Interview: Joan Smalls, grande parmi les grandes

Mis à jour le 8 novembre 2018 par Vera Popova et Marie Guérin Photos: Ekaterina Mukhina
Interview: Joan Smalls, grande parmi les grandes

La Portoricaine Joan Smalls (30 ans) a marqué le début de la diversité à bien des égards. Première égérie latino d’Estée Lauder, elle défile pour les plus grands, de Chanel à Victoria’s Secret. Cette fervente défenseuse des droits humains a aussi créé une ligne de maillots de bain qui contribue au mouvement « body positive ».

L’interview

Votre parcours de mannequin est déjà impressionnant. En plus d’être la muse de Riccardo Tisci, vous faites partie de l’armée Balmain et avez joué dans un clip de Beyoncé. Quelle est la prochaine étape ?

C’est un honneur de compter tous ces moments forts dans ma carrière. Je travaille dur pour poser pour des magazines, fouler les podiums et être l’égérie de campagnes tout en faisant entendre ma voix et en essayant de changer les choses dans l’industrie de la mode. Par chance, j’ai croisé de belles personnes sur mon chemin et noué des amitiés solides. Je veux m’améliorer et sortir de ma zone de confort dès que c’est possible. C’est la seule manière d’avancer. J’ai léché la poitrine de Beyoncé dans son clip « Yonce » et défilé dans les chaussures les plus improbables de Riccardo Tisci. La fois où on m’a blanchi les sourcils, j’ai trouvé ça bizarre mais j’ai joué le jeu car je suis toujours ouverte à de nouvelles expériences.

Vous avez beaucoup d’amies mannequins ?

Avec le temps, je me suis fait énormément d’amies dans ce monde, nous formons un petit club très uni. Je suis la première à me réjouir de leur succès. Amber Valletta, Doutzen Kroes, Damaris Lewis, Kendall Jenner, Hailey Baldwin et Riley Montana pour ne citer qu’elles font partie de mon cercle d’amies. Ce sont des amitiés comme les autres, sauf qu’il est difficile pour nous de fixer des rendez-vous en raison de nos emplois du temps très chargés. Quand nous parvenons à faire coïncider nos agendas, nous en profitons au maximum.

Originaire de Porto Rico, vous avez pris la décision radicale de déménager à New York. Comment l’avez-vous vécu ?

Comme un choc culturel au début. Les New-Yorkais s’habillent très différemment des Portoricains qui ne connaissent qu’une saison chaude. Aux États-Unis, les différences entre l’été et l’hiver sont très marquées. Porter plusieurs couches de vêtements tout en restant élégante a été un véritable défi pour moi. Et je dois reconnaître que je ne maîtrise toujours pas l’art de la superposition. Ce que je préfère à New York, c’est que les gens osent afficher leur personnalité et s’habiller autrement. La simplicité de Porto Rico me manque, mais pas les idées ambiantes selon lesquelles plus votre peau est claire, meilleur vous êtes. Je suis ravie de ne plus être confrontée à un tel racisme.

joan smalls

Vous avez déclaré qu’être mannequin implique de faire des choses que vous ne faisiez jamais autrefois. Qu’avez-vous encore envie de tenter ?

Je veux utiliser ce job comme une plateforme pour aider l’industrie de la mode à fusionner avec les autres secteurs. Passionnée par la créativité, je saisis toutes les nouvelles occasions qui se présentent. Je n’arrête pas une seconde, mais je n’aime pas parler de mes projets avant qu’ils ne soient concrétisés. Wait and see !

Qu’est-ce que vous aimez et détestez dans les réseaux sociaux aujourd’hui ?

J’apprécie de pouvoir partager mon monde comme je l’entends. Disons que je suis en quelque sorte la curatrice de mes publications. Le revers de la médaille, c’est que nous sommes absorbés par toutes ces images alors qu’elles ne reflètent pas la réalité. C’est comme si nous voulions constamment savoir ce que les autres sont en train de faire sans profiter de notre vie aujourd’hui et maintenant.

Vous utilisez vos réseaux sociaux pour dénoncer les inégalités sociales. Quelles sont les questions sociales qui vous préoccupent le plus ?

Cela me fait mal au cœur de voir l’injustice dans le monde. La violence policière aux États-Unis me touche particulièrement. En tant que citoyens, nous sommes censés être protégés par les forces de l’ordre, mais si les policiers dérapent, ils ne sont pas tenus pour responsables. La traite des êtres humains me rend également triste et furieuse. En fait, toutes les injustices quelles qu’elles soient me révoltent. Nous ignorons combien de personnes sont concernées. Si nous nous mettions davantage à la place de l’autre, la société ferait davantage preuve d’empathie et de compréhension. Vous ne voulez pas qu’un proche soit victime de violence, alors pourquoi vous montrer violent? Dénoncez les conduites immorales et incarnez le changement positif dans le monde. Refusez de faire partie du problème.

Vous venez de sortir votre collection de maillots de bain Smart and Sexy. Comment envisagez-vous le rôle du designer ?

Comme j’avais déjà dessiné pour une marque de denim, je connaissais le processus. Je veux que tout le monde se retrouve dans ma collection. C’est pourquoi elle comprend des pièces classiques, des couleurs vives et sportives, et des articles plus « in » qui sont parfaits pour la plage. Je voulais allier l’élégance et le confort, avec une bonne dose de strass et paillettes. Sans oublier la qualité et les tendances. Comme j’appartiens moi-même à une minorité ethnique, j’estime qu’il est important que le marketing soit inclusif. Mes pièces ont été conçues pour toutes les femmes.

Votre collection est très abordable. C’est possible dans l’industrie de la mode aujourd’hui ?

Ce n’est pas parce que je travaille dans la haute couture que je veux développer une collection exclusive. Je crée des produits de qualité à un prix abordable, qui me permettent d’atteindre un large public. Il ne faut pas forcément dépenser beaucoup d’argent pour être belle !