La Belgique devient le premier pays d’Europe à adopter une loi anti-féminicide

Publié le 7 juillet 2023 par Camille Vernin
La Belgique devient le premier pays d’Europe à adopter une loi anti-féminicide ©Shutterstock

C'est une avancée historique face aux violences de genre. La Belgique vient de voter une loi anti-féminicide, et c'est une grande première en Europe.

Nous vous parlions récemment de l'importance de la reconnaissance du terme "féminicide" et de son inscription dans le Code Pénal. Une démarche visant moins des actions juridiques concrètes, qu'une véritable reconnaissance politique qui permette d'enfin mettre un mot le phénomène, le recenser, et in fine tenter de mettre fin au fléau. Une décision qui s'inscrivait dans un engagement plus global pris par la Belgique, et qui s'inscrit dans le Plan d’action national de lutte contre les violences basées sur le genre (PAN) 2021-2025.

Ce jeudi 29 juin, le Parlement a enfin voté la loi #Stopféminicide après un dernier débat auquel ont assisté de nombreuses associations qui ont suivi et soutenu les travaux sur le texte. Il s’agit d’une première européenne et d’un tournant historique dans la lutte contre les violences de genre en Belgique. Une loi qui est le fruit d’un travail étroit mené en collaboration entre la Secrétaire d’Etat à l’Egalité des genres Marie-Colline Leroy et sa prédécesseure Sarah Schlitz, le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne et la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden en concertation avec les actrices et acteurs de terrain concernés.

Définir les différentes catégories de féminicides

Concrètement, cette loi va doter la Belgique d’un ensemble de dispositifs de prévention, d’analyse, de suivi des féminicides et des homicides fondés sur le genre et de protection des victimes. Elle adopte également de nombreuses définitions, tant du féminicide lui-même que des violences qui le précèdent comme la violence sexuelle, la violence psychologique ou le contrôle coercitif.

La loi définit quatre catégories différentes : le féminicide intime (par exemple, par le partenaire), le féminicide non intime (par exemple, une travailleuse du sexe tuée par un client), le féminicide indirect (par exemple, la mort après un avortement forcé ou après une mutilation génitale féminine) et l’homicide fondé sur le genre (par exemple, un homme transgenre qui meurt dans le contexte de la violence du partenaire). Des premières définitions qui n'empêcheront évidemment pas initialement ces actes d'être reproduits, mais qui permettront de poser les bases de toutes les initiatives futures visant à mettre en œuvre la loi sur le féminicide.

Collecter les données

La loi prévoit, en outre, la collecte des données et la publication de deux rapports à partir de ceux-ci. Le premier, annuel, reprendra les principales statistiques liées aux féminicides, mais aussi les caractéristiques des victimes, des auteurs et de la relation entre la victime et l’auteur. Le second, qui sera publié tous les deux ans, prévoit un rapport qualitatif sur les féminicides et les homicides fondés sur le genre qui met en évidence leur fréquence, les taux de condamnation, l'efficacité des mesures prises pour mettre en œuvre la Convention d’Istanbul.

L'objectif ? Obtenir une vision d'ampleur du problème et de ses caractéristiques afin d'en tirer les enseignements nécessaires pour renforcer la prévention contre les féminicides. L’Institut pour l'égalité des hommes et des femmes sera chargé de cette tâche de rapportage et publiera ces publications sur son site web afin qu'elles soient accessibles à toutes et tous.

 

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Un "comité scientifique" et des formations

La loi crée également un Comité Scientifique d’analyse des féminicides et des homicides fondés sur le genre, qui analysera les féminicides et les homicides fondés sur le genre sur la base de cas individuels.

Les victimes de violence de genre sont également au centre des préoccupations du texte. Les victimes disposeront d’une série de garanties concernant les conditions de leur audition par la police (langue, choix du sexe de la personne qui les interroge, discrétion, informations sur les mesures de protection etc.). L’utilisation d’un outil d’évaluation des risques sera également rendue obligatoire, à actualiser à chaque nouvelle étape de l’enquête. Cela devrait permettre à la police et à la justice de mieux évaluer les risques encourus par une victime, d’analyser la dangerosité des auteurs et de prendre des mesures de protection telles qu’une mesure d’éloignement ou une alarme antirapprochement. Enfin, la loi prévoit que les formations existantes pour les policiers et les magistrats accordent une attention particulière aux féminicides et au cycle de violence qui les précède.

Depuis le début de l’année 2023, le blog Stop Féminicide a recensé sur la base d’articles de presse, 17 féminicides en Belgique. "L’aboutissement du projet de loi place la Belgique au rang de pionnière dans l’approche légale des féminicides", déclare Marie-Colline Leroy, Secrétaire d’Etat à l’Egalité des genres. "Dans notre pays, on estime qu'une femme sur cinq subira un jour ou l'autre des violences de la part de son (ex-)partenaire. Ces chiffres sont effrayants. Ce type de violence reste souvent caché derrière des façades, ce qui le rend moins visible (...). La justice ne peut agir qu'après coup. C'est pourquoi ce projet de loi contribue à mieux identifier, prévenir et combattre la violence fondée sur le genre", renchérit le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne.

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