Comment survivre à la Saint-Valentin ?

Mis à jour le 12 février 2018 par Elisabeth Clauss
Comment survivre à la Saint-Valentin ?

[caption id="attachment_24579" align="alignnone" width="600"]1 Illu Valentine De Cort[/caption]

 

La fête de l’amour rime parfois avec « du lourd ». Quand le jour de la passion devient celui de la pression, on ruse. Parce que dans notre cœur de midinette, on caresse l’idée que, cette fois, ça va bien se passer.

  • Scénario 1 : c’est un premier rencard

Ça fait des mois qu’on fantasme de toutes nos endorphines sur le brocanteur d’en face. Sur lui et sur deux ou trois autres, parce qu’on est une femme moderne et qu’on ne met pas tous nos œufs dans la même main au panier. Amoureuse transie, oui, mais pas de froid, on a trouvé le moyen de se réchauffer dans d’autres bras. Mais voici que le voisin sort du bois et nous invite en balbutiant à dîner. Le 14 février, dit-il en compulsant son agenda d’un air dégagé, comme s’il ne le faisait pas exprès. La vague d’angoisse qui nous chavire alors efface bien vite l’exaltation de la perspective d’emballer enfin l’animal. Car soit il est romantique, ce qu’on peut encore lui pardonner, soit il est kitsch. Et au premier degré, c’est rude.

Comment optimiser la soirée ?

En commençant par mettre nos défenses en vacances. De nos jours, quand un mâle célibataire avec un casier vierge trouve le courage d’inviter une amazone moderne à sortir, on ne mégote pas sur la date, on va chez le coiffeur. On le laisse choisir le lieu pour le conforter dans son rôle de chasseur de mammouth, et surtout, on mange. Il n’y a rien de plus sexy qu’une femme qui mange, paraît-il. On s’en donne à cœur joie (c’est lui qui paie), et on ne commande pas une salade avec la sauce à part. Que des trucs qui se gobent, avec une goutte qui coule sur le menton. Oui, c’est affreux. Mais nécessaire.

1/

2

  • Scénario 2: on a l’estomac sensible

Même si on convole depuis trente ans avec le même Valentin, c’est aussi la fête à la boustifaille compliquée. C’est une femme qui a un jour concocté un menu entièrement rose qui témoigne – même le riz, fuchsia, avait cuit en compagnie d’une betterave. Pour une raison obscure, la Saint-V est en général un soir à fruits de mer (ne me faites pas dire ce que n’ose pas écrire). Dans une salle surchauffée parce qu’on est en bustier, on mange des crevettes avec de la mayo, des huîtres avec les doigts, du dos de saumon mi-cuit avec appétit. Puis la soupe de fraises surgelées mixées avec du Baileys. Pas étonnant qu’on se sente bizarre après ça.

Comment optimiser la soirée ?

On barre mentalement du menu tout ce qui donne une haleine approximative, tout ce qui est trop épicé (ça fait apparaître des petites gouttes sur la lèvre supérieure et sur les ailes du nez), tout ce qu’on n’a jamais goûté avant – un diadème, oui, un œdème, non – et tout ce qui va nécessiter de passer trois heures sur le flanc à digérer, au lieu de danser dans les bras de son vieux compagnon, seuls, dans le salon éteint, sans musique et à la lueur d’une bougie. L’éternité, elle est là, dans ce rien qui fait tout.

2/
1

  • Scénario 3 : il nous demande en mariage

On pense juste aller manger un bout avec notre sex friend... et il sort un solitaire. C’est le coup où on a envoyé un sms kinky à quatre de nos amants occasionnels-mais-sûrs, pour savoir lequel nous tiendrait chaud cette nuit. Message croquignolet – « Tu veux voir mon sein, Valentin ? » – auquel au moins l’un d’eux a répondu « Je peux pas, j’ai ma femme » et un autre « J’ai un date, mais je passe après. Tu m’attends jusqu’à 2 h ? » Le troisième n’a pas réagi, et finalement, on se fait inviter pour la soirée par ce pote avec qui on couche parfois, parfois pas, qui ne nous chavire pas physiquement, et qu’on appelle « Nours » dans l’intimité. Nos copines ne pigent pas du tout ce qu’on lui trouve. Là, entre la poire (nous) et le fromage (la tête qu’on va bientôt faire), il dégaine un écrin avec une bague dedans.

Comment optimiser la soirée ?

Deux options : soit on n’envisage pas une seconde de vieillir prématurément en compagnie du garçon, et on le lui explique, en prenant des gants Mapa, soit on pèse le pour et le contre à la vitesse de la lumière (comme une fille normale dans n’importe quelle situation). On réalise qu’il est gentil, dispo, qu’il connaît nos petits défauts qui n’ont pas l’air de le gêner, qu’il nous a déjà vue sans maquillage, et même en pyjama, vomir un litre de vodka orange entre deux voitures ou produire des bruits ridicules en caressant un chaton, et qu’il est toujours là. Ce n’est pas la passion dévorante ? Après quelques mois ou quelques années, on ne fait de toute façon plus la différence. Accepter un solitaire, c’est parfois un joli moyen de ne plus l’être…

3/
2

  • Scénario 4 : on porte une tenue inadaptée

On se prend pour Cendrillon, et on a poussé le sens du détail jusqu’à mettre des souliers qui ne tiendront jamais à nos pieds après minuit. Pareil pour la robe, avec laquelle on ne peut pas s’asseoir, et dont les coutures supplient la tirette de céder la première. C’est bien normal, un soir d’amour tendance bombance, de vouloir être glamour option bombasse. On vous dira « porte plutôt des vêtements dans lesquels tu te sens à l’aise, le confort, c’est primordial ». Propagande du lobby du jogging, n’en faites surtout rien.

Comment optimiser la soirée ?

En s’entraînant à manger en apnée, les arpions ramenés sous la chaise pour soulager la pression sur les talons. On serre un peu les dents, ça donne l’air hiératique, on s’avachira plus tard. On pense aux photos. Tant qu’à ne pas pouvoir bouger de peur de laisser échapper un petit bourrelet entre deux boutons de la veste, on se tient bien droite. Ensuite, on rentre avec notre cavalier, nous effeuiller dans un soupir qui semble lascif, mais qui n’est qu’un râle de soulagement. Ce n’est pas notre tenue qui était inadaptée, c’était le lieu où l’enlever.

4/

1

 

  • Scénario 5 : on n’a pas envie de fêter la Saint-Valentin

C’est le jour où, le moral miné par six mois d’hiver, on se sent lasse de tout, même de l’homme qui a gentiment réservé une table au resto. Celui qui est rentré avec un bouquet de fleurs un peu défraîchies, parce qu’il les a achetées à l’heure de table et qu’elles n’ont pas apprécié le retour en tram. On n’a pas envie de célébrer l’amour parce qu’au fond, on n’est pas certaine de le ressentir encore.

Comment optimiser la soirée ?

En se posant les bonnes questions. De qui est-on fatiguée, en ce beau 14 février, début d’après-midi, à quelques heures de devoir « se déguiser pour faire semblant » ? De ce garçon imparfait  qui semble tant acquis qu’on ne le voudrait plus à nous ? Ou de cette fille qui s’ennuie dans notre miroir ? Faire un effort, ce serait bien triste, on ne doit pas se motiver pour sortir dîner le soir de la Saint-Valentin. En revanche, on peut se pousser aux fesses de temps à autre pour organiser un vrai moment à deux, et s’offrir des rencontres toute simples, sans fioritures, sans quotidien. Sans télé, sans marmaille accaparante, et sans reproches. S’aimer tous les jours, ceux où c’est programmé dans le calendrier et aussi les autres, c’est une mission. On se réconcilie avec soi-même, et demain le soleil se lèvera deux minutes plus tôt, sur nos deux
silhouettes apaisées.

5/

2

 

  • Scénario 6 : on est célibataire

On fait la cynique. On trouve toute cette débauche de cupidons lénifiante, et le jour J, on répète à tous les ravis qui nous entreprennent sur le sujet « Ah, on est déjà le 14 ? Je dois faire mes virements bancaires, moi ! » On n’avoue pas que voir des armées de garçons trimballer des roses rouges sous un bras et leur attaché-case au bout de l’autre, ça nous émeut. On se ferait transpercer par toutes les flèches de tous les angelots de tous les fleuristes du monde plutôt que d’admettre qu’être seule aujourd’hui, c’est juste un rappel qu’on est seule aussi les autres jours. Mais on s’en fiche, on est une femme libre et indépendante. C’est ce qu’on a mis dans notre profil sur Adopte-n’importe-quel-mec-du-moment-qu’il-veut-bien.com.

Comment optimiser la soirée ?

En refusant l’invitation de notre mère à souper. En déclinant la proposition de notre ex à dîner (on se remémore pourquoi c’est un ex). En niant l’appel du couple canapé-télé qui nous fait miroiter un ménage à trois avec Prozac comme témoin. En convoquant nos amis chez nous pour une soirée pleine de chaleur et, oui, d’amour. En couchant éventuellement, raide de champagne, avec l’un (ou l’une) d’entre eux, resté(e) pour remplir le lave-vaisselle. Pour rentrer, dans un an, dans le rang serré des casés du 14 février.