Si on testait ? La vie zéro déchet

Publié le 25 avril 2019 par Elisabeth Clauss
Si on testait ? La vie zéro déchetIllustration de Marie Morelle

Hélène de Vestele vit depuis 4 ans sans déchet, quand on n’arrive déjà pas à se débarrasser de nos vieilles casseroles. Avec son association Edeni, elle organise des bootcamps pour nous guider vers une transition écologique intégrale.

Edeni, qu’on peut comprendre comme la contraction de « l’Éden ici », est un collectif hybride fondé par Hélène, militante anti-gaspi. L’association, via son site et des ateliers de sensibilisation, diffuse de l’information à la déconsommation, et pour la partie pratique, des do it yourself sur sa chaîne YouTube.

Un soir pendant six semaines consécutives, le volet « entreprise sociale et solidaire » du collectif organise des bootcamps orientés vers la santé, l’écologie et l’éthique. Dès cet été, des actions seront organisées en Belgique et à Lille. Un délire de retour à la roue à eau ? Pas vraiment. Ces jeunes supers engagés armés de MacBooks utilisent les neurosciences avec la mise en application des sciences cognitives pour passer de la sensibilisation à l’action. Concrètement, cela consiste par exemple en encourager les gestes qui déclenchent la production d’endorphine et d’ocytocine. Ou quand réduire ses déchets rend heureux.

Hélène a fondé Edeni à partir d’une association qu’elle avait créée dans les bidonvilles de Buenos Aires. Consultante en stratégie écologique pendant des années pour le gouvernement argentin, elle a participé à des projets à long terme et à grande échelle, sans jamais en percevoir les résultats concrets. Son credo : « tout le monde mérite de vivre mieux avec moins ». On est toutes d’accord, un œil sur les vitrines du printemps, mais ça n’est pas ce qu’elle veut dire. Ici, il est question d’une transition écologique qui passe par « la règle des 5R » :

Refuser

Ça, en tant que post-punk féministe, on sait faire. On résiste, on prouve qu’on existe, mais on a quand même un abonnement Prime sur Amazon. On refuse le supplément mayo sur notre bicki de trois heures de matin, et on a l’impression d’être citoyenne d’honneur de Sparte.

Pour Hélène, il s’agit plutôt de refuser « tout ce qui est inutile, pas sain, pas écologique, pas éthique. Une bouteille en plastique, une paille, un flyer, la carte de visite qu’on vous tend ». Mais attention, la philosophie d’Edeni n’est pas dans le déni, et ne s’oppose pas à la modernité : on peut garder notre portable. Pas inoffensif pour l’environnement, mais qui remplace avantageusement plein d’autres outils de communication. Comme les signaux de fumée, qui libèrent du CO².

Comment arriver, à l’instar d’Hélène, à faire rentrer toute année de déchets non recyclables – tout ce qui ne rentre ni dans le compost, ni dans les poubelles jaunes ou bleues – dans un petit bocal ? En consommant des produits sans emballages ou homemade, pour commencer. Est-ce à dire que nous devons passer nos journées sur YouTube, à confectionner du gel douche avec de l’eau de pluie ? Heureusement pas. Pour Hélène en outre, « il faut se méfier des blogueurs « de cuisine hygiéniste », leurs conseils peuvent faire des dégâts. Par exemple, ne suivez surtout pas les recettes de dentifrice à base de bicarbonate, ça ne fait que fragiliser l’émail ». En matière de cosmétiques, j’applique un principe très simple : j'évite de mettre sur ma peau ce que je ne mangerais pas ». Le concept, d’une logique imparable, fait réfléchir, et comme nous, vous venez de vous imaginer en train de taper dans votre pot de Nivea à la petite cuillère. Pour autant, on s’y accroche encore un peu : là où il y a du collagène, il y a quand même du plaisir.

 

La vie zéro déchet
Illustration de Marie Morelle

Réduire

C’est toute la question de la raison pour laquelle on accumule, qui devrait se régler plus souvent chez le psy qu’en boutiques. Pour rationaliser les piles de brol dont on se fait des montagnes, c’est surtout le premier pas qui coûte, et il va vers des bennes de tri. Pour Hélène, « une fois la transition passée, on a même plus besoin de réfléchir, tout va très vite. Ne nous illusionnons pas, le but n’est pas de ne plus avoir d’empreinte du tout, c’est impossible. Même les animaux en laissent une. Nous, on refuse simplement le gâchis et le superflu ».

Reste à définir le « superflu », dont nous n’avons pas tous la même définition. Alors qu’on ne porte que 20% des vêtements qu’on possède, il y a clairement de la place à faire. Cibler la qualité plutôt que la quantité et envoyer une chiquenaude au mass market, c’est un acte citoyen, et ça nous va mieux. Il n’y a pas de miracles, que des choix.

Réutiliser/réparer

Ça implique d’acheter des choses potentiellement réparables. « Et idéalement, il faudrait privilégier l’économie de l’usage plutôt que la propriété ». En clair, rouler en Cambio ou tout autre système de voitures partagées ou louées à l’heure, s’habiller en seconde main (et ça peut être du vintage haut de gamme, on ne va pas se punir non-plus), se prêter des livres ou les acheter chez des bouquinistes – où on ne trouve pas que du vieux papier. Si on suit les bonnes idées proposées par Edeni, selon les chiffres avancés, on économise jusqu’à 2000€ par an et par ménage. Assez pour une virée shopping ? Reprenez le paragraphe précédent, mais on avance…

Recycler

Le recyclage, ça pollue aussi. 90 % des ressources puisées dans la nature deviennent des déchets en moins de 42 jours. Recycler c’est bien, mais pour être nickel, il faudrait éviter d’acheter ce qu’on va devoir recycler. Hélène rappelle que «le plastique, malgré l’idée répandue, ça ne se recycle pas à 100%. Le verre peut se refondre indéfiniment, mais ça entraîne un gros impact carbone, pour le transport, et les très hautes températures nécessaire à la fonte». Comment réutiliser utilement une bouteille en verre ? En s’en servant comme flacon à eau de rinçage assainissante pour les cheveux ultra écolo, par exemple (voir recette en encadré). Quid des flacons de shampoing ? On les supprime, tout simplement. Les pains de savons lavants pour les crinières ont la côte, mais tous ceux qu’on a essayé sont un peu trop décapants.

Hélène de Vestele pratique pour sa part le « no poo », « pas de shampoing » : « il faut commencer par une cure de sébum, c’est-à-dire un mois sans shampooing (mais en se démêlant les cheveux quotidiennement, et en les rinçant à l’eau chaude). Cette période de sevrage aux décapants chimiques permet au cuir chevelu de retrouver sa propre autorégulation ». Un mois sans selfie, ça peut faire des vacances aussi. A tout le monde.

 

La vie zéro déchet
Illustration de Marie Morelle

Revendiquer

Avoir des convictions mais les garder pour soi, c’est comme ne pas en avoir. A contrario, partager chacun de vos états d’âme sur Facebook dix fois par jours, ça ne dit rien de bon sur votre taux d’activité. Mais revenons à nos moutons bios : qu’est-ce qui est le plus difficile dans la transition ? Se remettre en question, et identifier les fausses bonnes idées, comme acheter une liseuse pour sauver des arbres. Le coût écologique est bien pire. Pour Hélène, « il vaut mieux continuer à lire, c’est meilleur pour la planète que si elle était peuplée d’incultes. Il faut faire les choses à son rythme, et si on est frustré, on finira par péter les plombs ».

Le principe qui fait du bien ?

« Il faut opérer cette transition pour être plus heureux, pas pour sauver la planète : elle, de toute façon, elle continuera sans nous. Il n’y a pas de vérité absolue. Il faut se regarder avec une vraie honnêteté intellectuelle. Devenir agile, et comprendre que se culpabiliser ne sert à rien. On est une espèce animale ultra adaptative. La déconsommation, c’est la suite logique de l’évolution ». On aime la posture modérée de la fondatrice d’Edeni, intègre mais pas intégriste. On lui demande : « la transition écologique, au niveau individuel, c’est logistiquement compliqué, en vrai ? » Elle répond, souriant : « aussi compliqué en pratique que d’arrêter de fumer. » La toux grasse en moins.

Le vrai geste qui fait la différence ? Arrêtez de prendre l’avion. Et si ça peut vous réconforter, gardez votre voiture : elle pollue bien moins que chacun de vos voyages en avion, surtout si vous pratiquez le co-voiturage.

A lire : Le Manifeste Edeni, aux Editions « La relève et la Peste ».

Les recettes à apprendre à votre grand-mère

Le dentifrice qui frise la perfection

Prenez de l’argile blanche, de l’huile essentielle de menthe poivrée, et pour la texture, ajoutez un tout petit peu d’huile de coco (mais vraiment peu, car ce produit a une très grosse empreinte carbone). Ce dentifrice se conserve trois mois. Tous les détails sur le site d’Edeni.

L’eau de rinçage

Verser au fond d’une bouteille de verre de 50 cl 1 cm de vinaigre de cidre (d'une bouteille de vinaigre bio dans laquelle vous aurez au préalable fait infuser quelques peaux d'agrumes: ça parfume et évite l'odeur âcre du vinaigre, pensez-y pour votre vinaigre blanc), puis ajoutez de l’eau froide pour compléter et quelques gouttes d'huile essentielle d’ilang ilang. Cette décoction rééquilibre l’équation acido-basique du cuir chevelu (Edeni collabore avec des dermatologues réunis au sein de l’association en comité scientifique pour vérifier toutes leurs recettes).

Illustrations : Marie Morelle

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