Hidden Belgium : à la découverte des lieux insolites de Belgique

Mis à jour le 1 août 2018 par Isabelle Vander Heyde et ELLE Belgique Photos: Julie Saverys
Hidden Belgium : à la découverte des lieux insolites de Belgique

« Je pense être la seule personne sur cette planète à avoir élu domicile en Belgique parce que je voulais à tout prix y vivre. Pas pour un job ni pour une relation amoureuse, mais juste parce que ce pays est à mes yeux le plus fascinant au monde ! » C’est une blague ? Le plus drôle, c’est que cette leçon de patriotisme nous est donnée par un étranger.

L’étranger en question, c'est Derek Blyth, un journaliste britannique qui a consacré tout son temps au cours de ces vingt dernières années à explorer les perles les mieux cachées de notre royaume. Résultat : un gigantesque répertoire d’adresses magiques dont il livre les secrets dans une bonne dizaine d’ouvrages de la série Hidden Secrets. Le dernier en date, Hidden Belgium, nous emmène d’Ostende à Arlon à la découverte d’endroits intrigants ou oubliés. Mais d’où lui vient cette fascination pour l’insolite et pour la Belgique ?

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Habitons-nous sans le savoir au-dessus d’une mine inépuisable de trésors ?

C’est la question qui me brûle les lèvres alors que je déambule en compagnie de Derek dans un couloir de sculptures en plâtre. La poussière s’accumule sur des rangées et des rangées de David de Michel-Ange, la moitié d’une Vénus de Milo et autres lions inspirés de la Renaissance. Sous la lumière chevrotante d’une lampe TL, je devine une montagne de fragments en plâtre d’où émerge une partie du visage d’un David : le résultat du déménagement maladroit de la collection de reproductions en plâtre de Léopold II par des prisonniers de guerre allemands chargés de nettoyer les lieux en 1914. Car c’est bien là que nous nous trouvons : dans l’atelier de moulage du souverain belge qui avait décrété au milieu du 19e siècle que tous les musées et académies de Belgique devaient posséder des copies de sculptures mondialement célèbres. Notre roi barbu trouvait aussi insuffisant le nombre de bustes de sa royale personne, comme en témoigne les 50 exemplaires au regard fixe croisés dans l’allée 11. Rien de comparable avec les rayons d’un supermarché !

« Mais pas un chat dans ces lieux pourtant accessibles au public. À juste titre a priori. Ils se cachent derrière de vieilles portes peu avenantes qui n’ont même pas besoin d’un écriteau dissuasif Accès interdit. Pourtant à peine ces portes franchies, on arrive au pays des merveilles. Je ne me qualifierai pas d’explorateur urbain car je ne mets pas les pieds dans des lieux prohibés mais quand rien, pas même un chien de garde, n’empêche l’accès, je n’hésite pas à partir en reconnaissance. Vous ne ferez donc rien de mal ni de dangereux en visitant les adresses répertoriées dans mon bouquin. Curieux de nature, mon attention est toujours en éveil. C’est fou le nombre d’endroits accessibles à tous qui sont déserts. En Belgique, il suffit de se balader et d’observer pour tomber sur quelque chose d’intéressant. Si j’osais, j’ajouterais que j’ai compilé dans mon ouvrage 365 pépites découvertes par le plus grand des hasards et que la Belgique en recèle bien d’autres. Bruxelles et Anvers sont des villes propices à l’exploration, tandis que l’Ardenne séduit par son charme envoûtant. Bruges se prête moins à cet exercice car tout y a déjà été exploité. De nombreux explorateurs jettent leur dévolu sur des métropoles comme Londres ou Paris, mais la Belgique est tout simplement fascinante et étonnante. »

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Pourquoi sommes-nous si riches en… bizarreries ?

« En raison de votre chaos ! Un désavantage à de nombreux égards, mais tout est d’une complexité exquise en Belgique. Votre pays est officiellement trilingue et compte une kyrielle de ministères, régions et autres communautés. Vive les lourdeurs administratives ! Un nombre incroyable de bâtiments (publics) se détériorent et tombent ainsi dans l’oubli, pour la simple raison que personne ne sait à qui incombe la responsabilité de les entretenir. Avant même qu’on s’en rende compte, ils se seront transformés en capsules temporelles qu’on déterrera dans soixante ans. Ajoutez à cela que votre histoire aime les mélodrames. J’ai vécu dix ans aux Pays-Bas, mais j’ai trouvé ce pays affreusement ennuyeux : plus rien à découvrir, tout est documenté et des règles pour tout. J’habite depuis vingt ans en Belgique et je ne m’ennuie jamais. »

Entre-temps, nous sommes arrivés au Parc de Bruxelles, le cœur battant de la capitale et de l’Union européenne. Un endroit où l’on ne s’attend pas à sortir des sentiers battus, n’est-ce pas ? Raté ! Nous passons devant le Théâtre Royal, puis Derek m’entraîne vers une galerie couverte de toute beauté. Il s’agit du magnifique complexe du Waux-Hall, qui accueillait au dix-huitième siècle des pièces de théâtre en plein air. Au cours des dernières décennies, le lieu a été muré et a servi de parking jusqu’à sa restauration il y a quelques années. Une belle initiative même si tout le monde semble ignorer sa fonction d’origine et s’il n’a toujours pas reçu de nouvelle affectation.

Changement de style après les boiseries classiques et les lustres romantiques pour faire place à des blocs de béton par-ci par-là : le bunker antiatomique (tenu secret) enfoui sous la place Royale. Construit en 1938, il est relié par des tunnels au Parlement et au Palais royal, histoire de sauver ce petit monde en cas de bombardements allemands…

« Difficile de trouver plus belge. La plupart des Bruxellois ignorent son existence ! Imaginez que la Belgique possède 36 étages avec le Manneken-Pis au rez-de-chaussée, la majorité des Belges au -3 et moi au -7, ça vous donne une idée des nombreux étages qu’il reste à explorer ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’éprouve tant de difficultés à m’arrêter. Savez-vous par exemple qu’au troisième niveau du parking souterrain du palais de justice d’Anvers, on trouve encore des vestiges des murs de la cité du Moyen-Âge ? Quelqu’un s’est mis en tête d’y ouvrir un mini-musée avec des animaux empaillés et des squelettes : c’est tellement dingue que les mots me manquent ! »

Je dois avouer que je n’avais encore jamais entendu parler d’un musée dans un parking, d’un bunker antiatomique sous un parc magnifique, ni d’un atelier rempli d’imitations d’œuvres d’art. Un message à retenir ? « Les Belges sous-estiment souvent les atouts de leur pays. Il règne un certain chaos en Belgique, certes, mais cette confusion est inévitable avec une telle richesse culturelle et historique sur un territoire relativement restreint. Il ne se passe pas deux heures sans qu’un fait illogique se produise, d’où mon réflexe de survie. Laissez-vous emporter par cette folie, suivez le mouvement de ce pays et vous vous rendrez vite compte que vous commencez à vous amuser ! »

Envie de partir en reconnaissance ? Suivez le guide Hidden Belgium, disponible en librairie depuis le printemps (€ 19,99).

Traduction : virginie·dupont·sprl/Relecture : Grégory Escouflaire

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