser devant une caméra. C’est prendre le micro.”

Le tabou tenace de l’invisibilité
Si elle parle aujourd’hui avec autant d’aplomb, c’est aussi parce qu’elle a connu le vide. “Je n’ai pas vieilli sous les projecteurs… parce que le projecteur s’est éteint dès que j’ai dépassé un certain âge.” Un constat brutal, mais lucide. Elle évoque une période charnière, marquée par la sensation d’être devenue invisible – dans sa carrière comme dans sa vie personnelle.

“C’est arrivé au moment où mon mari s’est désintéressé de notre mariage. J’ai eu l’impression de perdre toute valeur. J’étais brisée.” Cette chute, elle ne la cache pas. Elle l’a transformée en moteur. “J’ai dû me reconstruire à partir de zéro.” Un processus difficile, mais essentiel, qui l’a menée vers une nouvelle version d’elle-même, plus alignée, plus honnête et authentique, plus libre.

Instagram et ses confidences non filtrées
Curieusement, c’est sur Instagram qu’elle a trouvé un espace de liberté. “À la base, c’était un cri de solitude pendant le Covid.” Mais très vite, son compte est devenu un refuge, un lieu d’échange avec des milliers de femmes qui, comme elle, refusaient d’être mises de côté. “Ce que je vis là, c’est puissant. J’ai une communauté, on se parle vrai. Et ça donne du sens à tout.”

Son livre No Filter: The Good, The Bad and The Beautiful s’inscrit dans la même dynamique. “C’est la première fois que je me suis sentie totalement moi-même.” Une révélation pour celle qui, pendant longtemps, a été regardée sans être écoutée.

 

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La jeunesse n’est pas la panacée
Paulina le martèle : il faut déconstruire l’idée selon laquelle la jeunesse serait la seule forme de beauté acceptable. “La jeunesse n’est pas trop valorisée, mais elle est surestimée”. Elle n’y va pas par quatre chemins. “Je ne veux pas avoir 18 ans à nouveau. J’approche du cap des 60 ans, et je suis plus heureuse que jamais.”

Son mantra ? “Vieillir est un privilège.” Et quand elle voit ses rides dans le miroir, elle y lit un récit de vie, le souvenir de ses expériences passées, pas un défaut : “Ce sont des traces de vie. Pourquoi voudrions-nous les effacer ?”

Un regard apaisé sur le corps et ses métamorphoses
À celles qui redoutent le passage du temps sur leur visage, elle répond avec humour et tendresse : “Les deux raisons principales pour lesquelles on va chez le dermato, c’est l’acné et les rides. Comment peut-on comparer les deux ? L’acné, c’est un problème. Les rides, c’est la preuve qu’on est encore là.”

Et quand elle parle de médecine esthétique, son discours est nuancé : “Je ne juge pas. Si ça rend une femme plus heureuse, tant mieux. Mais moi, j’ai envie que mon visage continue à bouger, à s’exprimer. Je veux garder ça.”

Une routine beauté réaliste
Depuis qu’elle représente à nouveau Estée Lauder, elle a décidé de jouer la transparence : “J’ai viré tous mes autres produits. Je ne pouvais pas représenter une marque que je n’utilisais pas vraiment.” Elle cite volontiers la gamme Advanced Night Repair comme ses essentiels. Et une anecdote assez parlante : “J’ai testé un nouveau produit contour des yeux sur la moitié de mon visage… la différence était dingue. Mais bon, j’ai vite rattrapé l’autre côté !”

©Estée Lauder

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Ses rôles modèles ? Les femmes vraies
Enfant, elle admirait les actrices françaises : Charlotte Rampling, Jane Birkin, ces femmes aux rides visibles, à la sensualité nonchalante. “Elles fumaient, elles souriaient, elles étaient cool. J’ai grandi en me disant : c’est comme ça que je veux vieillir.”

Mais arrivée à cet âge, vivant aux États-Unis, elle a réalisé que cette représentation avait disparu. Heureusement, d’autres femmes ont pris le relais. Sa propre mère, par exemple, qui s’est remariée à 70 ans et vit aujourd’hui des amours et des aventures à travers le monde. “Elle est mon héroïne.” Et puis, toutes ces femmes croisées sur Instagram, “courageuses, libres, inspirantes, chacune à leur manière.”

Leçons de vie et paroles à transmettre
La plus grande leçon de sa vie ? “Rien ne dure.” Une phrase glanée dans un livre de développement personnel, qui l’a aidée à traverser les tempêtes. “Le bon ne dure pas, donc il faut le savourer. Mais le mauvais non plus. Et ça, c’est rassurant.”

À 59 ans, Paulina Porizkova est définitivement bien plus qu’un visage. Elle est une voix, un témoignage, une invitation à penser la beauté autrement. Elle ne prêche pas une vérité unique, mais propose une voie plus bienveillante, plus incarnée, plus libre. Une beauté sans filtre, sans mensonge, sans âge.

Et à toutes celles qui regardent leur miroir avec inquiétude, elle souffle : “N’ayez pas peur. Venez. Ici, la vie est plus douce.”