Simple comme Bonjour : la marque belge qui crée des bijoux de deuil

Mis à jour le 20 juin 2022 par Jolien Vanhoof et ELLE Belgique Photos: Justin Paquay
Simple comme Bonjour : la marque belge qui crée des bijoux de deuil

Entre art et artisanat, bienvenue dans l’antre d’Inneke Goyvaerts et Maarten Tordoir, têtes pensantes de la marque de bijoux Simple comme Bonjour basée à Malines. 

Il est important d’aborder la question de la mort. Et c’est exactement ce que font la maître orfèvre Inneke Goyvaerts (37 ans) et son mari Maarten Tordoir (36 ans) à travers la marque de bijoux Simple comme Bonjour. Avec « Près de Toi », ils lancent une collection de bijoux de deuil faits à la main, personnalisables par le biais d’une gravure, d’une empreinte digitale ou d’un procédé de traitement des cendres. « Ça fait quelques années que nous fabriquons des bijoux de deuil à la demande, mais celle-ci n’a jamais été aussi élevée qu’aujourd’hui. Nous avons remarqué que lorsque les gens sont confrontés à une grande perte, ils n’ont pas toujours la force ou l’énergie d’entreprendre quelque chose. Avec cette collection, nous le faisons à leur place », explique Maarten, en charge du volet commercial de l’entreprise. « Quand on vient de perdre un proche, on est aussi un peu déboussolé ; dans ces conditions, il n’est pas toujours évident de faire des choix », ajoute Inneke. « On entre ici animé d’un sentiment totalement différent que lorsqu’on vient choisir une alliance. » 

Subtilité et discrétion 

L’idée de créer un bijou qui puisse être source de soutien, réconfort et espoir dans les moments difficiles est venue à Inneke quand son grand-père était mou- rant. Elle voulait conserver une trace de lui. Pas un objet à poser sur la cheminée, mais quelque chose qu’elle pourrait garder près d’elle tous les jours. Inneke : « Ses mains étaient marquées par son travail de menuisier. J’ai pris son empreinte digitale et sur la base de la technique de la cire perdue, à travers un procédé que j’ai développé moi-même, j’en ai fait un bracelet. Le résultat a dépassé mes attentes, chaque détail a été restitué à la perfection. Je pouvais même sentir la moindre de ses cicatrices. » 

« J’AI SURTOUT ENVIE DE RETENIR LA FAÇON DONT LE VISAGE DES GENS S’ILLUMINE LORSQU’ILS ÉVOQUENT LEURS PROCHES » 

Outre les empreintes digitales, Inneke intègre également des cendres dans ses bijoux de deuil. Il ne s’agit pas d’une urne miniature typique que l’on porte à une chaîne, mais de bijoux fins et délicats tout à fait caractéristiques de Simple comme Bonjour. « Les cendres sont généralement dis- simulées sous un brillant ou une pierre pré- cieuse », précise Inneke. « Ou je fais une petite entaille dans la partie extérieure de l’anneau et j’y disperse un peu de cendres avant de le sceller à nouveau. De plus en plus de parents qui viennent de perdre un enfant s’adressent à nous. Leur chagrin est si grand qu’il remplit toute la pièce. Ils ne veulent pas d’un bijou tape-à-l’œil qui suscitera de nombreuses ques- tions. Ils veulent simplement emporter avec eux une part de leur fille ou de leur fils. » « De manière subtile et discrète », ajoute Maarten. « Parfois, lorsque la lumière tombe sur une pierre claire sous un certain angle, on peut voir les cendres. C’est le cas avec un saphir par exemple. Mais il faut savoir qu’elles sont là, on ne les remarquerait pas spontanément. » 

Des bijoux avec une histoire

Inneke et Maarten sont particulièrement touchés par les parents qui ont perdu un enfant. Ils ont eux-mêmes une fille de 2 ans, Coco, et ils peinent à retenir leurs larmes quand ils voient leurs client·e·s en pleurs. Inneke se souvient d’une jeune maman qui avait perdu son bébé à 38 semaines. « Elle est venue nous voir avec sa propre mère, nous avions 2 femmes brisées en face de nous. Elles portaient un masque buccal, mais on pouvait lire la tristesse dans leurs yeux. C’était déchirant. »

Cette confrontation au chagrin ne rend-elle pas le métier de créatrice de bijoux trop lourd ? Inneke : « Plus on est proche de quelqu’un, plus sa douleur nous touche. C’est comme ça. Mais j’essaie toujours de voir la beauté qui émane de chaque situation. La mort est une thématique difficile, mais j’ai surtout envie de retenir la façon dont le visage des gens s’illumine lorsqu’ils évoquent leurs proches. Au cours de nos conversations, l’énorme boule de chagrin se consume partiellement, ce qui libère beaucoup de chaleur. Au début, j’ai également dû m’habituer à toutes ces urnes remplies de cendres alignées sur mon établi. Je trouvais ça sinistre. Mais aujourd’hui, j’en viens même à leur parler. » Maarten a l’air surpris : « Ah bon ? Je n’avais pas remarqué. » Inneke : « Oui, je leur dis que nous allons faire d’elles quelque chose de beau. C’est d’ailleurs ce que je pense de tout mon cœur. » 

« GRANDIR ENSEMBLE ET PERMETTRE À LA MARQUE DE SE DÉVELOPPER EN PARALLÈLE. VOILÀ, SELON MOI, LE PLUS GRAND DÉFI » 

Depuis le mois d’avril 2022, une nouvelle oreille attentive a rejoint Maarten et Inneke. Leur belle-sœur Inge organise les rendez-vous et reçoit les client·e·s dans le studio de Simple comme Bonjour, situé dans la périphérie de Malines. Mais les bijoux de la marque ne racontent pas que des histoires tristes. « La demande de bijoux de deuil a considérablement augmenté avec la pandémie, mais nous continuons à célébrer principalement les naissances, les anniversaires, les fiançailles et les mariages », souligne Maarten. « Les grands-mères qui offrent à leur petite-fille un bijou d’anniversaire restent mes clientes préférées. Ça donne toujours lieu à de très beaux échanges. » Inneke : « Il m’est également arrivé de fabriquer une bague pour les 18 ans d’une jeune fille et de l’adapter quelques années plus tard pour son mariage. Le bijou a grandi avec elle. Et bien sûr, nous aimons accompagner le·a client·e au gré des événements qui rythment sa vie. » 

Cœur business 

En fait, c’est le core business de Simple comme Bonjour depuis près de 15 ans. Les moments uniques appellent des souvenirs uniques. Il est rare – voire impossible - qu’un·e internaute égaré·e commande un bijou sur la boutique en ligne sans y attacher une valeur émotionnelle ou sans l’associer à une occasion particulière. « Il y a toujours une bonne raison de faire un achat chez nous », poursuit Maarten en souriant. « C’est précisément pour ça que nous ne travaillons que sur ren- dez-vous. Nous voulons laisser les client·e·s s’exprimer, et pas seulement définir avec eux les dimensions d’une bague. Certains ont besoin de plus de conseils. Nous recevons régulièrement des hommes qui cherchent une bague de fiançailles unique, mais ne savent pas par où commencer. Ils transpirent à grosses gouttes (rires). Dans ces cas-là, nous essayons de cerner le mieux possible le profil de la destinataire. Quels autres bijoux porte-t-elle ? Quel est son type de peau ? Nous voulons que le client vienne rechercher quelques semaines plus tard un bijou qui lui plaît et convient parfaitement à sa compagne. Pas une alliance passe-partout, mais une pièce spéciale. » Et Inneke d’ajouter : « Autrefois, lorsque notre boutique se trouvait sur la Grand- Place, dans le centre de Malines, nous ne travaillions pas sur rendez-vous. Les client·e·s franchissaient le seuil et attendaient de nous que nous fabriquions un bijou très rapidement, sans réflexion ni interaction. Je ne veux pas travailler comme ça. Si vous achetez quelque chose qui est fait avec amour, vous devez aussi le porter avec amour. » 

« L’ENVIE DE CONNAÎTRE MES CLIENT·E·S NE ME QUITTERA JAMAIS » 

Inneke parle comme une véritable artisane, et le terme semble lui convenir. « Absolument, je fais moi-même attention à ça lorsque j’achète un sac à main ou autre. Il se peut qu’une erreur se soit glissée quelque part, mais on peut être sûr que quelqu’un a sué sang et eau pour concevoir cet objet jusqu’au dernier détail. Quand je fais des croquis tard dans la nuit, le visage rougi par l’effort, alors je sais que je suis sur la bonne voie (rires). » 

Simple comme Bonjour arbore le label HIB (Handmade In Belgium). Ce n’est pas la seule marque de bijoux faits main dans notre pays, mais c’est l’une des rares à tout fabriquer en interne. Inneke a suivi à peu près toutes les formations complémentaires, de la gravure au sertissage, aux cours du soir ou en ligne. « Il est important pour moi de participer à chaque étape du processus de création », dit-elle. « Deux indépendantes, Margot et Christel, sont là pour m’épauler, mais chaque pièce passe par mes mains. C’est le seul moyen de connaître le bijou de bout en bout et de pouvoir offrir aux client·e·s une garantie à vie. » Maarten : « Ce n’est sans doute pas très malin de notre part sur le plan commercial. En faisant tout nous-mêmes, nous perdons du temps. Dans le même ordre d’idées, nous blo- quons au moins une demi-heure dans notre agenda pour chaque rendez-vous. Mais c’est l’ADN de Simple comme Bonjour. » 

Le couple est également très attaché à la durabilité. C’est pourquoi Inneke n’utilise que de l’or pour ses bijoux : de l’or recyclé ou provenant du commerce équitable. Par le passé, elle travaillait également l’argent, pour proposer un prix plus bas et répondre à la demande, mais elle a arrêté. « Les impressions et les gravures s’usent beaucoup plus vite sur l’argent sterling », explique-t-elle. « Et cette usure va à l’encontre de notre garantie à vie. Nos bijoux doivent être capables d’encaisser des coups, d’être portés tous les jours, même en faisant du sport ou des travaux dans la maison. Pour moi, c’est l’essence même de la conception durable. » 

Une marque à 4 mains 

Maarten et Inneke sont ensemble depuis deux décennies, mais Simple comme Bonjour n’est devenu leur bébé à tous les deux qu’il y a trois ans. Auparavant, Maarten travail- lait dans la communication chez Belfius et Inneke gérait seule la marque. Jusqu’à ce que ça devienne trop lourd. « Je fondais en larmes le soir parce que j’avais l’impression de perdre le contrôle », se souvient-elle. Ils savaient tous les deux que quelque chose devait changer. Maarten a pris un an de congé sans solde, avant de finalement démis- sionner pour rejoindre l’aventure. « Les six premiers mois ont été très difficiles », admet Inneke. « J’ai souvent pensé que notre couple ne tiendrait pas le coup. Nous avons deux caractères opposés : si je vais à gauche, il va à droite. Mais finalement, tout s’est bien passé (rires). » 

Leur secret ? Lâcher prise, respecter l’autre et lui laisser l’espace dont il a besoin. Maarten : « Grandir ensemble, et permettre à la marque de se développer en parallèle. Voilà, selon moi, le plus grand défi. En tant qu’entreprise, on se heurte toujours à une limite et la question est alors de savoir comment la franchir. Inneke est satisfaite de notre situation actuelle, tandis que je rêve parfois de m’étendre à l’étranger. Même si j’ai conscience que ce sera difficile, car nous ne voulons pas renoncer à notre identité ni à notre approche personnelle. » « Exactement ! L’envie de connaître mes client·e·s ne me quittera jamais. Et si nous nous développons, comment pourrons-nous maintenir cette proximité ? », s’interroge Inneke. Et de conclure en riant : « Commander un bijou chez nous dans l’anonymat le plus complet ne sera jamais une option, désolée... » 

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