La fille du vendredi : Alessandra Teston, créatrice de MOSTO

Publié le 4 mai 2018 par Eloïse Pirard
La fille du vendredi : Alessandra Teston, créatrice de MOSTO

Certains disent que le passé nous rattrape automatique. D’autres que l’on revient toujours à ses origines. Ceux-là ont sans doute raison. Surtout si l’on se penche un peu sur l’histoire d’Alessandra Teston. Cette môme qui a grandi parmi les marmites débordantes de ragù, les poêles crépitantes des saltimbocca et les accrochages de pata negra est aujourd’hui à la tête du projet oenologique le plus pointu de Belgique: Mosto.

Fille de restaurateurs italiens élevée dans l’arrière-boutique du traiteur de ses parents, Alessandra Teston est intarissable sur l’histoire des cépages et de l’art. Pourtant, sans renier ses origines, cette enfant du commerce a toujours voulu rompre avec son milieu, trop manuel à son goût. Mais c’était oublier l’adage selon lequel la pomme ne tombe jamais très loin de l’arbre. Pour renouer avec son environnement, la jeune Belgo-Italienne n’est pas passée derrière les fourneaux, mais elle a enfilé le tablier de sommelier, enfin presque. Passionnée par le vin depuis de nombreuses années, c’est finalement en 2016 qu’elle décide de se lancer dans un projet d’importation en circuit court de vins régionaux italiens. Mais attention, pas la bouteille qu’on vous offre lors d’une action deux pizzas plus une gratuite. Non, son truc à elle, ce sont les bons crus qui sortent des sentiers battus et qui rompent avec les clichés !

Diplômée en histoire de l’art, spécialisée en communication et enfin consultante en relation publique, comment as-tu atterri dans le milieu du vin ?

Mes parents sont restaurateurs italiens. Et plus jeune, j’étais assez gênée par le statut de mes parents. Je sais que c’est difficile à croire, mais avant, fille d’immigrés, ce n’était pas aussi bien vu qu’aujourd’hui. Je baignais dans un milieu manuel et commerçant et j’avais besoin de rompre avec ces derniers. Je me suis donc très vite tournée vers des études plus intellectuelles même si j’ai toujours été attirée par l’Italie, sa gastronomie et sa culture. Mais j’y suis revenue grâce au vin. Ce breuvage fait écho aux civilisations anciennes, à l’art, à l’humanité. Avant, on parlait du vin comme d’un produit divin. Ça rappelle l’ivresse des dieux. Il y a vraiment un côté mythologique qui faisait sens avec mes études d’histoire de l’art.

Comment as-tu éduqué ton palais aux subtilités du vin ?

J’ai participé à diverses formations, suivi des cours, et je suis même diplômée de l’ONAV (l’Organisation Nationale des Dégustateurs de Vin). Mais au-delà de ces “rudiments”, je me suis vraiment formée sur le terrain. Je suis plutôt du genre autodidacte et j’apprends au contact des gens. C’est en allant à la rencontre des producteurs et en allant visiter les vignobles que j’ai aussi affiné mon palais. Bien entendu, mon diplôme vient attester mes connaissances personnelles. Mais pour moi il n’y a rien de mieux que de se rendre sur place pour déguster les vins.

Tu as donc lancé Mosto il y a deux ans

Oui, j’ai lancé le projet en 2016. Mon créneau c’est le vin italien qui sort des sentiers battus. Celui qui surprend, celui décontenance et qui déconstruit les clichés. Je veux proposer autre chose qu’une bouteille de Chianti. Je suis passionnée par la rencontre avec les petits producteurs. Ils possèdent souvent de grands vins et un savoir-faire unique encore méconnus en Belgique.

Comment fais-tu pour proposer quelque chose de différent ?

Le sourcing constitue la plus grosse partie de mon boulot. Je travaille région par région. Je me renseigne sur l’histoire du terroir et ensuite je me rends sur place pour rencontrer les vignerons et les petits producteurs qui ne sont pas encore présents sur le marché belge. Parfois, je me laisse complètement emporter par l’histoire d’un vin. Je fonctionne au coup de cœur, mais tout en ayant une approche objective. Je ne vais pas proposer quelque chose dont je sais a priori qu’il ne plaira pas aux Belges.

Les femmes possèdent-elles une approche différente du vin ?  

Il y a des études qui prouvent que les femmes ont presque 50% de neurones en plus que les hommes dans le centre olfactif du cerveau. Elles ont aussi plus de papilles gustatives ce qui rend leur palais plus sensible. Elles peuvent donc décrire plus précisément certains goûts, certaines sensations ou couleurs… On dit souvent que les femmes sont plus subjectives, mais c’est faux. Physiologiquement, elles sont même mieux armées pour apprécier le vin ! C’est notamment ce qui explique qu’environ 35% des femmes peuvent être qualifiées de supertasters (super goûteur) contre 15% des hommes. Personnellement, je ne suis pas une simple amatrice de vin, je suis une professionnelle et je souhaite que l’on me considère comme telle.

Etre une femme dans un milieu aussi masculin que celui du vin, ce n'est pas trop dur ? 

Je suis souvent confrontée à de nombreux clichés et stéréotypes. Les plus visibles c’est notamment lors de la sélection de vin chez les petits producteurs. Ils sont souvent étonnés de voir que je goûte et choisis moi-même les produits. Dans leur tête, je dois sûrement travailler pour la partie administrative ou marketing de l’entreprise. Mauvaise déduction, je suis à la tête de la sélection ! Parfois je me rends également compte qu’ils n’utilisent pas le vocabulaire adéquat, car ils pensent que je ne vais pas comprendre donc ils vulgarisent. Il y a un peu de condescendance, mais je pense que c’est beaucoup plus dur pour les femmes qui sont dans la production. Elles rencontrent beaucoup plus de difficultés que moi…

Quels sont tes trois conseils pour choisir un bon vin ?

  1.  Se demande quel est l’objectif : est-ce un vin que l’on va offrir ? Si oui, à qui ? Est-ce un vin qui va accompagner un plat d’exception ? On doit se demander quelle est l’utilité finale.
  2. Il y a des règles à respecter pour les accords de vin, mais chacun fait à sa sauce tout en visant l’équilibre. De manière générale, il faut procéder par opposition. Par exemple, si l’on sert un plat en sauce alors il faut privilégier un vin astringent qui va sécher les gencives. Pour un poisson iodé, on va proposer un vin blanc acide qui va nettoyer la bouche. Mais on peut aussi s’amuser à renforcer un plat fruité par un vin du même ressort et créer une explosion de saveurs.
  3. S’adresser à un professionnel : en fonction de nos goûts et de la finalité de la bouteille de vin, un caviste peut aisément vous guider et viser juste.

Le prix est-il une garantie de qualité ?

Non, le prix n’est pas une garantie de qualité, mais ça peut être un bon indicateur. Tout dépend du type de production, mais même si c’est une grosse exploitation viticole, on peut se demander comment ils arrivent à proposer des vins à 5€ en sachant qu’il coûte alors 1,50€ à la production. Là, on peut se poser des questions pour savoir s'il est vraiment bon. Et s’il l’est, à quel prix ? La main d’oeuvre est-elle bien rémunérée ? Pour moi, on trouve d’excellents vins à 15-20 euros. Ce sont des choix de consommation. Moi je préfère payer un peu plus cher pour une bonne bouteille certifiée, issue de l’agriculture locale, d’une production “humaine” et manuelle.

Tes astuces pour lutter contre la gueule de bois ?

  •  Il faut manger suffisamment pour tapisser son estomac
  • Éviter les mélanges : l’alcool blanc et le vin rouge font rarement bon ménage
  • Boire de l’eau : entre chaque verre de vin, un verre d’eau !
  • Pas de binge-drinking… désolée (rires)

Tous les trois mois, Alessandra organise des soirées oenogastronomiques où l'on découvre divers plats italiens et les vins qui les accompagnent. Tout le menu est élaboré en fonction des breuvages. Une expérience culinaire innovante et renversante ! 

Le prochain thème est la Vénétie. Pour plus d'informations, direction le site internet. 

A lire aussi :

Le restaurant Bouchéry ouvre un pop-up à Flagey!

Le Local, le resto éthique et atypique à Bruxelles

Le Korner : l'apéro ensoleillé au coin de votre rue