On nous a longtemps répété que le post-partum se résumait à six petites semaines de récupération. On a ensuite parlé d’un “quatrième trimestre”, histoire d’étendre un peu le concept. Mais une nouvelle étude publiée dans Science Advances vient mettre les pendules à l’heure : en réalité, il faut plus d’un an au corps pour se remettre d’une grossesse. Oui, un an. Et ce, même après un accouchement sans complications.
Une base de données inédite pour une étude titanesque
C’est une plongée vertigineuse dans les coulisses biologiques de la maternité. Menée par des biologistes du Weizmann Institute of Science en Israël, en collaboration avec le Helen Schneider Women’s Hospital et l’université Yale, cette étude a analysé plus de 44 millions de données médicales issues de 300 000 naissances, sur une période de 17 ans. Une première à cette échelle.
Les scientifiques se sont intéressés à 76 marqueurs physiologiques — du cholestérol aux globules rouges, en passant par les enzymes hépatiques, les marqueurs d’inflammation ou encore le fonctionnement des reins. Et ce, de 4,5 mois avant la conception à 18,5 mois après l’accouchement. Ce qu’ils ont découvert ? Une symphonie de bouleversements internes, loin d’être anodins, et surtout qui durent.
Le corps met du temps à retrouver son équilibre
Les résultats sont frappants. 47 % des indicateurs reviennent à leur état “normal” dans le mois qui suit l’accouchement. Jusque-là, tout va (à peu près) bien. Mais pour 41 % des marqueurs, il faut plus de 10 semaines pour se stabiliser. Et pas qu’un peu : le cholestérol, par exemple, peut mettre six mois à revenir à son niveau d’avant grossesse. Quant à certains marqueurs de la santé osseuse et hépatique, il leur faut plus d’un an – 56 semaines exactement – pour retrouver un semblant de normalité.
Et ce n’est pas tout. Certains paramètres ne reviennent jamais complètement à leur niveau d’avant conception, même 80 semaines après l’accouchement. C’est le cas de certains marqueurs d’inflammation et de la santé du sang. Ce que cela signifie concrètement ? Qu’il existe des modifications durables, voire permanentes, du corps après une grossesse. Ce n’est pas forcément dramatique, mais ça mérite d’être reconnu.
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Une charge invisible
Ce que révèle cette étude, c’est une “charge physiologique” immense et souvent sous-estimée. Elle se manifeste par : des modifications de la coagulation sanguine, qui peuvent favoriser certains risques post-accouchement ; des déséquilibres hormonaux prolongés, qui affectent tout, du sommeil à l’humeur en passant par la libido ; des impacts sur le système immunitaire, encore mal compris mais bien réels ; une fatigue chronique liée à l’instabilité des globules rouges ou du foie ; une fragilisation osseuse, qui peut perdurer bien au-delà du baby blues.
Ajoutez à cela une société qui pousse les jeunes mères à “retrouver leur corps” en un clin d’œil, et vous obtenez un cocktail de pression physique, mentale et émotionnelle.
Détecter les risques… avant même la grossesse ?
L’une des découvertes majeures de l’étude est la possibilité de prédire certaines complications — comme le diabète gestationnel ou la pré-éclampsie — avant même que la grossesse ne commence. Les femmes ayant développé ces troubles affichaient en effet des profils biologiques distincts, parfois des mois avant la conception.
Une avancée qui ouvre la voie à un dépistage préventif, potentiellement révolutionnaire pour la santé reproductive.
Un appel à repenser le post-partum
“Les manuels médicaux parlent encore de six semaines pour le post-partum, mais beaucoup de femmes vivent un rétablissement bien plus long”, résume le chercheur Uri Alon. Et c’est précisément ce que vient prouver cette étude monumentale : le corps maternel a besoin de temps, de soins, et surtout, de reconnaissance.
Alors non, on ne “rebondit” pas en six semaines. Ni même en trois mois. Et c’est ok. Cette nouvelle science du post-partum nous rappelle qu’il est urgent d’élargir notre regard sur la maternité, et de lui offrir, enfin, l’espace (et les soins) qu’elle mérite.