Dua Lipa se confie sur son nouvel album, la pandémie et sa love story

Mis à jour le 27 juillet 2020 par Lizzie Widdicombe et Marie-Noëlle Vekemans
Dua Lipa se confie sur son nouvel album, la pandémie et sa love story @crédit photo : Zoey Grossman

Dua Lipa étincelle et foudroie. Sur sa pochette d'album « Future Nostalgia » qu'elle a présenté en pleine pandémie corona… Sur les photos du shooting exclusif pour ELLE… Même à travers un écran lors de notre chat vidéo. Cette fille est en feu et rien ne peut l'arrêter !

Dua Lipa tient à me montrer ses fenêtres. Ce ne sont pas exactement les siennes, puisqu’elles appartiennent aux propriétaires du Airbnb londonien dans lequel elle est actuellement en quarantaine avec son petit ami, le mannequin Anwar Hadid. C’est en fait le deuxième logement que la chanteuse de 24 ans loue depuis qu’elle a retrouvé son appartement inondé au retour d’un voyage en Australie. J’entends le rire discret d’Anwar tandis que Dua oriente l’écran de son ordinateur portable vers le plafond. Cela fait quatre mois que la pandémie du Covid-19 a éclaté, trois semaines que le Royaume-Uni et les États-Unis ont imposé aux travailleurs de secteurs considérés comme « non essentiels » de rester chez eux, et 14 jours que Dua a sorti son deuxième album, « Future Nostalgia ». C’est donc tout naturellement que cette interview se déroule via Zoom. 

« À Londres, il fait sombre et pluvieux la plupart du temps, mais aujourd’hui, les arbres sont en fleurs et le ciel est bleu, ce qui ne veut pas dire que la météo ne changera pas dans quelques jours. Difficile de rester positive quand il y a tant de souffrance dans le monde. Mais la lumière du soleil pénétrant par les vitres fait du bien. La super lune rose a aussi aidé. C’est agréable de voir la Terre respirer. D’une certaine façon, tout est en pause. » Les choses ne devaient bien entendu pas se passer comme ça. Aujourd’hui, l’écrasante majorité des amateurs de culture pop connaissent la carrière de Dua Lipa. Depuis ses débuts, quand elle postait des reprises sur YouTube et SoundCloud, jusqu’à sa rencontre avec le manager de Lana Del Rey, Ben Mawson, en passant par un premier album éponyme en 2017, sur lequel figure l’accrocheur « New Rules ». Ensuite, surnommée « Dula Peep » sur internet par Wendy Williams, elle a décroché deux Grammy Awards en 2019 (meilleur nouvel artiste et meilleur enregistrement dance). 

Promouvoir un album pop isolée et à distance – pour ne pas dire un deuxième album très attendu et soumis à une certaine pression – est un territoire inexploré pour tout artiste, et une voie que peu choisiraient (la crise sanitaire a poussé Lady Gaga, Haim, Alicia Keys et bien d’autres à reporter la sortie de leur disque initialement prévue au printemps), mais en fin de compte, ce n’était pas sa décision. La préparation de la sortie prévue le 3 avril a en réalité commencé l’automne dernier avec le premier single de l’album, « Don’t Start Now », essentiellement une suite de « New Rules », qui parle de passer à autre chose et d’aller danser en club. Tout devait se terminer par un blitz médiatique au moment opportun, avec notamment un « Saturday Night Live » le 28 mars. 

Des larmes sur Instagram

Et puis Warner Records a été prévenu que l’album avait fuité une semaine plus tôt. Avant ça, elle avait elle aussi envisagé un report. « Mais je pense que la fuite a en quelque sorte conforté mon choix de le sortir le 3 avril de toute façon », explique Dua. « Je me suis dit que c’était un signe, que les choses devaient se passer comme ça. Aujourd’hui, je suis reconnaissante de cette sortie. » Dua a fondu en larmes en partageant la nouvelle avec ses fans via Instagram Live, en partie à cause du climat global d’incertitude et d’anxiété, mais aussi parce qu’elle n’était toujours pas sûre que la décision de sortir son album le vendredi 27 mars au lieu du 3 avril au plus tôt était la bonne. Mais elle a exprimé l’espoir que la musique puisse apporter un peu de joie, surtout dans une période comme celle-ci. Dans le profond soupir qui a suivi, Dua semblait avoir relâché la pression des deux dernières années. Toute l’appréhension accumulée, liée autant à un effondrement redouté de tout le secteur musical qu’à la tentative de se connecter à travers son art avec les fans, dont beaucoup luttent de multiples façons.  

« Dans ma manière d’écrire ma musique, je suis toujours très ouverte, et je laisse libre cours à ma vulnérabilité », confie Dua au cours de notre conversation sur Zoom deux semaines plus tard. « Et j’ai le sentiment aujourd’hui que cela m’a rapprochée de mes auditeurs. Je pense qu’il est important de parler de ses émotions et de montrer qu’on est humain. »

Dua Lipa en cuirasse Tom Ford et prise en photo par Zoey Grossman.
Cuirasse Tom Ford - crédit photo @Zoey Grossman

Heureusement pour Dua (et ses fans), « Future Nostalgia » s’est avéré être exactement ce dont le monde avait besoin au moment précis où l’album est sorti : disco chatoyante, hip-hop old school, échos de grands noms de la pop de Madonna à Prince, en passant par Britney et Blondie (le morceau-titre et « Levitating » ont tous deux l’énergie incroyable de « Rapture » de Debbie Harry). C’est un patchwork d’influences, allant de la musique que ses parents – des Albanais ayant fui le Kosovo au début des années 90 – écoutaient chez eux à Londres, la ville d’adoption de la famille, aux premiers concerts auxquels Dua a assisté adolescente (Method Man, Redman, Snoop Dogg).  

Insouciance perdue

L’album a également suscité des éclats de rire salutaires (beaucoup de mèmes !), mais aussi beaucoup de plaisir à travers des chansons comme « Good in Bed », qui ressemble à un mix moderne et spirituel de « Smile » de Lily Allen et de « Doo Wop (That Thing) » de Lauryn Hill. Mais sur des titres comme « Boys Will Be Boys », Dua nous sert aussi une copieuse ratatouille d’exaspération, de féminisme déchirant et de peur existentielle sur fond de politique.  Sarah Hudson, une compositrice de Los Angeles qui a travaillé avec Dua sur « Levitating » et le deuxième single de l’album, « Physical », dit que ce qu’elle préfère chez l’artiste, c’est sa capacité à trouver un équilibre entre s’amuser en studio et tout donner pour son art. « C’est tout simplement un être humain adorable, authentique, intelligent et étonnant. Je pourrais sérieusement continuer à lui dire combien je l’aime toute ma vie ! »

Pour « Future Nostalgia », Dua a voulu créer un son qui semble à la fois familier et neuf, mais pour certains, le titre renvoie aussi à la nostalgie d’un sentiment d’optimisme face à l’avenir, maintenant que la société se dirige clairement vers une situation bien plus désastreuse que les robots domestiques et les réacteurs dorsaux. On pourrait également établir des liens avec l’ambiguïté de notre crise actuelle : bien qu’elle semble sans précédent – un effet secondaire de la mondialisation et du changement climatique, exacerbé par l’inégalité des revenus, un système de santé défaillant et les faux pas des dirigeants nationalistes –, l’imaginaire lié à la pandémie remonte loin dans le temps, et à des termes comme « peste » et « Grande Dépression ».

Promo virtuelle

La majorité de la musique de Dua suscite une certaine mélancolie, mais les rythmes sont quant à eux faits sur mesure pour TikTok. Et rien n’est plus proche de notre état collectif de dissonance cognitive que cette combinaison particulière. C’est la signature de Dua, ce qu’elle appelle la « musique dance-crying ». Et sa sortie authentique et improvisée a suscité un grand engouement. Le jour de l’interview, son album s’est hissé à la première place au Royaume-Uni. « Don’t Start Now » avait déjà atteint la deuxième place du Billboard Hot 100, et les singles « Physical » et « Break My Heart » avaient également fait leur apparition dans le hit-parade. 

Le succès de l’album n’a pas surpris le manager de Dua, Ben Mawson, qui est convaincu qu’il continuera à bien se vendre dans les années à venir. « La pandémie mondiale a certainement changé la donne, et nous avons été limités en matière de promotion pour cet album », explique-t-il. « Mais je suis très fier de la manière dont l’équipe s’est adaptée pour mettre en place le meilleur plan de sortie possible. » Pendant toute sa tournée de promotion virtuelle, Dua s’est maquillée et coiffée elle-même, considérant que c’est un moindre mal. En promenant sa main sur sa tenue du jour, qui comprend une adorable chemise Ashley Williams avec des illustrations de chiens attachée à la taille, Dua admet que c’est probablement la plus habillée qu’elle ait portée récemment, car au quotidien elle enfile plutôt un pantalon de jogging et un hoodie – « Ce que je ne manquerai pas de faire après cette interview », s’amuse-t-elle. 

Poulpe pour deux

Une pandémie n’a absolument rien de romantique, mais il est facile de nos jours d’imaginer les soirées jeux d’un couple de célébrités ou de suivre leurs promenades quotidiennes en quarantaine. C’est devenu une bouée de sauvetage à laquelle s’accrocher au milieu d’un tourbillon anxiogène. Quant à Dua et Anwar, ils ont fait essentiellement la même chose que nous tous : « On a regardé énormément de séries : “Ozark”, “Tiger King”, “The Night Of”, “The Outsider”, “Servant”. Et beaucoup de films aussi », poursuit Dua. « J’aime dresser des listes. En temps normal, ce sont des listes de restaurants et d’endroits où aller, ou bien de trucs à faire avec des amis, alors que maintenant ce sont des listes de films et de séries. » Dua et Anwar ont aussi récemment cuisiné du poulpe, un achat compulsif sur une application de la ferme à la table. « On était en train d’acheter notre poisson habituel et le poulpe est apparu sur l’écran », raconte-t-elle. Alors on s’est dit : « OK, essayons quelque chose de différent. Il s’agit de trouver des recettes différentes, d’essayer des trucs que nous n’avons jamais faits auparavant. » 

« Cela ne signifie pas que les dernières semaines n’ont pas été difficiles. Bien sûr, la famille d’Anwar lui manque, et nous espérons pouvoir bientôt retourner la voir », poursuit-elle. Jusqu’il y a peu, les conversations du couple tournaient autour du moment où ils pourraient se croiser entre deux dates de concert de Dua, « mais maintenant que nous disposons de tout ce temps supplémentaire, nous en profitons au maximum », dit-elle. « Et c’est vraiment bien. Nous essayons de voir le bon côté des choses. »

Une partie de cet optimisme consiste à garder espoir quant aux nouvelles perspectives qui pourraient découler de cette période de réflexion globale. « Je crois que les choses vont définitivement changer », prédit-elle à propos de l’après-pandémie.

« Je pense que nous nous comporterons différemment avec Dame Nature – nous ne serons plus aussi négligents. Nous ferons sans doute preuve de davantage d’empathie et profiterons plus de chaque moment. Nous ne prendrons pas les choses pour acquises. Notre monde va probablement changer à jamais. »

Portrait de Dua Lipa en robe colorée Marc Jacobs photographiée par Zoey Grossman.
Robe Marc Jacobs, bracelet De Beers - crédit photo @Zoey Grossman

Si le coronavirus a bouleversé le destin de « Future Nostalgia », Dua ne souhaite pas en conserver la trace sur son prochain album. « Je n’ai pas l’impression qu’on aura envie de se souvenir de cette période », dit-elle. « Bien sûr, elle représente un moment important de l’histoire, que nous n’oublierons pas. Mais je ne sais pas si cela va influencer l’avenir de ma musique. »

Comme tous les appels vidéo passés sur Zoom, la fin de celui-ci me laisse quelque peu électrisée, épuisée, et j’ai hâte de revenir à une interaction humaine normale. Qui sait quand ce sera le cas, mais en attendant, chez les fans de Dua, des dancefloors domestiques continueront à voir le jour sur sa musique. Et dans un avenir proche ou lointain, une grande fête sera organisée, avec beaucoup de monde, des lumières scintillantes et une piste de danse pleine de sueur et de boissons renversées. D’ici là, les albums de Lady Gaga, Rihanna et Haim seront probablement sortis. Mais lorsque nous fêterons tout ça, il y aura un moment où le DJ laissera tomber l’aiguille sur le groove chargé en basses de « Don’t Start Now ». La voix cristalline de Dua jaillira des baffles, des confettis flotteront dans l’air et la foule sera en délire.   

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