Dvtch Norris : le rappeur anversois à suivre de près

Publié le 9 octobre 2019 par Laura Stynen et ELLE Belgique Photos: Justin Paquay
Dvtch Norris : le rappeur anversois à suivre de près Dvtch Norris - Photo de Justin Paquay

Dvtch Norris n’est plus au second plan derrière Coely. Cet été, le rappeur anversois a joué en solo dans des festivals en Belgique et à l’étranger. Il sort aujourd’hui son deuxième EP, bourré d’histoires personnelles. Fahad Seriki – de son vrai nom – règle ses comptes avec ses incertitudes et ses démons : « Je veux rester moi-même dans tout ce que je fais. »

La première fois que j’ai vu Dvtch Norris, c’était pendant l’été 2017. Il jouait aux côtés de Coely, la reine du rap belge, sur la Green Stage de Couleur Café. Après le spectacle, j’ai lu sur son Instagram qu’il remerciait son public et qu’il allait prendre le train pour rentrer chez lui. Comment ça ? Moi qui le voyais plutôt faire gicler le champagne à l’une ou l’autre after-party avant de reprendre son jet privé pour les États-Unis. J’étais à côté de la plaque apparemment. Le rappeur à l’accent américain plus vrai que nature vient tout simplement d’Anvers.

Deux ans ont passé depuis qu’il m’a envoyé quatre petits cœurs roses pour me remercier de l’avoir tagué dans une vidéo de sa prestation. Dvtch Norris est encore plus impressionnant sur scène sans avoir perdu son côté terre à terre. Il s’est pris en selfie avec une pomme pour annoncer la sortie de son nouvel EP sur Apple Music. Dans ce deuxième opus au titre interpellant, « I Hate You », il dévoile son secret le mieux gardé. Enfant, il a fréquenté l’enseignement spécialisé, ce qui lui a valu d’être catalogué comme « anormal ». Dans le titre « Save Us », il essaie de se réconcilier avec cette partie de sa vie. Il révèle qu’il se débat depuis longtemps avec ce qu’il appelle l’insécurité. Lors de notre rencontre à Bruxelles, il se montre même un tantinet nerveux.

Tu apparais très sûr de toi sur scène.

Ceux qui manquent d’assurance ne le montrent pas forcément. Il y a peut-être une leçon importante à en tirer. J’étais angoissé à l’idée de sortir des morceaux dans lesquels je parlais aussi ouvertement de mon manque de confiance en moi – le public n’attendait pas ça de moi –, mais je ne regrette pas de l’avoir fait. La transparence est une première étape vers l’amour de soi. Un jour, je veux pouvoir me regarder dans un miroir et me dire : «  Je t’aime, Fahad Seriki. C’est toi le meilleur. » Et la réaction du public a été à la hauteur de mes espérances. Les gens ont eu un déclic et compris qu’il était normal de se mettre à nu. Pas besoin de jouer les machos 24 heures sur 24.

C’est cette façade qui différencie Fahad Seriki de Dvtch Norris ?

Absolument. Dvtch Norris est une sorte d’alter ego derrière lequel je peux me cacher. Les gens le voient comme la superstar potentielle, le gentil, le héros. Mais à un certain moment, j’ai ressenti le besoin de raconter toute l’histoire. Dvtch Norris possède aussi un côté plus sombre en la personne de Fahad Seriki. Quand je rentre chez moi, je laisse Dvtch Norris sur le pas de la porte pour redevenir Fahad Seriki. Cet homme avec tous ses défauts et ses vices, c’est moi. Et que cela plaise ou non, je vais montrer qui il est. Pour être heureux, j’ai besoin que mon public accepte cette facette que je porte en moi. Avec cet EP, ce moment se rapproche de plus en plus.

Dvtch Norris
Dvtch Norris - Photo de Justin Paquay

On n’attend pas vraiment d’un rappeur qu’il casse son image.

C’est vrai. Le hip-hop traite souvent de sujets comme le sexe, la drogue et l’argent. Le rappeur d’aujourd’hui a rendu tout ça un peu monotone. À une époque, le hip-hop incluait aussi un courant de gens dépressifs. D’un coup, tout le monde a commencé à se droguer. En même temps, ça restait très superficiel et on peut se demander dans quelle mesure ça correspondait à la réalité. Ça voulait dire quoi exactement être accro ? J’ai aussi abordé ces thèmes spécifiques dans mes anciens titres.

Les textes de ton dernier EP sont moins superficiels ?

C’est possible, oui. Il faut voir mon premier EP comme un premier pas vers la transparence. Je racontais que je venais d’une famille pauvre, que je n’avais pas terminé l’école. Des histoires que les gens ont l’habitude d’entendre. Mais aujourd’hui, je révèle ce qui m’est vraiment arrivé. Je fais plus dans le storytelling et il y a des dialogues dans les paroles. En raison de mon vécu, j’aborde les sujets classiques sous un autre angle. Quand je rapperai sur le sexe ou l’argent, ce sera à ma manière. On me dit parfois : « Allez mec, arrête de résister (il fait comme s’il dilapidait de l’argent, NDLR). » Mais ça ne me ressemble pas. Je ne veux pas vivre comme ça, ni travailler comme ça. Je ne veux rien faire dans la vie qui exige de moi que je joue un rôle.

Avec ton ouverture d’esprit, tu places la barre haut. Avec quelles histoires vas-tu encore nous surprendre à l’avenir ?

Yo, ma vie est un putain de film. Mais pas du genre film d’action cool. J’ai traversé beaucoup de choses. J’ai été impliqué dans une fusillade, un sujet sur lequel j’essaie d’écrire depuis six ans sans y arriver. J’ai vécu une tragédie familiale. Il y a aussi mon passé de Nigérian. Mon père qui est parti, pourquoi ? J’ai encore pas mal de trucs moches à raconter. Maintenant que je travaille sur mon album, je me dis : « Ne t’emballe pas. » Je dois doser pour que mes fans restent connectés à mon histoire. Pas évident de savoir si on en dit trop ou pas assez. J’essaie à tout prix de trouver cet équilibre.

Dvtch Norris
Dvtch Norris - Photo de Justin Paquay

Qu’est-ce qui se passe dans la tête d’un rappeur qui reçoit une demande d’interview d’un magazine de mode ?

Je me suis senti flatté ! Même si je n’oserais pas prétendre que je me préoccupe de la mode... Il y a deux ans, je m’habillais encore en style Thrasher avec des Vans bien abîmées aux pieds. Et ma façon d’assortir les vêtements ? Une cata ! Ça partait dans tous les sens. J’accorde quand même de l’importance à mes tenues de scène même si Kate (Housh, sa styliste, NDLR) a certainement un rôle à jouer. Elle ne décide pas des vêtements que je porte, mais me demande toujours quel style je souhaite et on échange des idées sur cette base. Tout comme dans ma musique, je veux aussi révéler ma personnalité à travers ma manière de m’habiller. Mes tenues racontent une histoire. Par exemple, j’aime porter des vêtements avec des taches car je me trouve imparfait. Chaque tache représente une erreur que j’ai faite. La veste Insecurity est donc à prendre au pied de la lettre.

Tu viens de t’installer à Bruxelles. Ça a un impact sur toi en tant qu’Anversois ?

Mon déménagement a tout libéré en moi. C’est dingue comme l’amour est une source d’inspiration. Ici, j’ai rencontré des gens qui s’occupent de leurs affaires et se fichent pas mal d’où je viens et de ce que j’ai sur le dos. Des gens qui me mettent à l’aise et m’encouragent à exprimer ma créativité. Ça me stimule. Je n’avais pas ça à Anvers. Je n’en avais pas marre de cette ville, mais quelque chose me dérangeait. Je n’ai jamais réussi à identifier ce qui n’allait pas, mais l’ambiance à Anvers était trop dure pour moi. Tu dois faire attention à ce que tu fais, tout le temps. J’avais l’impression de devoir me comporter d’une certaine manière pour être accepté. Rien à voir avec Bruxelles. Mais ne dis pas que je suis un Bruxellois. D’ici quelques années, je retournerai vivre à Ekeren. Je reste un Anversois.

Comment s’est passé l’été des festivals sans Coely ?

Elle me manque ! Même s’il était temps que je sorte ma propre musique. Après le single « Toothpick », nos agendas sont devenus difficiles à concilier. Ne plus jouer ensemble n’a pas été un choix conscient, mais une évolution naturelle. Cet été, j’ai réalisé tout ce que je lui devais. Grâce à Coely, j’ai été propulsé sur les grandes scènes dès mon premier été de festivals alors que généralement, on commence par les petites scènes et on évolue petit à petit. Sur le plan artistique, j’ai beaucoup appris de notre collaboration.

DVTCH NORRIS, c’est qui ?

  • Fahad Seriki naît en octobre 1993 à Anvers et grandit à Ekeren.
  • Il quitte l'école à l'âge de dix-huit ans pour faire de la musique et sera, durant des années, l'acolyte du phénomène hip-hop Coely.
  • En 2018, percée avec le tube "Toothpick" et premier EP.
  • Nommé dans la catégorie Best Belgian Act aux MTV EMA.
  • 2019, deuxième EP.
  • Travaille actuellement sur son album, "Countryboy".

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