La réduction mammaire : pourquoi cette chirurgie est-elle tabou ?

Mis à jour le 12 septembre 2022 par Fanchon Giltay et ELLE Belgique
La réduction mammaire : pourquoi cette chirurgie est-elle tabou ? @Shutterstock

Avoir une forte poitrine n’est pas le rêve de toutes les femmes. Si la pose d’implants mammaires est une chirurgie populaire, la réduction, quant à elle, est un acte dont on parle encore très peu. Pourtant, de nombreuses femmes sont concernées et ont recours à cette chirurgie esthétique.

Quand on parle de chirurgie mammaire, c’est la pose d'implants qui nous vient en premier à l'esprit. Il existe cependant un autre type d’intervention, beaucoup moins connue du grand public : la réduction mammaire. Elle est pratiquée lorsque la poitrine est trop volumineuse ou disgracieuse et qu’elle occasionne des problèmes physiques (telles que des douleurs cervicales et dorsales) dans la vie quotidiennes. Malgré qu'elle soit encore méconnue, cette intervention est de plus en plus pratiquée chez des femmes de tout âge. Elle permet de soulager des problèmes de santé ou tout simplement d'apaiser un complexe physique. Malgré les raisons sérieuses qui poussent certaines femmes à réduire la taille de leurs seins, dans notre société, encore aujourd'hui, posséder une forte poitrine est toujours considéré comme un idéal de beauté. Les femmes qui souhaitent se débarrasser de leur bonnet D sont donc souvent incomprises et leur demande considérée comme incongrue. En effet, les vieux fantasmes masculins ont la vie dure puisqu'une femme sexy serait par définition une femme avec une poitrine volumineuse, des fesses taille XL mais une taille aussi fine qu'une poupée Barbie. Un corps féminin irréaliste cela dit en passant. La faute aussi au déluge incessant d'images de corps tronqués qui pullulent sur les réseaux sociaux, aux starlettes de télé-réalité et autres célébrités du web qui usent et surtout abusent de chirurgie esthétique et de filtres lorsqu'elles s'adressent sur leurs followers sur leurs comptes.

On entend souvent parler des femmes complexées par leur petite poitrine et qui passe le cap de l'augmentation mammaire. Mais saviez-vous qu'il existe à l'inverse, des femmes pour lesquelles une forte poitrine est un fardeau au quotidien et qui rêverait de la voir diminuer? La réduction mammaire est une chirurgie pratiquée sur énormément de femmes mais à propos de laquelle peu d'informations sont divulguées. Afin d’en savoir un peu plus sur cette intervention dont on ne parle pas assez, le Docteur Aurélie Bous, chirurgienne plastique, nous informe sur le sujet.

Les raisons qui poussent les femmes à la réduire leur poitrine 

Maux de dos, de nuque, douleurs aux niveau des épaules, multiples sont les raisons qui poussent les femmes à passer le cap de cette chirurgie. La plupart du temps, les patientes ont aussi du mal à s’habiller et trouver des vêtements adaptés à leur morphologie ou tout simplement à trouver un soutien-gorge au design efficace et confortable. Être dotée d'une forte poitrine est rarement l’objet de complexes esthétiques mais occasionne par contre de réelles gênes fonctionnelles dans la vie quotidienne. Lorsqu’il s’agit de plus jeunes filles, les raisons sont un peu différentes. Lorsqu’elles font du sport par exemple, leur forte poitrine est encombrante. Il arrive notamment qu'elles soient victime de moqueries lorsqu'elles se rendent à la piscine, par exemple.

« Ne pas arriver à capter le regard de la personne qui est en face de vous car celui-ci est plongé dans votre décolleté, c’était mon quotidien avant de me faire opérer. On ne peut pas s’habiller comme on veut, pas de dos nu, pas de vêtements moulants non plus. Le pire, c’est lorsque l’été arrive et qu’il est temps de se trouver un nouveau maillot. Après des dizaines d’essais, rien ne vous va. » Lucie, 24 ans. Opérée le 26 novembre 2020.

« Au début, ma forte poitrine ne me dérangeait pas. J’ai toujours eu des seins volumineux mais je m’y étais fait. Il y avait des filles avec des petits seins et d’autres avec de plus gros c’était comme ça. J’ai toujours fait abstraction du regard des autres. Ce qui me pousse de plus en plus à passer le cap, ce sont les douleurs. On ne s’imagine pas ce que peut occasionner comme gênes une forte poitrine. J’ai constamment mal au dos, même avec des soutiens-gorge spécialisés. Mes épaules sont douloureuses également. Cette opération, c’est pour me délivrer de ce poids ». Alice, 27 ans. Opération prévue le 4 octobre 2021.

Des femmes aux profils différents 

La plus jeune patiente que le docteur Bous a opérée avait 14 ans. Cependant, la plupart des femmes qui se font opérer ont entre 50 et 60 ans. Cette opération représente une sorte de délivrance pour elles. Après plusieurs grossesses, la poitrine se modifie. Lorsqu’une femme atteint le stade de la ménopause, les seins deviennent graisseux et non plus glandulaires. Il n’est donc pas rare qu’arrivées à cette période de leur vie, les femmes ont comme volonté de retrouver une poitrine plus ferme, un peu plus petite et plus en harmonie avec leur corps. Il arrive également qu’une femme se fasse opérer 2 fois dans sa vie. Une fois vers l’âge de 30 ans, et une seconde fois à 60 ans. C’est tout à fait probable que la poitrine redevienne volumineuse tout simplement car les seins sont faits en partie de graisse et qu'une éventuelle prise de poids peut modifier leur taille et leur aspect.

Réduction mammaire

Une chirurgie non sans risque

Il est important de préciser que la réduction mammaire n’est pas une chirurgie à prendre à la légère. En effet, si vous désirez vous faire opérer et qu’au même moment vous avez le projet d’avoir un enfant, alors il vous est conseillé d’attendre. La patience est également de mise si vous êtes une jeune fille n’ayant pas encore fini la puberté. Votre corps, tout comme votre poids doivent être stables pour être éligible à l'opération.

La patiente doit également être consciente des potentiels changements et modifications au niveau de la poitrine qu'une grossesse pourrait engendrer. Ce n'est évidement pas le moment idéal non plus pour réaliser cette intervention. Tout simplement car la poitrine grossira, mais également car l’opération peut hypothéquer les possibilités d'allaiter.

Niveau pratique, lors de l’opération, le chirurgien incise tout autour du mamelon et dans la glande mammaire. Cette chirurgie engendre donc une diminution de la sensibilité au niveau du mamelon. Le réflexe de contraction au niveau du mamelon ne se fait plus et les canaux galactophores (petits conduits par lesquels le lait est amené vers les orifices du mamelon) deviennent borgnes. Bien entendu, si une jeune fille n’ayant pas encore eu d’enfant décide de se faire opérer, la décision lui revient, tout en ayant conscience des potentiels changements d’aspect de sa poitrine dans le futur. Concernant l’allaitement, aucune étude n’a à ce jour été réalisée car il n’y a tout simplement pas assez d’échantillon de femmes ayant eu un enfant après une réduction mammaire. Dans les faits, les chances qu’une jeune maman puisse allaiter après cette chirurgie sont de 1 sur 3.

De toute façon, le risque zéro n’existe pas en chirurgie. La bonne de santé de la future patiente est tout de même extrêmement contrôlée avant l’intervention. Le danger principal concerne la cicatrisation. Le docteur Aurélie Bous nous explique que pour des raisons dites « mécaniques », l’étape de la cicatrisation peut ne pas bien se faire. Une forte tension est réalisée sur la peau et il est possible qu’elle ne résiste pas. Dans ce cas, des soins infirmiers seront nécessaires après l’opération.

Une hémorragie ou une éventuelle infection peuvent également survenir. Les complications sont plus fréquentes chez les patientes hypertendues, diabétiques ou chez les fumeuses. La consommation de tabac peut en effet entrainer des complications cicatricielles, des échecs de la chirurgie et favoriser l’infection des matériels implantables (les implants dans le cas d’une augmentation mammaire). Le tabagisme majeur est une contre-indication sérieuse à l'intervention. Enfin, comme toute opération, il existe également des risques liés à l’anesthésie. Dans la grande majorité des cas, la réduction mammaire est néanmoins une opération qui se déroule extrêmement bien.

Par contre, il ne faut pas négliger les risques de perte de sensibilité. Le mamelon est remonté et pour cela, une incision tout autour de l’aréole est nécessaire. Le chirurgien, lors de cet acte est obligé d'inciser les petits nerfs présents dans cette zone, ce qui altère la sensibilité au niveau du mamelon. Dans les mois qui suivront l’opération, la sensibilité reviendra mais cela peut prendre du temps. Dans des cas plus rares, il est possible qu’elle ne revienne pas du tout.

 Je n’ai eu aucune complication après mon opération. J’ai respecté à la lettre les conseils et recommandations de mon chirurgien. Il y a des règles à suivre la première semaine qui sont très importantes pour la suite. Par exemple, ne pas lever les bras, cela pourrait causer une déchirure d’une des cicatrices qui à ce moment là sont encore très tendues. Il faut aussi dormir sur le dos les premières semaines, c’est obligatoire. En ce qui concerne la sensibilité, après 8 mois, je l’ai récupérée mais partiellement, ça prend beaucoup de temps.  Lucie, 24 ans. Opérée le 26 novembre 2020.

Une opération pas toujours prise en charge

Depuis 2016, il existe des critères spécifiques pour pouvoir être remboursé en cas de réduction mammaire. Le premier est le critère de poids ; le BMI, Body Mass Index, soit l’indice de masse corporelle doit être inférieur à 35. Les patientes en obésité ne sont donc pas autorisées à se faire opérer. Le deuxième critère concerne la quantité de graisse qui sera enlevée. Elle doit correspondre à minimum 400 grammes retirés par sein. Il existe également un critère de mesure, celle de la distance entre le mamelon et le pli sous mammaire. Cette distance doit correspondre à des données bien spécifiques. Avant l’imposition de ces critères, les patientes voulant se faire opérer devaient prendre rendez-vous avec un médecin conseil, seul maître de la décision d'un éventuel remboursement, décision parfois prise de façon subjective.

Aujourd’hui, les choses sont plus carrées. Si une cliente ne remplit pas l'un des critères, l’opération est toujours possible mais à ses frais. En Belgique, il faut compter environ 4000€ pour réaliser une réduction mammaire. Ce prix comprend les rendez-vous pré et post-opératoire, l’anesthésie, l’opération en elle-même, la brassière de contention à porter pendant un gros mois après l’opération ainsi que tous les autres frais liés à cette opération.

Une chirurgie qui marque le corps à vie

L’opération en elle-même consiste à retirer du tissu mammaire en excès. Les seins sont alors remodelés tout en gardant une harmonie avec la silhouette de la patiente. Les cicatrices d’une réduction mammaire sont plus voyantes que celles d’une augmentation, l’acte chirurgical étant totalement différent. Elles ont la forme d’un « T » inversé ou d’une ancre de bateau. La première est la cicatrice péri-aréolaire. Elle se situe tout autour du mamelon. La cicatrise verticale se situe entre le pôle inférieur de l’aréole (le mamelon) et le sillon sous-mammaire. Enfin, la troisième et dernière cicatrice est horizontale, cachée dans le sillon sous mammaire. Ce sont des cicatrices visibles qui au fil du temps s’estompent mais ne disparaîtront pas totalement. Pourtant, les cicatrices passent souvent au second plan dans la tête de la patiente. La réduction mammaire est une réelle délivrance et les cicatrices sont un léger prix à payer. Certes, le but est de malgré tout, avoir une jolie poitrine mais l’aspect esthétique n’est pas la volonté numéro une des patientes à l’inverse d’une augmentation mammaire. Malgré tout, l’harmonie de la poitrine est tout de même très importante, le but est de réduire sa poitrine tout en gardant de beaux seins.

Réduction mammaire - cicatrices

« Honnêtement, je ne pensais même pas aux cicatrices. J’avais tellement envie de me faire opérer et de ne plus avoir à supporter cette poitrine, que ce n’était rien pour moi. Aujourd’hui, elles sont là, et je vis très bien avec. Cela fait 8 mois que je me suis faite opérer et elles sont très jolies. Cela fait partie de moi maintenant.» Lucie, 24 ans. Opérée le 26 novembre 2020.

« Le chirurgien fait toujours la même suture mais la suite dépend de la patiente. Il y a certains soins à faire pour embellir les cicatrices. Certains types de peau réagissent différemment. Il n’existe pas deux mêmes cicatrices, cela dépend vraiment de la patiente. »  Docteur Aurélie Bous.

Une forte poitrine, un idéal de société ?

Le docteur Bous exerce depuis 11 ans. Le nombre d’augmentation et de réduction mammaire n’a pas connu de changements depuis ses débuts. Cependant, ce qui a changé, c’est que les femmes délaissent peu à peu leur envie d'atteindre un corps féminin stéréotypé. Même si c'est assez récent, les femmes apprennent de plus en plus à s’aimer, à s’accepter et à voir leur corps de façon positive et bienveillante. Il y a quelques décennies, la mode était aux tailles fines et aux seins volumineux. Les femmes poursuivaient même d'ailleurs parfois un idéal irréalisable sur le plan médical (pour info, le corps de Barbie est inhumain en terme de proportions). Même si avoir une forte poitrine est, et restera probablement à la mode, aujourd'hui, on accepte tout autant le fait d’avoir une petite poitrine et des hanches marquées.

Une femme doit impérativement vivre et faire ses choix en fonction d’elle, et uniquement elle. Malheureusement, encore trop de femmes se sentent mal dans leur peau sans oser franchir le cap de l’opération. Et pourtant, bien souvent, les patientes regrettent de ne pas avoir réaliser leur réduction mammaire plus tôt. Il ne faut pas voir la chirurgie comme un fait de société, comme quelque chose à la mode pour s’embellir. La chirurgie vous aide à mieux vous accepter, corriger certains de vos petits défauts physiques avec lesquels vous n’arrivez plus à vivre. Si la chirurgie vous permet de mieux vous sentir dans votre corps, alors foncez. N’oublions pas que chaque femme est différente et ne vivra pas les choses de la même manière. Certaines regrettent de l'avoir fait et d'autre d'avoir tellement attendu pour sauter le pas. Afin de connaître toutes les facettes de cette opération, il est important de comprendre que votre corps va changer et que l'acceptation de cette nouvelle morphologie prendra du temps.

 « Je me suis fait opérer le 12 octobre 2019, je pensais que cette date allait provoquer un réel renouveau en moi, pourtant ce fut tout le contraire. Je ne me reconnaissais plus, j’ai eu beaucoup de mal à me faire au nouveau volume de mes seins. Bien sûr c’était mon choix, mais une fois les choses faites, mon corps avait trop changé pour moi. » Catherine, 43 ans. Opérée le 12 octobre 2019.

Si dans la plupart des cas, la réduction mammaire est vécue comme un soulagement et permet de booster la confiance en soi, elle peut aussi, chez certaines femmes, avoir l'effet inverse. Le fait d’avoir de gros complexes physiques peut être, grâce à la chirurgie, solutionné. Mais toutes les femmes n’ont pas toujours conscience de ce que le mot chirurgie entraîne. Avant de prendre une décision aussi importante dans sa vie, la patiente doit comprendre qu’à son réveil, son corps ne sera plus le même que celui qu’elle a toujours connu. L’acceptation de son nouveau corps est une étape qui, chez certaines femmes est extrêmement difficile à passer, voir impossible. On ne peut pas modifier son corps quand on le veut. Une chirurgie est un acte extrêmement lourd pour lequel il faut être sûr de soi.

Une chose est certaine, lorsque vous décidez de vous faire opérer, faites-le pour vous et non pour plaire à quelqu'un d'autre. Encore beaucoup trop de femmes se font opérer sous la pression de leur compagnon, qui trouve leurs seins trop petits (ou trop gros). On fait également face à des jeunes filles qui se font opérer sur les conseils de leurs parents et qui regrettent à l'âge adulte. Le plus important est de bien se sentir à l'intérieur de son corps et de vivre pour soi. Qu'il s'agisse d'une augmentation ou d'une réduction mammaire, cela reste un choix personnel car vous devrez l'assumer toute votre vie. Aucune personne, qu'il s'agisse d'un membre de votre famille où corps médical n'a le droit de juger votre décision.  N'hésitez pas à vous informer un maximum, à récolter le plus de temoignages possibles, à poser vos questions pour vous aider à faire un choix. De nombreuses filles partagent leur expérience sur les réseaux!

À LIRE AUSSI  

Nos 5 marques de lingerie préférées

Le chirurgien esthétique Paul Nassif lance sa marque de cosmétiques

Mutuelle santé : les critères à ne surtout pas manquer