Romy Schneider : le destin tragique d’une star légendaire

Publié le 15 septembre 2020 par Juliette Debruxelles et ELLE Belgique
Romy Schneider : le destin tragique d’une star légendaire © Getty Images

Sororité, combats et coups d’éclat. Notre journaliste, Juliette Debruxelles revient sur le destin de personnalités qui ont changé la face du monde... Qui était Romy Schneider ?

La Beauté

Elle aurait 82 ans ce 23 septembre. Elle est morte alors qu’elle en avait 43. Morte ou vivante, le prénom de Romy résonne encore comme un synonyme de classe absolue, de destin tragique et de films cultes. Rosemarie Magdalena Albach, la quintessence de la femme telle qu’on la représentait dans les années 50, 60 et 70. Une ligne, un grain de peau, des yeux perçants, un accent. Une vie qui ressemble à un roman qui finit mal et qui ne commence pas vraiment mieux.

En 1938, alors que Romy n’a que quelques semaines, la famille, installée dans les Alpes bavaroises, fréquente son voisin, Adolphe Hitler. Et ils sont fiers. Romy sera même persuadée d’une liaison entre sa mère et l’ignoble. Une proximité avec le régime nazi qui vaudra à cette dernière, à la Libération, une sacrée pause carrière. Un traumatisme pour Romy Schneider qui n’aura de cesse, sa vie durant, de s’affranchir des crimes de l’époque avec lesquels elle n’avait pourtant rien à voir.

Le train-train suit son cours sur fond de bon air des montagnes. Son père quitte sa mère durant la guerre et c’est un beau-père gros porc qui, au début des années 50, prend en main sa carrière à défaut de réussir à les poser sur son jeune corps. Romy devient Sissi. En 1955, elle revêt la robe à crinoline de l’impératrice d’Autriche dans le célébrissime film d’Ernst Marischka et tournoie comme une dinde sur des valses de Johann Strauss. L’affaire nous rattache aujourd’hui aux programmations télévisées de la période de Noël, mais en vrai, le long-métrage sirupeux fait un énorme carton. Il est diffusé dans les écoles et est même estampillé du titre honorifique « d’œuvre culturelle ». Romy y apparaît comme un véritable petit bouton d’or au port de tête gracieux, ce qui ravit sa mère, l’actrice Madga Schneider. Au coude à coude avec Cendrillon et toutes les autres billevesées de princesses qui ont conditionné la gent féminine à attendre le prince charmant, « Sissi » tient une place de choix au panthéon du patriarcat. Le film devient une trilogie et elle enchaîne les tournages. « Sissi impératrice » et « Sissi face à son destin » sortent en 1956 et 1957, propulsant Romy au statut d’icône internationale.Sauf que la gamine en a ras-la-perruque tressée de se faire spolier ses cachets par beau-papa et de servir de faire-valoir à maman. Elle refuse d’endosser une quatrième fois le costume et renonce à la fortune qu’on lui propose. Elle veut être libre, elle veut être là.

Festival de Cannes, propositions de rôles, elle est au top lorsqu’on lui propose de choisir son partenaire dans le film « Christine » de Pierre-Gaspard-Huit. Elle pioche Alain Delon dans une pile de photos de jeunes premiers. Ce qu’il faut savoir, c’est que le vieux monsieur bougon d’aujourd’hui est, à l’époque, à deux doigts de devenir LA star du cinéma français. Beau comme un dieu (la pub « Eau Sauvage » de Dior, rééditée dernièrement, en atteste), glacial, arrogant, il incarnera bientôt l’objet numéro un du désir national. Ils commencent par se détester, jusqu’à tomber éperdument amoureux. Ils se fiancent l’année d’après et deviennent le couple mythique que l’on connaît (ils tourneront « La Piscine », dix ans plus tard).

romy schneider
© Getty Images

Romy plaque maman et beau-papa et s’installe à Paris. Acclamée, adulée, s’en est fini des Allemands bien comme il faut. Elle bosse dur, elle bosse beaucoup, la tête lui tourne à force de sollicitations et d’excitation. Elle est hospitalisée pour ce que l’on appellerait aujourd’hui un burn-out.

En 1963, une carrière américaine lui tend les bras. Elle est à Hollywood et panique : rien ne se passe comme prévu. La presse américaine lui trouve la mine inquiète, elle ne crève pas l’écran et est reléguée à des seconds rôles très en dessous de son talent et de ses ambitions. Elle a un trac fou (c’est d’ailleurs de trac – ou plutôt d’une crise cardiaque – que décédera son père, acteur lui aussi, quelques années plus tard). Dans le même temps, sa relation avec Delon prend fin dans une lettre de 15 pages qu’il lui adresse par l’intermédiaire de son agent.

Alors que son contrat avec le studio Columbia devait la garder sur le sol américain durant sept ans, elle le rompt après deux ans à peine. Elle revient en France, elle est malheureuse, alors elle tourne. Et puisqu’elle est blessée, elle fait comme ces femmes qui se révèlent grâce au « revenge body » (Khloé K., si tu nous lis)... Henri-Georges Clouzot la fait jouer dans « L’Enfer » et c’est une bombe qu’il révèle : sensuelle, affirmée, irrésistible. Une femme est née. Elle rencontre son mari, Harry Meyen, s’installe à Berlin, donne naissance à son fils, David, fin 1966. Durant quelques années, elle est une vraie personne et plus seulement une actrice.

Mais le cinéma la reprend et Paris aussi. Claude Sautet, Andrzej Zilawski, Visconti, Chabrol, Miller, Tavernier... Elle est de cette époque où existait un cinéma français. Ses amours la blessent, la vie aussi. On la dit alcoolique et dépendante aux médicaments. En vrai, on n’en sait rien. Il est si facile de salir les idoles, surtout quand elles sont tristes.

La décennie la comble de bonheur avec la naissance de David puis de Sarah, en 1977, mais l’existence lui assène aussi des coups qui s’avéreront mortels. Une dépression, un accident de voiture, une fausse couche, une césarienne, un second mari dont elle divorce, une fracture, le suicide d’Harry Meyen et tout ce que l’on ignore de déceptions et de démons... Et le dernier assaut, fatal : le 5 juillet 1981, son fils adoré escalade le portail d’entrée de deux mètres de haut de la maison où ils sont en visite, soucieux de ne pas déranger en sonnant. Il perd l’équilibre et s’ouvre l’artère fémorale sur les pointes en métal de la grille. La presse, immonde, fait du drame ses choux gras. Romy ne s’en remettra pas. Elle rejoint David en mai 1982, effondrée de chagrin. Son corps épuisé par les moyens de soulager sa peine qu’elle ingérait peut-être avec excès, déchaînant les rumeurs les plus folles. De ses années, il reste des films et tant de beauté.

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