Témoignages : ces femmes qui ont totalement changé de vie

Mis à jour le 25 août 2022 par Maya Toebat et ELLE Belgique Photos: Justin Paquay
Témoignages : ces femmes qui ont totalement changé de vie

Un job, ce n'est plus pour la vie. Mais ce changement de carrière demande plus de courage qu’on ne le pense, surtout si on s’engage sur une voie radicalement différente. Trois femmes racontent comment elles ont fait le grand saut, que ce soit pour concrétiser un vieux rêve ou démarrer tout en spontanéité une nouvelle carrière. 

SOUHAILA AKARKACH 

D’ÉDUCATRICE À COACH SPORTIVE 

À 27 ans, Souhaila a traversé une dépression grave. Elle a donc fait ce qu’elle avait toujours fait pour se requinquer : du sport. « À la maison, le sport a toujours fait partie de l’équation, mais pendant cette période, je m’y suis délibérément accrochée pour sortir du trou noir », confie-t-elle. « C’est ainsi que De Sportstudio est né. Le sport en soi m’a fait du bien, certes, mais l’idée de faire quelque chose pour mon prochain accentuait encore la satisfaction que je retirais de cette activité. Quand j’ai accueilli mes premier·e·s client·e·s et que je les ai vu·e·s obtenir des résultats, ça m’a vraiment sauvée. » Pourtant, Souhaila avait déjà le job de ses rêves. « Je travaillais comme éducatrice dans l’enseignement spécialisé à Bruxelles. J’accompagnais des enfants sourd·e·s et malentendant·e·s », se souvient-elle avec mélancolie. Les formations en langue des signes et en logopédie s’étaient imposées à elle après un incident survenu à la mosquée. « Un jour, j’ai remarqué qu’une jeune femme ne comprenait pas la prière. Une autre dame malentendante essayait donc de la traduire avec des signes. En rentrant chez moi, j’ai pensé : “Nous échouons en tant que société si tout un pan de la population ne comprend pas certains messages.” » 

C’est ainsi que Souhaila s’est lancée dans l’enseignement en tant que médiatrice pour les enfants sourd·e·s. Mais déjà à cette époque, le sport était son grand hobby. « Je faisais beaucoup de sport et les femmes de mon entourage me demandaient souvent si elles pouvaient m’accompagner. Au début, je me suis dit : “Pourquoi ne pas faire du sport avec elles ?” Mais très vite, je n’ai plus été en mesure de suivre mon programme et je me suis plutôt consacrée au coaching. » Souhaila a alors entamé une formation pour devenir personal trainer. « Ce n’était absolument pas dans l’optique de créer une salle de sport », s’empresse-t-elle de préciser. « Une personne qui m’est proche voulait suivre cette formation, mais n’osait pas franchir le cap. Nous ferions donc le pas ensemble. » Bien sûr, elle savait que ça ne réduirait pas l’intérêt de l’extérieur. « J’ai d’abord commencé dans un parc, mais j’ai très vite senti que je devais créer une structure pour répondre à toutes les demandes. J’ai donc posé les bases de ce qui allait devenir De Sportstudio.

Ce projet est né dans le plus grand secret. « Je n’ai rien dit à mes ami·e·s ni à ma famille », poursuit Souhaila. « Pas parce qu’ils m’en empêcheraient, mais parce que je voulais d’abord aller jusqu’au bout de mon idée. Si je la rendais publique, je me retrouverais sous le feu d’influences en tous genres. » Ce n’est qu’à l’ouverture en juin 2019 que les proches de Souhaila ont reçu une invitation. « À ce moment-là, ils ont compris pourquoi j’étais si souvent absente (rires). » 

« JE TOUCHE DES GROUPES CIBLES QUI NE VONT DANS AUCUNE AUTRE SALLE DE SPORT » 

Les premiers temps, Souhaila a continué à travailler en tant qu’éducatrice. Mais au bout de quelques mois, c’est devenu intenable. « Je travaillais dans une école à Bruxelles, après quoi j’allais au studio jusqu’à minuit. Au seuil de l’épuisement, je me suis retrouvée face à un dilemme : vais-je décevoir toutes ces femmes parce que je n’ai pas le temps ou dois-je me consacrer à fond à cette activité ? Je savais que mes élèves ne manqueraient pas d’instituteurs et institutrices merveilleux/ euses. Mais les femmes de la salle de sport seraient laissées pour compte, car il n’y a pas d’équivalent à ce que je propose. » 

Qu’est-ce qui rend De Sportstudio si différent ? « Je touche des groupes cibles qui ne vont dans aucune autre salle de sport. Des dames de 70 ans et des enfants de travailleurs et travailleuses immigré·e·s de première génération fréquentent mon studio. Pour beaucoup de ces femmes, le sport n’était pas une priorité à la maison. L’idée reçue était la suivante : gagner de l’argent pour nourrir ses enfants, pas pour les envoyer à la salle de sport. » En outre, Souhaila estime qu’il est important de continuer à évoluer pour répondre à la demande des client·e·s. « Nous avons mis en place un service de garderie parce que beaucoup de mamans ne pouvaient pas venir si elles n’avaient pas de baby-sitter. En cas de problème, je cherche toujours une solution. Après tout, qu’y a-t-il de plus important qu’un mode de vie sain ? » 

Le fait que Souhaila touche également les enfants par l’intermédiaire de leurs mères est, selon elle, le plus beau des cadeaux. « J’ai tou- jours voulu travailler avec les jeunes », dit-elle. « À un moment donné, j’ai rencontré un autre groupe cible qui avait besoin d’aide. Alors quoi de mieux que de soutenir les mères, qui sont des modèles pour leurs enfants ? Au fond, indirectement, je continue à travailler avec les jeunes. »

desportstudio.com 

HÉLÈNE FRANSEN 

DE JURISTE À CRÉATRICE DE CARTABLES 

Lorsque le fils d’Hélène est entré en première maternelle en 2012, elle n’a pas trouvé de cartable adapté. « Des sacs bruyants ou très lourds », se sou- vient-elle. « Je me rappelle avoir vu une super mallette en cuir avec un mou- ton dessus. Mais quand je l’ai soulevé, il pesait 2 kilos. » Alors, parce qu’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, elle a créé un sac en cuir d’agneau orné du prénom Ralph. 

Le jour de la rentrée, le sac a fait mouche et Hélène a reçu quatre commandes. « Lorsque j’ai déposé mon fils à l’école, des parents sont venus me voir, ainsi que la directrice. Elles voulaient un cartable comme celui-là pour leurs enfants. » De quatre sacs, Hélène est passée en un an à quatre-vingts, commercialisés sous le nom de Jeune Premier. « Avec les encouragements de mon mari, j’ai fait réaliser cinq modèles dans un atelier au Maroc et j’ai commencé à les vendre », raconte Hélène. « Je n’avais pas de plan. C’était juste le bolide Hélène lancé à toute vitesse. » 

En réalité, Jeune Premier n’est pas la première entreprise d’Hélène. La juriste a d’abord travaillé pour le cigarettier Philip Morris et l’agence immobilière bruxelloise Bureau Gerard, avant de se rendre compte qu’elle était trop têtue pour se plier aux ordres de qui que ce soit. « Je viens d’une famille d’entrepreneur·e·s. Quand mes parents ont demandé à la petite Hélène ce qu’elle voulait faire, j’ai répondu : “patronne”. Après cinq ans chez Bureau Gerard, ma sœur et moi avons donc décidé de lancer une petite marque d’écharpes, un accessoire qui ne se décline qu’en une seule taille, ce qui limitait les risques. » Hélène a ensuite troqué les écharpes contre les cartables et, en lieu et place de sa sœur, son mari Bruno Piers est devenu son nouveau partenaire commercial. « Pharmacien de formation, mon mari avait perdu le feu sacré. Très doué pour les chiffres, il est aujourd’hui le CEO de Jeune Premier. Il définit la stratégie et je m’occupe de la conception », explique Hélène.

Il n’était cependant pas évident que ces deux-là deviennent collègues. « Nous sommes deux personnalités alpha. Personne ne pensait que ça marcherait aussi bien, mais nous nous entendons à merveille au sein de l’entreprise. Et en dehors aussi bien entendu (rires). » Jeune Premier est désormais en vente dans 36 pays. Ces dernières années, une deuxième ligne a même vu le jour, Jack Piers, du nom du plus jeune fils de la famille. Un parcours néanmoins semé d’embûches pour la juriste et le pharmacien. « Je n’aurais jamais osé rêver de tout ça. Les premières années ont été très difficiles et nous avons connu quelques coups durs. Par exemple, nous avons rencontré la troisième année un gros problème au niveau de la fermeture de nos cartables. Nous avons alors réparé toutes les mallettes et les avons renvoyées aux client·e·s. » Jeune Premier considère les échecs comme autant d’occasions d’apprendre. « Grâce à cet incident, nous sommes aujourd’hui la marque de cartables avec le système de fermeture le plus avancé », déclare fièrement Hélène.

L’entrepreneure ne cache pas ses ambitions pour Jeune Premier. « Je veux que nous devenions la plus belle marque dans les écoles. Nous fabriquons des articles fonctionnels, mais surtout très beaux, et c’est une qualité qui manque à beaucoup d’autres labels. » Partie d’un vide esthétique, Hélène continue d’y attacher de l’importance. « Les enfants utilisent leur cartable tous les jours. Pourquoi ne serait-il pas beau ? »

« LES ENFANTS UTILISENT LEUR CARTABLE TOUS LES JOURS. POURQUOI NE SERAIT-IL PAS BEAU ? »

« NOUS AVONS APPRIS DE NOS ERREURS : NOUS SOMMES AUJOURD’HUI LA MARQUE DE CARTABLES AVEC LE SYSTÈME DE FERMETURE LE PLUS AVANCÉ » URE LE PLUS AVANCÉ » 

jeunepremier.be 

VANESSA CHABOTEAU 

DE L’HÔPITAL AU COFFEE BAR 

Parfois, il faut qu’un événement grave se produise pour que puisse survenir un changement radical de vie. C’est ce qui est arrivé à Vanessa. Pendant plus de 21 ans, elle a tout donné en tant qu’infirmière en oncologie. « Mes patient·e·s étaient numéro un sur la liste de mes priorités et mes collègues étaient super », raconte-t-elle. « J’étais aussi un peu le clown de service : je décorais la clinique de jour et j’apportais une note d’humour au milieu de toute cette tristesse. » Vanessa ne s’attendait pas à être elle-même mise à l’épreuve. « L’année dernière, j’ai été victime de harcèlement de la part d’un collègue. Personne n’a remarqué, c’est passé sous le radar. J’ai traversé une période très difficile. » 

« JE SUIS QUELQU’UN QUI MARCHE TOUJOURS DANS LES CLOUS, ET CE CHANGEMENT ALLAIT ME FAIRE SÉRIEUSEMENT QUITTER MA ZONE DE CONFORT » 

« JE N’AI PLUS À EFFECTUER DE TÂCHES INFIRMIÈRES, MAIS JE CONTINUE À PRENDRE SOIN DES GENS » 

À l’époque, elle soignait Yves, qui est devenu – outre un patient – un bon ami. « Très vite, il a remarqué que je n’étais pas bien. Je lui ai aussi fait part de mon rêve d’avoir mon propre café. Il y a environ quatre ans, j’ai suivi des cours de barista. Je voulais faire quelque chose d’un peu dingue, que ça me serve un jour ou pas. Je n’étais vraiment pas sûre de pouvoir en faire mon métier. » 

Yves a ressenti l’inquiétude de son amie et lui a dit : « Vas-y, Vanessa, fonce ! » Mais c’était un pas difficile à franchir. « Je suis quelqu’un qui marche toujours dans les clous, et ce changement allait me faire sérieusement quitter ma zone de confort », raconte Vanessa. « J’ai dressé une liste des avantages et inconvénients, mais je n’ar- rivais pas à prendre une décision. Bien sûr, ce serait mon truc à moi. J’aurais le mercredi et le jeudi de libres, et je travaillerais près de la maison, mais il me fallait renoncer aux week-ends et aux vacances. » Entre-temps, Yves est décédé, mais sa femme Sabine a pris le relais. « Elle ne comprenait pas trop mes doutes non plus », se souvient Vanessa. « Un seul inconvénient et tous ces avantages ? », disait-elle. « Go ! » 

Il y avait plus de choses à régler que prévu. Vanessa a dû s’occuper des papiers et des assurances seule, car elle n’avait plus confiance en personne. Heureusement, son mari Daan a toujours été à ses côtés. « Tu vas devoir travailler très dur, mais c’est déjà le cas aujourd’hui. Parfois, il faut juste sauter le pas. » Et parce qu’il y en a plus dans deux têtes que dans une, il a rejoint l’entreprise, réorientant lui aussi sa carrière et passant ainsi de boucher à pâtissier. 

Début 2020, le coffee bar De Blauwe Vogel a ouvert ses portes à Nieuport. Deux semaines avant le début de la crise sanitaire. « Beaucoup de larmes ont coulé, mais on n’a rien lâché », souligne Vanessa. « À chaque confinement, nous sommes restés ouverts. On a fait des tas de gaufres et de crêpes à emporter. Et à notre grande surprise, beaucoup de client·e·s régulier·e·s nous ont soutenus. » 

Ces client·e·s sont en quelque sorte les nouveaux/nouvelles patient·e·s de Vanessa. « Je n’ai plus à effectuer de tâches infirmières, mais je continue à prendre soin des gens. J’ai besoin de cet amour et de cette chaleur dans un job. Mon mari appelle ça la “magie Vanessa” (rires). Pour moi, c’est le travail parfait pour le moment. Ce sont des horaires très lourds, de 6 à 20 h, après quoi je dois encore faire le ménage. Mais je rends une quantité incroyable de client·e·s heureux. » Et Yves ? En tant que parrain de l’entreprise, il veille sur elle avec amour. 

koffiehuisjedbv.be 

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