Une grossesse sur deux n’est pas désirée à travers le monde

Mis à jour le 13 avril 2022 par Camille Vernin
Une grossesse sur deux n’est pas désirée à travers le monde © Unsplash

Une grossesse sur deux n'est pas voulue, une réalité qualifiée de "vraie crise mondiale" par le Fond des Nations Unies pour la population (FNUAP).

C'est un constat alarmant que vient de publier il y a deux semaines à peine les Nations Unies et qui est pourtant passé dans une sorte d'ignorance générale malgré deux trois titres de presse. Publié le 30 mars, ce rapport témoigne du fait que, à travers le monde, près d'une femme sur deux tombe enceinte sans l'avoir voulu. Parmi ces grossesses involontaires, près de 60% donnent lieu à un avortement qui n'est médicalisé qu'une fois sur deux, mettant en danger la vie de dizaines de millions de femmes.

Au total, elles seraient 121 millions à être concernées. Notons que "les avortements non médicalisés conduisent à l’hospitalisation pour environ 7 millions de femmes par an dans le monde et sont à l’origine de 5 à 13% de tous les décès maternels, ce qui en fait l’une des principales causes de décès maternel", précise le FNUAP dans son rapport.

Pauvreté, violence et absence de moyens de contraception

Ces grossesses non-intentionnelles trouvent leurs causes dans différents facteurs :

  • le manque de soins de santé sexuelle et reproductive et d’informations
  • les moyens de contraception inadaptés au corps ou à la situation des femmes
  • la stigmatisation dont sont victimes les femmes qui contrôlent leur corps et leur fécondité
  • les violences sexuelles et la coercition reproductive
  • les attitudes moralisatrices ou humiliantes des prestataires de santé
  • la pauvreté et les retards de développement économique
  • les inégalités de genre.

Le rapport du FNUAP précise que le manque d'information n'est cependant plus la cause principale des grossesses non désirées. On estime plutôt qu'à travers le monde, 257 millions de femmes n'utilisent pas de méthodes de contraception modernes et sûres bien qu'elles désirent éviter une grossesse. Dans 47 pays, notamment en Afrique occidentale et centrale, près de 40% des femmes sexuellement actives n’utilisent d'ailleurs aucune méthode contraceptive pour empêcher une grossesse.

On apprend également que le recours à la contraception est inférieur de 53 % chez les femmes ayant subi des violences au sein du couple. Des études montrent que les grossesses issues d’un viol pourraient être aussi fréquentes, voire plus fréquentes que celles issues d’un rapport sexuel consenti énonce également le FNUAP.

grossesse indésirable
©Unsplash

Un phénomène qui éclate pendant les situations de crise

Cet état de fait augmente particulièrement durant les situations d'urgence sanitaire. C'est ce qui est en train de se produire actuellement en Ukraine où de nombreuses femmes n'ont plus accès à des moyens contraceptifs en raison de la guerre. Aussi, selon certaines études, plus de 20 % des femmes et filles réfugiées seront un jour confrontées à des violences sexuelles.

Pour citer un autre exemple récent, la pandémie de Covid-19 a accentué le problème d'approvisionnement en contraceptifs dans plusieurs pays comme le Rwanda ou la Guinée-Bissau. Un phénomène qui aurait conduit à plus d'1,4 million de grossesses involontaires supplémentaires, selon le premier rapport de la Commission sur le sommet de Nairobi paru en 2021 et partagé par Le Monde.

Garantir le respect des droits fondamentaux des femmes

« Ce rapport tire la sonnette d’alarme. Le nombre effarant de grossesses non-intentionnelles prouve l’incapacité de la communauté internationale à garantir le respect des droits fondamentaux des femmes et des filles », explique le Dr Natalia Kanem, Directrice exécutive du FNUAP. « Pour les femmes concernées, le choix de porter la vie, susceptible de bouleverser durablement leur existence, n’en est pas véritablement un. En confiant directement aux femmes et aux filles le pouvoir de prendre cette décision absolument primordiale, la société peut faire de la maternité une aspiration et non une fatalité. »

Car les conséquences des grossesses involontaires sont nombreuses : des millions de dollars de soins de santé, de plus faibles niveaux de progrès social, des taux très élevés d’avortements non médicalisés qui provoquent une mortalité maternelle forte, ainsi que l’accroissement de la pauvreté et de la famine. Mais surtout, cette crise gâche le potentiel des femmes et des filles, qui rejaillit parfois sur plusieurs générations, les encerclant des un "cercle vicieux de misère et d'opportunités manquées" cite un autre rapport revenant sur les mythes infondés autour de la grossesse non intentionnelle. Il devient donc grand temps d'agir pour que des progrès s'effectuent en matière d’éducation, de santé et d’égalité des genres.

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