Lancer sa start-up: conseils pratiques et témoignages

Mis à jour le 19 juin 2019 par Laurence Donis
Lancer sa start-up: conseils pratiques et témoignages

Lancer son entreprise et l’élever au rang de star des start-up, c’est tentant. Mais comment passer du fantasme à la réalité ? Par où commencer, qui contacter, comment bénéficier de subsides ? Réponses dans notre Bible de l'entrepreneuriat, un guide pour avoir la foi.

Prononcer le mot « start-up » a un effet grisant. Tout de suite, on se voit déambuler à vélo dans son bureau, pitcher des idées en jouant au baby-foot et changer le monde grâce à un concept innovant. Le terme fait planer toute une génération. Des millenials surtout qui, on le sait, ont besoin de sens et s’ima- ginent facilement être leur propre boss. Aujourd’hui, l’entrepreneuriat fait rêver. Et inquiète, aussi. Si beaucoup aimeraient se lancer, le manque d’informations, la peur du risque ou la diabolisation de l’échec freinent leur élan. Pourtant, la Belgique permet de voir grand. Depuis quelques années, notre pays multiplie les structures d’accompagnement et les aides pour les créateurs d’entreprise, à tel point qu’on ne pourrait pas toutes les détailler ici. Première bonne nouvelle. Pour s’y retrouver, quatre chiffres à retenir : 1819. Ce service de la Région bruxelloise informe et oriente les personnes qui veulent entreprendre.

Concrètement, si vous avez une idée de business, mais que vous ne savez pas par où commencer, un conseiller vous reçoit pour répondre à vos questions. Sans que vous ne deviez dépenser un rond. Ici, on vous éclaire sur les différents subsides, on vous conseille pour votre statut social, on vous indique où aller pour créer un business plan... La porte d’entrée de l’entrepreneuriat semble tout de suite moins difficile à pousser. « C’est un service personnalisé, on prend vraiment le temps. On rencontre de tout : des personnes qui ne savent pas quelles autorisations obtenir pour ouvrir un hôtel de luxe pour chats, d’autres qui veulent créer une compagnie aérienne en étant au chômage ou encore des inventeurs qui refusent de dévoiler leur idée de peur qu’on leur vole », raconte en souriant Véronique Flammang, responsable du pôle information du 1819. « On les aide à dégrossir leur concept. C’est très stimulant : je rencontre sans arrêt des gens qui ont des rêves et qui veulent améliorer la société. » En Wallonie, le 1890 est l’équivalent du 1819. Le service gratuit ne propose pas encore de rendez-vous, mais répond à vos questions par mail ou par téléphone. 

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tasse table de travail

ACCOMPAGNANT BOOSTANT 

Pour ensuite passer de l’idée sur papier au projet concret, l’incubateur de start-up reste un must. On l’appelle aussi « couveuse d’entreprises » et la métaphore veut tout dire. Ce genre de structure accueille de jeunes entrepreneurs et les soutient... Jusqu’à ce que les oisillons soient prêts à quitter le nid. Chez Creatis, un incubateur dédié aux industries culturelles et créatives, on offre un accompagnement juridique et administratif, on organise des events, des formations en compta, en marketing digital... Il faut être sélectionné et payer 270 euros par mois pour y bosser mais l’ambiance de travail est à la cool et l’énergie communicative. « Passer par un incubateur, ça permet de gagner un temps dingue en acquérant rapidement des compétences et un carnet d’adresses. On est entouré aussi : lorsqu’on a des moments de doute, les autres sont là », raconte Daphna Krygier, la project manager. « J’adore l’effervescence créative qui existe ici », ajoute Laetitia Van Hove qui a lancé Fifty PR, sa propre agence de com’ dans la musique. « En travaillant côte à côte, des inconnus vont s’entraider, répondre à des appels d’offres ensemble... » 

Pour ne pas rester chez seul chez soi, d’autres solutions existent. On pense à Transforma par exemple, un endroit unique de 3.000 m2 à Bruxelles qui se définit comme un « terrain de jeu pour l’innovation ». Au programme ? Un espace de coworking, un « fablab » (dédié à la fabrication numérique), un hangar de stockage pour l’e-commerce, un atelier pour réaliser ses prototypes, un service d’accompagnement pour start-up, un studio photo ou encore un studio de podcast. Tout ce qui peut faire rêver un entrepreneur. Une simple visite des lieux donne d’ailleurs envie de créer illico sa boîte. Les formules commencent à 150 euros par mois. Ici aussi des collabs voient le jour naturellement et une communauté forte s’est créée : des cours de yoga et des sessions de permaculture sont organisés dans le jardin, un dîner façon auberge espagnole a lieu tous les jeudis... Niveau déco, les couleurs explosent, les plantes envahissent l’espace et des hamacs trônent dans la salle de réu. 

Un esprit un brin hippie dans un lieu où ça bosse dur. « On partait du principe qu’on ne crée pas un concept innovant dans un lieu ordinaire. C’est plus compliqué de stimuler la créativité dans un endroit aseptisé. Mais le défi, c’était de concevoir des pièces qui soient vraiment utilisées. Installer des zones colorées juste pour faire cool, ça ne nous intéressait pas », explique Anis Bedda, le cofondateur de Transforma. 

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carnet bic girlboss

OÙ SONT LES FEMMES ? 

Que ce soit chez Creatis ou Transforma, vous croiserez des femmes partout. Mais la réalité du terrain est tout autre. Elles ne représentent qu’un tiers des entrepreneurs en Belgique. Et lorsqu’on parle de fondateurs de start-up (où la dimension tech’ est présente), le chiffre tombe à 13,7 %. Les raisons ? Manque de role models et de confiance en soi, conciliation difficile entre vie pro et vie privée, peur du risque... Mais tout ça, ce n’est pas inné. Des siècles de patriarcat ont conditionné les mecs à oser et les petites filles à être sages comme des images. Et des femmes qui conjuguent vie de famille et entrepreneuriat, il y en a évidemment des tas. « Je me suis lancée alors que j’étais en congé maternité. On pense souvent que ce n’est pas le bon moment, mais moi je trouvais que si, justement. J’ai décidé de voir les points positifs et de m’organiser différemment », raconte Laetitia Van Hove. « Si j’étais employée, je serais au bureau de 9 à 17 h, et pas constamment performante. Là, je vais chercher mes enfants à la crèche, je les accompagne à la piscine... Et je rebosse après. L’avantage d’un bébé, c’est que ça dort tôt : le soir, une baby-sitter arrive et je peux enchaîner les rendez-vous et les concerts. » 

Les raisons qui empêchent les femmes d’entreprendre, on les connaît déjà. Elles sont applicables à n’importe quel domaine où les filles sont sous-représentées. Alors plutôt que de se pencher inlassablement dessus, on propose de passer à l’action. De mettre l’accent sur les pistes de solutions. À Bruxelles, on retrouve déjà Women in Business et Women in Tech, deux plateformes de référence ultra-boostantes. La première fédère toutes les initiatives liées à l’entrepreneuriat féminin, la seconde se bat pour amener les filles dans le digital. Ici, les mesures s’enchaînent : festival pour initier les femmes au code, présentation de businesswomen inspirantes, proposition de nouvelles politiques de genre... Chez Hub, l’agence bruxelloise pour l’accompagnement de l’entreprise, on ne manque pas non plus d’idées. « On va bientôt former nos accompagnateurs à la question du genre. Le but, c’est qu’on évite de parler systématiquement de réussite dans des termes masculins. En rendez-vous, on peut adapter notre communication aux femmes, les coacher à oser, à prendre confiance en elles », indique Isabelle Grippa, CEO de Hub Brussels. 

« On a aussi remarqué qu’il faudrait multiplier les “auberges espagnoles” pour attirer les filles. Le concept a beaucoup de succès auprès des femmes, ça les rassure. » Cette mesure permet de tester son projet pendant quelques mois, sans risques et sans devoir investir d’argent. Un pop-up store est à votre disposition : vous payez un petit loyer et vous pouvez y installer votre resto, votre marque de bijoux... 80 % des commerces se pérennisent par la suite ! Pour Isabelle Grippa, il faut aussi pousser les start-uppeuses à networker, un réflexe encore trop masculin. La «girl boss» mentionne les clusters, ces réseaux d’entreprises qui permettent d’avoir l’info et l’aide nécessaires pour développer son business. Seules 20 % des femmes font partie de ces communautés. En Belgique, les réseaux de nanas sont également nombreux. On pense à Wowo, Diane, Mompreneurs, Femmes chefs d’entreprises (FCE) ou encore Femmes actives en réseau (FAR) pour ne citer qu’eux. « Toutes ces initiatives permettent une évolution positive. Ces cinq dernières années, les femmes à Bruxelles ont entrepris plus que les hommes ! On parle d’une différence de 1 %, mais c’est déjà ça. Il y a eu aussi un boom de nanas qui ont pris le statut d’indépendant complémentaire, c’est un premier pas avant de passer à l’acte», affirme Loubna Azghoud, la coordinatrice de Women in Business et Women in Tech. « L’entrepreneuriat, c’est devenu cool et les femmes ont pris la vague. Mais comme le gap est important, il faudra quelques années pour le réduire. L’important, c’est de ne rien lâcher. » 

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coworking start-up

MONEY BABY 

Malgré ça, une difficulté majeure concerne toujours les femmes : l’accès au financement. Ça reste un club de mecs : les investisseurs sont majoritairement des hommes et les entrepreneures ne lèvent que 2 % des fonds de capital-risque... « Quand j’ai débuté mes recherches de sponsoring, on ne me prenait pas au sérieux. J’avais rendez-vous dans des grosses banques, tout en haut d’une tour avec uniquement des mecs en costard de l’autre côté de la table», raconte Marie du Chastel, coordinatrice du KIKK, un festival qui mêle arts et nouvelles technologies. « Ils me faisaient sentir que j’étais une fille et qu’ils s’y connaissaient mieux que moi alors que ce n’est pas vrai. » Mais là aussi, des solutions existent. En Belgique, c’est Be Angels qui fait bouger les lignes. Ce réseau met en relation des porteurs de projets innovants avec des investisseurs. Et un programme spécialement conçu pour les femmes, Invest for She, a été mis en place. Trois events sont organisés : une séance d’info pour expliquer les différentes sources de financement, un lunch où une entrepreneure démystifie la levée de fonds et raconte comment elle réussi, et une conférence pour encourager les femmes à investir dans des start-up. C’est concret, inspirant et réellement porteur de changement. 

« Chez nous, les femmes n’ont pas plus de mal que les hommes à lever des fonds, au contraire », affirme Claire Munck, la CEO de Be Angels. Ses conseils pour pitcher face à des investisseurs ? « Aller à l’essentiel et ne pas être trop modeste. On n’est pas là pour vendre un produit à un client mais pour présenter une opportunité d’investissement. Il vaut mieux avoir déjà testé son produit sur le marché et les investisseurs aiment qu’on leur parle de l’équipe derrière le projet... » On l’a compris, les femmes ont tout pour se lancer. Se priver d’elles dans le monde des start-up, c’est se couper de la moitié de l’humanité, passer à côté d’un regard différent et de concepts vraiment innovants. Alors informez-vous, formez-vous, secouez-nous. Si l’entrepreneuriat peut ressembler au parcours du combattant, l’expérience est unanimement décrite comme stimulante et ultra-enrichissante. « Tu ne dois rendre des comptes qu’à toi-même et tu fais tes propres choix », raconte Laetitia Van Hove. « Certaines de mes copines ont la boule au ventre le dimanche soir. Moi, en rentrant de vacances, je suis pressée d’aller bosser... » 

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Témoignages

1. MARIE DU CHASTEL / KIKK Festival 

Marie du chastel

Le projet ? Un festival des cultures numériques et créatives qui fait le lien entre arts, sciences et nouvelles technologies. La première édition en 2011 comptait 500 personnes, la dernière en a attiré 25.000.

La réalité d’une start-up ? Comme c’est une petite structure, chaque personne a plus de boulot et plus de responsabilités, mais l’apprentissage et les possibilités d’évolution sont énormes. Lorsqu’il y a un problème, tu dois trouver la solution toi-même et être créatif. C’est très gratifiant.

Les qualités d’un start-upper ? Être polyvalent, puisqu’au début tu fais tout, savoir gérer une équipe et être capable de s’adapter. Face à la réalité du marché, ton business model va changer dix fois. 

Un conseil ? Intégrer des réseaux d’entrepreneurs. Ça permet vraiment de trouver des pistes de financement, des contacts, etc. Tout le monde fait face aux mêmes questionnements et aux mêmes galères donc on s’entraide. 

 

2. LAETITIA VAN HOVE / Fifty PR 

Laetitia Van Hove

Le projet ? Une agence de com’ dans la musique et des FiftyFifty Sessions, un concert gratuit sur invitation pour faire découvrir de nouveaux artistes. On a déjà eu Angèle, Lomepal, Polo & Pan, Caballero & JeanJass... 

Un challenge ? Ma ligne de conduite, c’est de ne collaborer qu’avec des artistes que j’aime. Au début, c’était compliqué : quand tu es une start-up, tu n’as pas d’argent et tu as tendance à vouloir accepter tout ce qu’on te propose. Au final, je suis contente d’avoir tenu. Ça nous a permis de nous différencier et d’avoir une vraie crédibilité. 

Ton quotidien ? Je défends chaque nouveau projet comme si c’était mon bébé. Quand tu es indépen- dante, tu veux du résultat et tu ne lâches rien. Chaque victoire est très concrète, c’est vraiment excitant. 

Une fierté ? Avoir créé de l’emploi pour des gens qui kiffent autant la musique que moi.

Un conseil ? Avant de te lancer, réfléchis exactement à ce que tu veux faire. Il faut avoir une vraie vision de sa start-up et écrire son histoire de A à Z. 

 

3. SOPHIE HOFMAN / LiLiCAST 

Sophie Hofman

Le projet ? Un outil qui permet de transformer facilement sa voix en vidéo attractive pour les réseaux sociaux, en moins de trois minutes. LiLiCAST peut être utilisé par des journalistes qui veulent teaser leurs articles, par des particuliers qui ont un podcast, etc. 

Le déclic ? J’ai lancé LiLiCAST avec mon mari, Arik Azoulay. On s’est dit qu’on avait une super idée et qu’on était encore jeunes, c’était maintenant ou jamais. Ça fait trois ans qu’on y pense, mais la start-up n’existe que depuis un an. On n’a pas tout lâché d’un coup, au début, on y travaillait les soirs et les week-ends.

Une surprise ? Le côté montagnes russes : on enchaîne très rapidement les bonnes et les mauvaises nouvelles. Il faut aussi être patient, tu peux avoir l’impression que ton concept va cartonner du jour au lendemain tellement il est cool. Mais même si l’idée est top, ça peut prendre beaucoup de temps. Et parfois, on arrive simplement trop tôt.

Le débat sur l’entrepreneuriat féminin ? C’est un non-sujet pour moi. N’importe quelle femme peut travailler dans la tech’. Si on n’a pas les compétences, il suffit de s’entourer. J’ai trois enfants et pendant mon congé de maternité, je faisais mes rendez-vous pros avec mon bébé sur les genoux. Les gens trouvaient ça génial. L’avantage du monde des start-up, c’est qu’il n’est pas conventionnel. 

 

4. LUCIE JACQUEMET / Divercities 

Lucie Jacquemet

Le projet ? Une plateforme de découvertes culturelles, une sorte de Netflix indépendant, et une appli pour faire de l’exploration urbaine. On l’emmène en city-trip pour tomber sur des spots culturels alternatifs grâce à des vidéos, des podcasts, des interviews... 

Les qualités d’un start-upper ? Ne pas se laisser marcher dessus, savoir s’entourer et être capable de s’adapter. Quand tu lances une start-up, tu vas rencontrer un problème toutes les deux minutes, mais c’est ça aussi qui est challengeant.

L’intérêt d’avoir un mentor ? C’est toujours bien d’être épaulé par quelqu’un qui vient du milieu. Il peut débloquer en deux secondes un problème qui t’aurait pris six heures et t’aider à nouer des contacts. Ça m’est déjà arrivé d’aller boire une bière et de me retrouver avec un contrat à 7.000 euros. 

Un conseil ? Bien analyser le marché avant de commencer. Est-ce qu’il y a vraiment une demande et quel est le meilleur support pour te lancer ?