Unique : visitez le Hameau de la Reine

Publié le 10 juillet 2018 par Elisabeth Clauss
Unique : visitez le Hameau de la Reine

La Reine Marie-Antoinette, évidemment. Le parc du Château de Versailles abrite le hameau édifié pour elle et ses enfants en 1783, rénové et ouvert au public grâce au mécénat de Dior depuis cet été.

 

 

La Maison de la Reine, son jardin, l'endroit qu'elle préférait au monde, la Tour de Malborough, sa grotte qui cachait un tunnel menant droit à Paris, tous ces trésors d'Histoire et de botanique, construits par Richard Mique pour Marie-Antoinette entre 1783 et 1787, ont été laissés à l'abandon pendant des décennies (après pillage et destruction au moment de la révolution française).

Marie-Antoinette, "l'Autrichienne" (c'était la façon dont on la surnommait hostilement, alors qu'elle avait à peine 14 ans), installée en France, rêvait d'un jardin à l'anglaise. Elle l'obtient, pour peu de temps cependant - on connaît la chute - au coeur du Trianon, domaine que Louis XVI lui avait offert parce que la grandiloquence et l'étiquette du Château de Versailles la faisaient fuir. Elle fut ainsi la première Reine de France à posséder un terrain, l'un des nombreux écarts modernes à la tradition qu'on ne lui pardonna pas. Les autres reines faisaient des enfants, on ne leur demandait rien d'autre, même les régentes se cachant derrière leur progéniture. Marie-Antoinette était particulièrement impliquée dans l'éducation de ses enfants, et destinait à ce hameau une valeur pédagogique : amenés à régner un jour, les héritiers du trônent devaient connaître le quotidien du peuple. Dans une certaine mesure on s'entend, mais l'intention était d'une modernité délirante.

 

 

La Tour de Malborough, une maisonnette de jardinier, et sa propre fermette, au confort plus élaboré à l'intérieur qu'à l'extérieur avec meubles précieux et rideaux de soie, mais sans commune mesure avec le palais, devinrent son territoire, où elle s'installa avec ses amis, un entourage qu'elle avait choisi, et qui ne lui était pas imposées. Un mode de vie un peu trop "viennois" au goût des Français, qui haïssaient les Habsbourg depuis des siècles. De l'ambiance détendue au Trianon et au hameau, on tira des ragots, on inventa des scandales.

 

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La famille ne put profiter du hameau que pendant six ans, la révolution se chargeant de remettre bon ordre dans cette relative tentative de liberté. A la fin de l'Ancien Régime, les meubles d'origine furent volés et vendus aux enchères. Pour rénover la maison à l'identique et la remeubler au plus proche de l'originale, sur base des inventaires de possessions de la Reine, les architectes ont cherché des pièces néo-classiques de la fin du XVIIIème siècle, notamment dans les archives de l'Impératrice Marie-Louise, seconde épouse de Napoléon. Il s'agit de mobilier des années 1810, mais c'est relativement proche, pense-t-on.

 

 

Pour la première fois depuis deux siècles, en réservant un créneau de visite sur le site du Château de Versailles, vous pourrez découvrir l’extrême raffinement du décor intérieur de la Maison, contrastant avec son apparence extérieure pittoresque et champêtre. Une restauration indispensable,
selon les dispositions d’origine. Le programme engagé depuis 2015 et financé par Dior a porté à la fois sur un assainissement des ouvrages et sur
une restauration complète des structures maçonnées, des charpentes et des couvertures. La consolidation structurelle autorise désormais les visites guidées. Les sols, menuiseries et peintures ont été repris selon leurs dispositions précisées par les mémoires de travaux du XVIIIe siècle, ou selon l’aménagement effectué au début du XIXe siècle pour l’impératrice Marie-Louise, petite nièce de Marie-Antoinette.

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La restauration du Réchauffoir - bâtiment annexe abritant cuisine et pièces de service (garde-manger, argenterie, dressoir, potager et four à pain) utilisé pour la préparation des repas servis dans la salle à manger de la Maison de la Reine voisine - permet d’évoquer le fonctionnement et la vie du Hameau sous l’Ancien Régime.

La recomposition des jardins et des abords de ces bâtiments parachève l’opération. Les dispositions paysagères du Hameau sont rétablies comme dans les années 1930 : elles conjuguent l’état refait pour Marie-Louise en 1810 et quelques souvenirs des dispositions conçues pour Marie-Antoinette (l’escalier hélicoïdal, les jardins potagers ...)

 

 

Maçons, menuisiers, charpentiers, chaumiers, électriciens, chauffagistes, peintres, jardiniers ... de nombreux corps de métiers ont contribué à cette
opération sous la conduite de Jacques Moulin, Architecte en chef des monuments historiques. Ébénistes, soyeux, passementiers, tapissiers, restaurateurs de textiles anciens, peaussiers, bronziers, sculpteurs sur bois, doreurs, autant d’artisans d’art ont concouru à cette réussite, sous la direction de Jérémie Benoît, conservateur général au château de Versailles, en charge des châteaux de Trianon.

Pour plonger plus loin encore dans l'intimité des armoires de la Reine, lisez "Dans la Garde Robe de Marie-Antoinette", de Mathieu da Vinha, historien, directeur scientifique du Centre de recherche du château de Versailles. Quelle était, en 1771, la garde-robe de la jeune dauphine Marie-Antoinette peu de temps après son arrivée à la Cour de France ? Les vêtements racontent avant tout une culture, ils sont les témoins d'une époque, et gardent dans leurs trames les émotions que les pages de livres ont souvent gommées. Vous qui avez du mal à trier vos placards et leurs histoires, plongez dans l'inventaire de plusieurs centaines de tenues aujourd’hui disparues, un témoignage d’une valeur inestimable pour l’histoire de la mode.

 

 

Photos : © Château de Versailles / Thomas Garnier