Allô la peau : comment le cerveau agit-il sur notre épiderme ?

Mis à jour le 9 février 2022 par Marie Stefani et ELLE Belgique
Allô la peau : comment le cerveau agit-il sur notre épiderme ? © Motoki Tonn - Unsplash

La peau parle souvent à notre place. Une frayeur ? Elle devient pâle. Un compliment ? Elle rougit. Son lien étroit avec nos émotions et notre cerveau a été démontré. Alors, quand notre épiderme s’exprime, pourquoi ne pas prendre le temps de l’écouter ?

« Bien dans ma peau », « ça me donne des boutons »… Les expressions populaires ancestrales laissaient déjà entendre ce que la science a récemment mis en évidence : le lien psy-peau. En effet, notre épiderme et notre système nerveux sont intimement liés. Véritablement nés d’un seul œuf puisque, durant les premières semaines de gestation, les deux tissus ne constituent qu’une seule et même unité. « Le cerveau et la peau partagent des origines embryonnaires. Ils sont plus semblables que différents ! », s’enthousiasme Claudia Aguirre, neuroscientifique basée à Los Angeles. Pas étonnant donc qu’ils fonctionnent en tandem tout au long de la vie. Le professeur Laurent Misery, chef du service de dermatologie du CHU de Brest et directeur du laboratoire de neurosciences de l’Université de Bretagne occidentale, auteur de « Votre peau a des choses à vous dire » (éd. Larousse), ajoute même que « nos perceptions cutanées sont aussi fines que les perceptions visuelles. C’est pourquoi il y a un très grand nombre de terminaisons nerveuses dans la peau qui transmettent beaucoup d’informations au cerveau. Mais cette communication circule également dans l’autre sens : c’est ainsi que le système nerveux tient au courant la peau de notre état de stress ».

La peau, notre deuxième cerveau ?

L’épiderme serait donc le reflet de notre santé générale, impliquant la santé physique, bien sûr, mais aussi psychique, le corps cherchant à exprimer à l’extérieur ce qui se passe à l’intérieur. Ces mécanismes psychologiques et biologiques indissociables peuvent dès lors être responsables de pathologies cutanées plus ou moins invalidantes, allant de quelques boutons disgracieux à de l’urticaire, une rosacée, des dermites séborrhéiques… « L’anxiété peut être un amplificateur de certaines maladies, notamment immunitaires, et induire des poussées. C’est le cas de l’eczéma, de l’acné ou du psoriasis », explique la dermatologue Nadine Pomarède dont un des centres médicaux se trouve à Bruxelles. Pour peu que l’inflammation soit déjà existante, celle-ci sera d’autant plus importante en cas de stress, quand le cerveau sécrète des neuromédiateurs comme l’adrénaline, la noradrénaline, le cortisol, aux effets pro-inflammatoires. « Attention cependant, aucune maladie cutanée n’est à proprement parler due au stress. En revanche, celui-ci aggrave l’hyperactivation du système nerveux cutané, comme s’il cherchait à défendre la peau contre… rien, en fait », tempère le professeur Laurent Misery.

De cette relation bidirectionnelle psychique-physique est d’ailleurs née une discipline : la psychodermatologie, associant dermatologie, psychologie et psychiatrie. Très observée aujourd’hui, cette technique de soin ne date pourtant pas d’hier. Dès 1974, la psychanalyse avait en effet mis en évidence le lien psy-peau au moment de la publication par le Dr Didier Anzieu du concept du « Moi-peau ». « La peau est l’enveloppe du corps (dont la fonction est de limiter, contenir, organiser), tout comme le moi tend à envelopper l’appareil psychique », écrivait à l’époque le psychanalyste. Il n’est donc plus rare de voir un psoriasis se traiter avec une thérapie et de légers antidépresseurs ou une dermite séborrhéique par l’analyse des rêves comme le préconisait la Dre Danièle Pomey-Rey, une pionnière de la psychodermatologie. Plus prosaïquement, s’il est tentant de vouloir étouffer son stress, il semblerait que la meilleure technique pour s’apaiser soit, en fait, de le (se) regarder en face. Selon Jon Kabat-Zinn, père de la « méditation de pleine conscience » (MBSR – Mindfulness based stress reduction), l’une des clés pour lutter efficacement contre l’anxiété serait de ne plus chercher à la refouler. Après tout, celle-ci fait partie de la nature humaine et est même nécessaire à notre survie ! Être à l’écoute de ses angoisses, ne pas les ignorer, mais les accueillir avec bienveillance serait déjà un pas vers la guérison. « Il ne faut pas négliger la part psychique des maladies cutanées. Patient·e·s et médecins doivent être à l’écoute d’éventuels liens psycho-cutanés pour que les malades apprennent à les accepter », souligne Laurent Misery. Dans son programme DermLive internationale, le laboratoire La Roche-Posay préconise aussi de « vivre » son stress, en adoptant des conduites propices à l’apaisement comme faire du sport, marcher, méditer ou faire appel à un·e professionnel·le.

Finalement, l’épiderme serait-il notre meilleur miroir ? 

lien entre le cerveau et la peau
© Unsplash / Valérie Elash

Du cercle vicieux au cercle vertueux

S’il est avéré que la peau peut pâtir de notre tumulte intérieur, le contraire est aussi vrai, comme l’explique la Dre Claudia Aguirre : « Nous pouvons observer dans la peau l’existence de composés que l’on pensait autrefois ne résider que dans le cerveau. Par exemple, nous savons que ce dernier produit des endorphines (considérées comme les hormones du bien-être). Or, l’épiderme peut lui aussi en fabriquer en réponse à la lumière UV ! Il a été prouvé qu’il possède de nombreux neurotransmetteurs et neurohormones qui s’activent indépendamment du système nerveux central. » Bourrée de capteurs, notre enveloppe cutanée peut alors devenir une source d’apaisement, un vecteur de calme, de réconfort, une clé de notre équilibre émotionnel. C’est également la conclusion de nombreuses études ayant démontré que le contact était essentiel à notre bien-être physique et mental, mais aussi un facteur déterminant dans le processus de réduction de l’angoisse (et par un effet de jeu de quilles, des problèmes cutanés).

Prendre conscience de sa peau même si on ne l’aime pas, la toucher et la considérer est alors susceptible d’enclencher un véritable cercle vertueux. Mais que l’on se rassure, la grande majorité des gens affiche un épiderme en pleine santé. Le projet Objectifs peau, la plus grande étude épidémiologique jamais menée en dermatologie en France, a en effet montré en 2017 qu’un tiers des habitant·e·s environ souffrait d’une maladie cutanée. « Heureusement, la population a globalement une peau en bonne santé, avec de grandes variations qui restent dans le cadre de la normalité », atteste Laurent Misery. Pour la dermatologue Nadine Pomarède, un épiderme sain est « sans lésions évolutives ni cicatrices, avec un teint uniforme, éclatant et des pores resserrés ». Pour en prendre soin, encore une fois, les notions de bienveillance et de douceur sont des priorités. Soigner sans jamais l’agresser – ni la saturer de soins cosmétiques en pensant la choyer. Le professeur Laurent Misery va même plus loin en affirmant qu’il est « parfaitement inutile, voire délétère, d’appliquer une crème hydratante si la peau n’est pas sèche (ce qui est le cas pour la très grande majorité des gens) ». Finalement, l’épiderme serait-il notre meilleur miroir ? À la fois lanceur d’alerte et clé de notre bien-être, cet incroyable organe requiert, comme un être cher, écoute, compréhension et attention. 

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