Aussi audacieux que sains, les beurres de noix se fraient un chemin dans nos habitudes alimentaires. À Bruxelles, c’est un duo belgo-néozélandais qui guide la tendance avec un bar vegan couplé à un minuscule atelier de production.
L’histoire d’amour a commencé avec le beurre de cacahuètes — et son fameux combo « peanut butter jelly » à tartiner —, avant de s’étendre, sans distinction de genre. Sésame, noix de soja, pécan ou macadamia, amandes, graines de tournesol ou de courge : de l’autre côté du monde, aux États-Unis comme en Australie, les beurres de noix tentent désormais de se démarquer à grand renfort d’étiquettes colorées, espérant se glisser dans les rayons ou mieux, dans les armoires. L’offre est large et la compétition rude pour ces « nut butters » définitivement entrés dans les mœurs culinaires. Avant cela, ils faisaient déjà partie intégrante des cultures moyen-orientales, puisqu’on en a retrouvé des traces jusque dans les livres de recettes de la cour des califes de Bagdad, au IXème siècle. Sa déclinaison la plus connue, la pâte à tartiner chocolat-noisettes, daterait quant à elle des guerres napoléoniennes.
Buddy Buddy, à la pointe
C’est qu’à l’heure des « super-aliments », les beurres de noix cochent bien des cases : bourrés de fibres, d’omega 6, de protéines et de minéraux, ils s’adaptent parfaitement aux régimes végétariens ou vegans. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle Julien Gaucherot et Matt Samra, 32 ans tous les deux, ont commencé à en mixer dans leur cuisine. « On était inquiets pour notre apport en protéines », raconte Julien au bout du fil. « Mais dans les supermarchés belges, on ne trouvait que des beurres de noix à l’Américaine » — comprendre, saturés d’huile de palme et de sucre. Pourtant, Matt sait qu’il existe sur le marché des produits plus fins. Le jeune homme vient de Nouvelle Zélande, où la culture très forte du « coffee shop » et de ses petits-déjeunes sains a contribué à introduire des variantes « premium », plus équilibrées. « Ils en consomment depuis longtemps, ils ont donc eu le temps de les faire évoluer », explique Julien Gaucherot à propos des habitants de l’autre hémisphère.
Qu’à cela ne tienne, si la Belgique ne peut pas aller à la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Zélande viendra à la Belgique. Et c’est ainsi que les deux comparses ont fait sortir de terre Buddy Buddy, un lieu wes andersonien 100% vegan, qui propose du café de spécialité et des assiettes contenant pour la plupart les beurres de noix du duo — également vendus en ligne. Ces derniers sont presque devenus une obsession pour le duo. Au menu, on les retrouve donc sur les toasts comme dans le curry de patates douces. « On veut montrer que gustativement, ce sont des produits très versatiles ». Dans leur minuscule atelier, tous deux sont également désormais capables de jauger de la qualité de leurs noix — « l’élément plus important » — d’un simple test gustatif. Elles sont ensuite torréfiées et refroidies, avant d’êtres moulues dans leur moulin à noix australien. Le mélange avec de l’huile de chanvre pressée à froid ou une pointe de sel rose est ensuite fait à la main, de même que la mise en pot. Le procédé ne permet d’en remplir que 20 ou 30 à la fois, chaque fois avec la même précision et passion.
La source (tarie) des beurres de noix
À ce jour, Buddy Buddy a développé une gamme de quatre produits, dont un beurre de cacahuètes, un beurre d’amandes et une pâte à tartiner choco-noisettes. Mais le plus intrigant de tous est probablement le « protéiné », auquel on a ajouté des protéines de pois et de l’huile de chanvre, pour les oméga 3. « C’est un mélange idéal pour les sportifs, avec de vraies bonnes protéines végétales », vante encore Julien Gaucherot. La proposition est alléchante, au propre comme au figuré, d’autant plus quand on sait que la consommation de fruits secs fait partie des dernières recommandations du Conseil supérieur de la santé belge.
Reste que la tendance, si elle a du bon d’un point de vue santé, n’est pas forcément très écologique. Aux USA où les oléagineux vivent leur grande heure de gloire, les monocultures d’amandes californiennes déciment en effet les réserves d’eau d’un État qui en a pourtant grand besoin. « C’est la raison pour laquelle à l’heure actuelle, on refuse de s’approvisionner aux États-Unis », indique le co-créateur de Buddy Buddy. Leurs amandes proviennent d’Espagne, tandis que les cacahuètes et noisettes sont importées d’Égypte et de Turquie. La question de la provenance et la manière dont sont produites ces « noix » est donc le prochain grand défi de cette jeune marque, qui trace dès aujourd’hui une voie belge dans le sillon des « nut butters ».
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