Le quiet hiring, c’est quoi ?

Imaginez : un.e collègue quitte son poste, l’entreprise décide de ne pas le ou la remplacer, et abracadabra… on vous confie (sans trop vous demander votre avis) ses responsabilités. Officiellement, c’est une marque de confiance. Officieusement, c’est un moyen d’éviter un recrutement externe et de maximiser les ressources internes. En d’autres termes : faire plus avec les mêmes effectifs – voire moins d’effectifs. Mais le quiet hiring ne se limite pas à une charge de travail plus lourde. Il peut aussi prendre la forme d’une mutation discrète vers un autre poste ou l’attribution de nouvelles missions, sans pour autant officialiser le changement avec une promotion (et encore moins une augmentation de salaire).

Emma, 32 ans, est cheffe de projet marketing dans une start-up florissante. Quand son manager quitte l’entreprise, on lui propose de “superviser l’équipe en attendant la nouvelle recrue”. Les semaines passent, toujours pas de remplaçant.e en vue, et Emma se retrouve à gérer des responsabilités dignes d’une directrice marketing… sans le titre ni le salaire. Quand elle évoque la question d’une promotion, la réponse est vague : “On en reparle au prochain trimestre.” Sauf que le trimestre suivant, même rengaine. Emma réalise qu’elle a été quietly hired dans un job qu’elle n’a jamais officiellement accepté.

 

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Une opportunité cachée ?

Si le quiet hiring peut être aliénant, il peut aussi se transformer en véritable tremplin professionnel. Tout dépend du contexte et de la manière dont il est géré. Dans une entreprise transparente et bienveillante, se voir confier de nouvelles missions peut être une chance inespérée d’acquérir de l’expérience et de prouver sa valeur. Celles et ceux qui cherchent à monter en compétences, à se challenger et à booster leur CV peuvent tirer profit de cette situation. Certaines entreprises finissent par récompenser ces efforts par une véritable promotion et un package plus attractif.

Par ailleurs, le quiet hiring peut permettre d’explorer de nouveaux rôles sans passer par un processus de recrutement fastidieux. Pour une personne souhaitant évoluer vers un autre secteur ou tester un nouveau poste, c’est une occasion en or de se faire la main et d’acquérir de l’expérience. Mais, comme toujours, tout repose sur l’équilibre. Si ces nouvelles responsabilités sont uniquement à sens unique – c’est-à-dire plus de travail et plus de stress, mais pas de reconnaissance morale ni financière – alors le quiet hiring se transforme en piège.

Comment s’en sortir ?

Difficile de refuser en bloc de nouvelles missions, surtout quand elles sont présentées comme une opportunité. Mais pour éviter d’être exploité.e, quelques stratégies s’imposent. La première et la plus essentielle consiste à fixer ses limites dès le départ. Si l’on se voit confier plus de responsabilités, il est essentiel de planifier d’emblée la durée de cette situation et les attentes de l’entreprise. S’agit-il d’un test avant une promotion ? D’un arrangement temporaire ? On pose les bonnes questions.

Ensuite, mieux vaut obtenir des garanties. On n’hésite pas à demander un mail récapitulatif ou à faire un point officiel avec son ou sa manager pour acter ces nouvelles missions. Une reconnaissance écrite évite les promesses floues et permet de revendiquer une évolution plus tard. Évidemment, tout cela est plus facile à dire qu’à faire, surtout lorsque l’on est indépendant.e par exemple.

On peut aussi essayer de négocier une compensation, à défaut d’une augmentation ou d’une promotion. Plus de travail signifie plus de valeur ajoutée pour l’entreprise. Demander une augmentation, une prime ou au moins des avantages concrets (formation, jours de congé supplémentaires, flexibilité accrue) semble un bon win-win.

Si la charge devient trop lourde sans contrepartie, il faut savoir dire non. Exprimer son engagement tout en mettant en avant la nécessité d’un équilibre sain demande un peu de courage, mais peut être payant si votre employeur.euse est ouvert.e à la discussion. Dans le pire des scénarios, votre entreprise profite de vous sans reconnaissance et il ne vous reste plus qu’à explorer d’autres options. Sondez le marché. D’autres employeur.euse.s pourraient reconnaître vos nouvelles compétences avec un meilleur package.

Alors, opportunité ou dérive ?

Le quiet hiring est une réalité qui touche de plus en plus de salarié.e.s, en particulier dans un contexte économique tendu où les entreprises cherchent à optimiser leurs coûts. Il peut être une véritable occasion de monter en compétences et d’évoluer, mais aussi un moyen pour les employeur.euse.s de profiter du talent de leurs employé.e.s sans les récompenser à leur juste valeur. La clé ? Rester stratégique, poser ses conditions et ne jamais perdre de vue sa propre valeur. Apprendre et progresser, c’est bien. Mais être reconnu.e à sa juste valeur, c’est mieux.