On a testé : le live shopping

Mis à jour le 11 mai 2022 par Eveline Janssens et ELLE Belgique
On a testé : le live shopping © Shutterstock

L’expression « live shopping » a immédiatement suscité notre curiosité. Et puisque nous sommes du genre exhaustif avec un grand E à la rédaction, je m’y suis consacrée à plein temps le mois passé jusqu’à ce que mon compte en banque me mette le holà. Faire défiler des vidéos pour shopper tout en travaillant, on dit oui ! 

Le live-what ?

Le « live shopping » donc, qui permet à un·e influenceur/euse, une marque ou une boutique de vendre des articles lors de sessions interactives en ligne. Le/la téléspectateur/trice peut poser des questions à un·e animateur/trice, qui présente des produits à glisser dans son panier au fur et à mesure via un lien. Et le/la présentateur/trice de proposer moult réductions et goodies, valables uniquement pendant la durée de la vidéo.

Vous vous souvenez des émissions de téléachat des années 90, qui essayaient de nous refourguer un Magic Bullet et autres nettoyeurs vapeur ? Le principe est le même : tout se passe en direct, y compris les palettes de maquillage qui se brisent en mille morceaux, les mères des animateurs/trices qui appellent de manière intempestive et les chats qui fourrent leurs pattes partout. Shoppertainment garanti !

On y achète quoi ? La question est plutôt de savoir ce qu’on n’y achète pas. Accessoires, cosmétiques, gadgets électroniques, vêtements, mobilier, et même une voiture. Je repère un arc et des flèches, des perruques bicolores et des talons aiguilles (que je ne porterai jamais). Mais je décide finalement de me concentrer sur la nouvelle collection été, un peu de lecture et bien sûr des produits de beauté.

Le live shopping, ça vient d’où ?

Made in China, le live shopping a gagné en popularité dans le monde entier, poussé par la crise sanitaire. Les entreprises de commerce en ligne telles qu’AliExpress et Amazon ont déjà sauté le pas, mais pour les influenceurs/euses et les petites marques, le live shopping via Instagram ou WhatsApp constitue aussi un excellent moyen d’enthousiasmer la génération Z.

En Belgique, la marque de mode Mayerline est la pionnière du shopping en direct. Katrien De Cannière, Customer Experience & Marketing Manager : « Après avoir accusé le choc du confinement, nous ne sommes pas restés les bras croisés. Nous avons voulu continuer à inspirer nos client·e·s en créant une large gamme de services. À cet effet, le live shopping et les défilés en ligne, pendant lesquels les téléspectateurs/trices peuvent cliquer sur les vêtements pour les commander directement, sont des atouts importants. »

live shopping
© Shutterstock

C’est ainsi que je me retrouve un lundi matin dans notre dressing, armée de mon smartphone et de ma carte Visa. Mon chéri garde la sienne précieusement dans sa poche arrière. Oh mon Dieu, un appel entrant de Mayerline, prête à me donner un coup de main. J’ai fait mes devoirs et repéré cette marinière dans la collection Améline, mais je ne vois pas très bien les couleurs sur les photos de la boutique en ligne. Je demande alors à mon interlocutrice de faire un petit défilé. Les rayures violet foncé me séduisent immédiatement. 

Et puis-je bénéficier au passage de quelques conseils en stylisme ? Pas de problème, c’est le core business du chat vidéo. « Nous nous glissons avec la cliente dans son dressing pour l’aider à trouver de nouvelles combinaisons, car c’est ça le plus difficile pour tout le monde. » Elle me suggère parfois des articles de la nouvelle collection, mais pas toujours. « Ce ne sont pas les ventes qui priment, mais le service. »

Mais que vois-je là ? Ne serait-ce pas un imprimé ananas noir et blanc ? « Oui, deux robes et un chemisier, je vais vous montrer », me répond-elle. Et les moindres détails de ces trois pièces me sont dévoilés. Est-ce que j’ai un short beige quelque part qui irait parfaitement avec ce chemisier ? Après quelques fouilles, je le sors de l’armoire des vêtements d’été. Un perfect match made in video-heaven.

Chinglisch

Il est temps de passer au test suivant, paradis du plastique : AliExpress. Dans le feed de l’application, on peut voir toutes les vidéos en direct. En bas, une icône reprend l’ensemble des articles abordés. Il suffit de cliquer sur l’un d’entre eux pour atterrir sur la page du produit et le glisser dans son panier. Un chat est accessible pour répondre aux questions urgentes, on peut suivre les vendeurs et être suivi. L’Instagram du China-shipping en quelque sorte. 

Les vidéos sont disponibles en russe, portugais, français et anglais, ou plutôt Chinglish. Le nombre de téléspectateurs/trices varie entre 500 et 13.000. Les scènes sont carrément hilarantes : une vidéo est complètement inintelligible à cause de la musique qui va trop fort à l’arrière-plan, une dame se bat avec un hélicoptère en Lego qui finit en morceaux et une troisième boutique en ligne essaie de vendre des poupées en porcelaine semblant tout droit tirées d’un film d’horreur.

Charité journalistique oblige, je contribue avec joie à hauteur de quelques dollars et 75 euros de frais de douane. Avant de me souvenir que j’ai absolument besoin de nouvelles lunettes de soleil. Me voici alors devant une vidéo truffée de modèles XXL et bling-bling. Les explications sont sommaires : « Yes, oversized, you see. Very beautiful. Buy now, you buy now. You can order now yes. » Je peux avoir une réduction ? OK, voici un code promo. Pendant quelques minutes, je suis totalement confuse, pensant que BUYNOW et ONLY8DOLLARS représentent la réduction, mais il s’agit en réalité d’un argumentaire de vente. Après quelques appels à l’aide dans le chat, un écran s’affiche avec un code promo, que j’essaie d’appliquer à ma future paire de lunettes de soleil (pas si) oversized et (légèrement) bling-bling. Avec un peu de persévérance et le soutien de Miss Buy Now (« you try again, try again, yes, try again »), je parviens finalement à passer la commande. Les lunettes de soleil sont sans doute en train de flotter quelque part sur un porte-conteneurs à l’heure où le magazine que vous tenez entre les mains est imprimé. Quoi qu’il en soit, mission accomplie, ma première et unique expérience AliExpress en direct est terminée.

live shopping
© AliExpress

Comment ça marche ?

J’ignore l’autre géant du live shopping qui torpille le marché du livre pour prendre rendez-vous par chat vidéo avec la librairie Clavis à Bruges.

« Le live shopping apporte une grande valeur ajoutée à notre boutique en ligne », souligne Els, dont la silhouette se découpe sur une multitude de rayonnages remplis de livres. « Nous pouvons montrer aux client·e·s l’intérieur d’un livre, leur lire un passage et rechercher de nouveaux thèmes qui pourraient les intéresser. » Mon fils adore les câbles, les boutons et le bricolage. Et les histoires de caca aussi mais ça, c’est un autre débat. Els pense immédiatement à un livre sur l’électricité et à un autre intitulé « Comment ça marche ? ». Je prends le second, car nous sommes tombés à court de réponses au « Mais pourquoi ? ».

Maintenant que la bombe du « pourquoi » a été désamorcée, je me mets en quête de quelque chose pour nos jumelles de sept mois. Els empile des livres pour bébés devant l’écran, dont elle vante les couleurs contrastées et les boutons musicaux astucieusement conçus. J’en sélectionne quelques-uns que je fais défiler.

Je souhaiterais aussi un livre dans lequel la diversité occupe une place centrale. « J’ai ceci qui pourrait vous intéresser », poursuit Els. « Cette série de livres sur une classe dont les élèves ont des origines et des compositions familiales différentes. On nous les présente dès la première page et ils jouent tous un rôle dans l’histoire, comme dans notre société. » Parfait, des enfants opposés au racisme. Je termine par des conseils pour au moins trois autres commandes que je passerai ultérieurement.

Odoravision

Liesbeth Selleslach, de Petit Effort, une boutique en ligne de produits de beauté durables et sans plastique, apprécie le shopping local. « Je sélectionne moi-même tous les articles, qui sont belges pour la plupart », explique-t-elle, radieuse, de l’autre côté de l’écran. Les client·e·s peuvent réserver une séance vidéo avec elle en ligne. « Je participe régulièrement à des marchés pop-up, mais tout le monde n’a pas l’occasion de s’y rendre. Dès lors, le webshop vidéo vient à elles et eux. » Et avec passion, elle m’accompagne à travers sa gamme de savons vegan, baumes à lèvres et crèmes sans emballage. 

Les parfums et les textures sont abordés en détail. Car c’est précisément là où le bât blesse quand on achète des produits de beauté en ligne. S’agit-il d’un gommage à grains ? À quoi dois-je m’attendre si je prends le shampoing mojito ? « À la fraîcheur de la menthe agrémentée de citron vert ! » Liesbeth sait parfaitement comment aiguiller ses client·e·s vidéo. Elle décrit l’huile pour le visage faite à la main à base de propolis d’abeille de la marque bruxelloise Habeebee – qui s’approvisionne directement chez l’apiculteur – comme de l’or dans un pot, avec des accents de miel. Cerise sur le gâteau : je récupère mon colis le lendemain dans une boîte recyclée !

Le déodorant crème vegan de la marque LEKKER répond également à toutes mes attentes. Après avoir hésité entre la lavande (la Côte d’Azur comme si vous y étiez, précise Liesbeth) et le combo menthe poivrée-romarin (qu’elle décrit comme un moment de pur bien-être), je craque pour un parfum qui ne manquera pas de me rappeler le sauna. 

Thérapie par le shopping

Le shopping en direct consiste à laisser les autres réfléchir à sa place. J’ai rendez-vous avec Roet, l’une de mes boutiques préférées à Puurs, qui s’est spécialisée dans la vente via Instagram. « Je n’ai pas de boutique en ligne, car on doit alors gérer des retours avec des vêtements sales ou abîmés. Les réseaux sociaux permettent de personnaliser le contact avec les client·e·s. » Également pratique en quarantaine avec trois enfants en bas âge : je disparais du salon/crèche pour une petite thérapie par le shopping.

Les articles que j’ai repérés chez Roet m’attendent lorsque je me connecte. « Cette jupe ottod’Ame est magnifique, ce T-shirt ou ce chemisier pourrait très bien aller avec. Ou ce cardigan peut-être ? » Roet court d’un coin à l’autre du magasin pour y dégoter des articles.

Je lui montre également mes pièces préférées dans d’autres magasins. Ça lui donne une idée de mon style. « J’ai pas mal d’imprimés, attendez, Nathalie (Vleeschouwer) propose des choses intéressantes cette saison. » Mon butin comprend une jupe crayon lilas que je porterai avec un haut orné d’imprimés bleu marine. 

Pendant que des bruits bizarres émanent d’en bas, je m’attaque à l’article vestimentaire le plus difficile. Selon Roet, acheter un jean par écrans interposés est possible. « Si nous connaissons votre taille, votre silhouette et vos goûts, c’est parfaitement envisageable. » On s’attardera sur mes fesses une autre fois. À en juger par les cris, l’un des bébés a coincé son doudou derrière les oreilles de sa sœur, tandis que le plus grand crie « cacaaaaa » depuis les toilettes. Il est temps d’aller sauver mon mari, dans l’espoir qu’il me prêtera sa carte Visa la prochaine fois. 

Liste des magasins proposant du live shopping

  •  Mayerline : mayerline.be / Compte Instagram : @mayerlinebrussels / Défilé virtuel jusqu’à épuisement : catwalk.mayerline.be
  • Roet Puurs :  Compte Instagram : @roetpuurs / Hoogstraat 107, Puurs
  • Petit Effort : petiteffort.be /  Compte Instagram : @petit.effort
  • Librairies Clavis : clavisbooks.com / Compte Instagram :  @clavis_publishing
  • AliExpress : App Store
  • 2beinstore.be

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