En tant que journaliste beauté, je connais le fonctionnement de presque tous les ingrédients de soin de la peau, mais cela ne me protège pas de l’acné. Il y a eu des mois où ma vie semblait entièrement absorbée par des éruptions persistantes, impossibles à maîtriser avec la moindre crème ou pilule. Ce sentiment d’impuissance se transformait souvent en frustration : je grattais, je pressais, je pinçais et je me retrouvais avec des plaies plus grandes et des cicatrices.
Je savais que c’était une mauvaise idée. Je le savais déjà bien avant ce métier, quand à quinze ans je faisais éclater un bouton à la va-vite avant de sauter sur mon vélo pour aller à l’école, le front encore rouge. Mais l’envie était plus forte. Ce geste se situe quelque part entre la honte, l’agacement et une sorte de réflexe automatique. Un cycle que beaucoup reconnaissent et que les dermatologues appellent officiellement acné excoriée ou acné de grattage.
“Ce n’est pas une habitude anodine”, explique le dermatologue australien Dr Davin Lim. “L’acné excoriée est une véritable affection cutanée où le comportement et l’acné se nourrissent mutuellement.”
Qu’est-ce que l’acné excoriée exactement ?
C’est le terme utilisé pour décrire une acné qui s’aggrave ou persiste parce qu’on touche constamment sa peau. Au lieu de laisser les boutons guérir, on les gratte ou on les perce, retardant ainsi la cicatrisation. Selon la Cleveland Clinic, ce comportement entraîne non seulement davantage d’inflammations, mais aussi des cicatrices durables et un fardeau émotionnel plus lourd.
On peut d’ailleurs considérer cette acné de grattage comme une forme de dermatillomanie; le terme médical pour désigner le fait de tripoter compulsivement sa peau, qu’il s’agisse de boutons, de grains de beauté ou même d’imperfections imaginaires.
Pourquoi ne pouvons-nous pas laisser notre peau tranquille ?
Les dermatologues évoquent un mélange de facteurs physiques et émotionnels. L’acné elle-même est souvent le déclencheur : un bouton visible donne presque envie d’agir, comme si on pouvait régler le problème d’un geste. À cela s’ajoutent les émotions. Le stress, l’ennui ou la honte amplifient la tentation, procurant un soulagement bref mais trompeur.
Le piège, c’est que ce comportement est souvent inconscient. Une étude publiée dans Frontiers in Psychiatry montre que le fait de triturer sa peau se produit le plus souvent automatiquement, on ne s’en rend compte qu’après coup, comme si nos mains avaient agi toutes seules.
Comment briser le cycle du skin picking ?
Il n’existe pas de remède miracle, mais les dermatologues et psychologues recommandent une approche en plusieurs étapes, combinant soins de la peau, astuces pratiques et stratégies comportementales.
1. Traitez votre acné sérieusement
Un bon traitement réduit l’envie d’y toucher. Rétinoïdes, peroxyde de benzoyle, acide salicylique… mais toujours sous le suivi d’un dermatologue. Moins l’acné est active, moins la tentation est forte.
2. Créez une barrière
Les patchs hydrocolloïdes ne sont pas qu’une tendance TikTok : ils fonctionnent vraiment. Ces petits pansements protègent les boutons des bactéries et de vos doigts. Une simple barrière qui aide la peau à guérir en paix.
3. Gardez vos ongles courts
Des ongles courts et lisses limitent le risque de blessures et d’infection. Selon Harvard Health, c’est l’un des gestes préventifs les plus simples et les plus efficaces.
4. Identifiez vos déclencheurs
Notez les moments où vous touchez le plus souvent votre peau. Est-ce le soir devant le miroir, pendant un appel vidéo ou en période de stress ? Repérer ces situations aide déjà à les désamorcer.
5. Occupez vos mains
Une balle anti-stress, une bague à tourner, un fidget toy… Si vos doigts ont autre chose à faire, ils iront moins chercher votre peau.
6. Pratiquez la douceur et la pleine conscience
La culpabilité et la honte entretiennent souvent le cercle vicieux. Adopter une approche plus consciente aide à réduire l’envie : reconnaître le réflexe, respirer un instant, puis choisir une alternative.
7. Cherchez de l’aide si nécessaire
Si le comportement persiste, certaines thérapies comportementales peuvent être très efficaces, comme la Habit Reversal Training ou le modèle ComB. L’International OCD Foundation les considère parmi les méthodes les plus probantes pour traiter le skin picking.
Cicatrices et soins post-acné
Les cicatrices et les taches sont souvent ce qui reste de plus visible, et de plus frustrant, après une acné excoriée. Les dermatologues insistent donc sur l’importance des soins post-acné.
La protection solaire est essentielle : les UV accentuent les taches pigmentaires et ralentissent la réparation. Ensuite, tournez-vous vers des soins apaisants riches en niacinamide ou en panthénol, qui calment les rougeurs et soutiennent la régénération cutanée.
Les rétinoïdes et les acides exfoliants doux (AHA) peuvent aider à estomper les marques plus rapidement. Et lorsque les traces sont plus marquées, des traitements professionnels comme les peelings chimiques, le microneedling ou le laser, peuvent uniformiser la texture et le ton de la peau.
Quand demander de l’aide d’un professionnel ?
Si vous continuez à gratter malgré vos efforts ou si cela affecte votre quotidien -confiance en soi, interactions sociales, maquillage camouflant devenu réflexe- il est temps de demander de l’aide. Une prise en charge combinée, dermatologique et psychologique, peut vraiment faire la différence.
Et surtout, souvenez-vous : chaque fois que vous laissez vos mains tranquilles, vous offrez à votre peau la possibilité de faire ce qu’elle sait faire de mieux, à savoir se réparer elle-même.