Avec le coronavirus, le défilé devient virtuel

Mis à jour le 5 mai 2020 par Elisabeth Debourse
Avec le coronavirus, le défilé devient virtuel © Unsplash

Le premier défilé intégralement virtuel vient d’avoir lieu et donne un aperçu de ce à quoi pourrait bien ressembler le futur de la mode — ou pas.

Une chose est certaine au milieu du flou dans lequel baigne le déconfinement : s’asseoir côte à côte pour admirer les défilés de nouvelles collections n’est pas prêt de se reproduire de si tôt. Dans les agendas des inconditionnels de la mode, la Fashion Week Homme de New York, ainsi que celles de Paris et de Milan qui devaient se tenir en juin, sont raturées, postposées à une date ultérieure — et incertaine. Seule subsiste la semaine de la mode de Londres, qui s’offrira pour la toute première fois un podium en ligne, annonçait fin avril le British Fashion Council. Les défilés seront hébergés sur une plateforme numérique spécialement créée pour l’occasion. Avant Londres, Shanghai et Moscou s’étaient déjà pliées à l’exercice digital.

Mais le premier véritable catwalk virtuel s’est tenu le week-end dernier. Le concept « Fashion Unites » de CR Runway a été streamé le 1er mai, avec la participation de tops tels que Winnie Harlow, Karlie Kloss, Ashley Graham ou encore Natasha Poly. Derrière leur écran pour soutenir l’évènement de leurs créations, rien de moins que les maisons Balmain, Valentino ou Louis Vuitton. C’est que le défilé était en réalité une œuvre caritative initiée par la journaliste, styliste et ancienne mannequin Carine Roitfeld pour financer la recherche contre le covid-19 à coups de dons modeux.

Labellisé « premier du genre » par le responsable « Fashion and Beauty » de YouTube Derek Blasberg, partenaire de l’initiative, « Fashion Unites » diffère des autres présentations de collections en ligne en s'affichant comme un défilé traditionnel, mais filmé de chez les stars, plutôt qu’une vidéo de campagne léchée ou une retransmission d’un évènement réel — pensez à la série de concerts « Global Citizen » de Lady Gaga, plutôt qu’un replay d’Ariana Grande dans une salle vide.

Le vêtement au second plan

Dans ce format, les distanciations sociales sont respectées, en même temps que les spectateurs ont l’opportunité de pénétrer dans l’intimité de Stella Maxwell ou Joan Smalls, qui parcourent le couloir de leur appartement ou leur living-room de long en large. Résultat, souligne le New York Times : on est davantage intéressé par la cuisine chic d’Halima Aden ou le jardin de Kim Kardashian que par les pièces de Silvia Fendi ou Alexander Wang. Avec son petit côté « voyeur », l’évènement a certainement atteint son objectif de visibilité de la cause qu’il soutient, mais est-il précurseur d’une véritable nouvelle tendance ?

Avec un cadrage parfois approximatif et une qualité de vidéo dépendant de l’installation de chaque participant, il était parfois difficile de juger la fluidité de telle matière, le style exact de telle coupe, voire même d’identifier quelle pièce exactement était présentée — s’agissait-il d’une combinaison noire sur le dos de Karen Elson, ou d'un ensemble blouse et pantalon monochrome ? Dans la version actuelle du défilé virtuel, force est de constater que le vêtement passe au second plan, au profit d’une mise en scène de l’intime. La tentative explique probablement la longévité du catwalk physique, même avec l’arrivée d’Internet il y a désormais plus de vingt ans. Le monde de la mode est pourtant désormais forcé de se réinventer — reste encore à voir comment, exactement.

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