MAXIM MAGNUS : « Etre transgenre n’est pas une tendance »

Mis à jour le 15 février 2018 par Marie-Noëlle Vekemans
MAXIM MAGNUS : « Etre transgenre n’est pas une tendance »

Maxim Magnus. On dirait le nom d’un alter ego mégalomane, mais c’est celui qu’elle a reçu à la naissance. Maxim est une new face dans le monde de la mode belge et du transgendérisme, mais elle refuse que cela détermine son avenir.

Photos: Zeb Daemen - Texte et Stylisme: Carolien Swinnen -  Coiffure & Make-Up: Eva De Keersmaecker - Traduction: Virginie Dupont.  

Fière du chemin parcouru, cette militante en faveur de la cause LGBTQ ne veut pas être rangée dans la case « trans ».

J'ai rendez-vous avec Maxim (19 ans) chez Domestic, la boulangerie la plus mignonne d’Anvers. C’est dans la petite cour intérieure de l’établissement que nous buvons un grand cappuccino. Maxim commande aussi un toast, couvert d’une montagne d’avocat. Alors que je l’observe manger, je découvre une jolie jeune femme, sûre d’elle et très mûre pour son âge.

À 19 ans, je débattais longuement des avantages et des inconvénients du yaourt glacé, et ma principale préoccupation était de savoir si mes profs allaient remarquer mon absence aux cours le lendemain. La semaine dernière, Maxim faisait partie d’un panel à un symposium sur l’émancipation des femmes et elle rencontrait un ministre pour discuter des droits des personnes transgenres en Belgique.

Rien ne laisse transparaître qu’elle était encore officiellement un garçon l’année dernière. Ni ses traits délicats, ni sa longue chevelure brune ni ses lèvres pulpeuses, sans parler de sa silhouette féminine. Pas étonnant qu’elle ait signé il y a trois semaines chez Linden Staub, une agence de mannequins basée à Londres. Et son premier job a de quoi impressionner les initiés : elle a ouvert le défilé de Paula Knorr, show inaugural de la Fashion Week londonienne. Sa deuxième mission ? Un shooting photo (une première !) pour ELLE Belgique.

La chose la plus normale du monde

Quand je lui demande si elle veut devenir la prochaine Andreja Pejic (un top androgyne qui s’est fait opérer en 2016), elle fait vigoureusement « non » de la tête. « Je ne révèle jamais mon identité transgenre aux directeurs de casting avant de les rencontrer. Je ne veux pas qu’ils m’engagent uniquement pour cette raison. C’est une véritable tendance aujourd’hui, je m’en suis rendu compte récemment quand Andreja a expliqué sur Instagram qu’elle ne voulait plus trop faire de défilés. Elle en a assez des marques qui font appel à elle pour se démarquer, pour faire « autrement ». Je ressens la même chose. Ce serait choisir la facilité. J’aurais beaucoup de travail rapidement, mais ma carrière serait de courte durée », confie-t-elle. Je ne peux alors pas m’empêcher de lui demander pourquoi le mot TRANSGENRE apparaît en lettres capitales sur sa page Instagram. « C’est pour une raison différente. Je veux éduquer les gens », dit-elle.

Maxim habite depuis un petit bout de temps à Londres, elle suit des cours en communication de mode au Condé Nast College. De temps en temps, elle laisse d’ailleurs s’échapper un mot en anglais. « Je veux montrer que je suis quelqu’un de normal. Être transgenre ne devrait pas choquer. Je veux utiliser les réseaux sociaux pour faire passer ce message et être un exemple. Pendant ma période de transition, il n’y avait personne en Belgique à qui je pouvais demander de l’aide. Les gens peuvent me contacter et je ferai toujours de mon mieux pour les soutenir. »

Il y a quelque temps, une enseignante a pris contact avec elle et lui a demandé d’écrire un petit mot à un élève qui luttait contre sa transidentité. Maxim n’a pas hésité. « J’ai ressenti une grande responsabilité. Le coming out à ses parents, c’est une étape importante et je ne voulais pas attirer de problèmes à cet enfant. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir une famille comme la mienne. » Ce sont les parents de Maxim qui ont fait le premier pas. « Je ne comprenais pas très bien ce qui m’arrivait. Très jeune déjà, je leur ai dit que je pensais être homo. Six mois plus tard, ils ont pris rendez-vous pour moi chez un psy parce qu’ils sentaient qu’il y avait plus que ça. »

Star par nature

Maxim a débuté sa transformation dès l’âge de 13 ans (aux entretiens avec le psychologue ont succédé une thérapie hormonale et une révélation au monde extérieur), mais elle ne se sent vraiment bien dans sa peau que depuis six mois. Son opération de changement de sexe a eu lieu l’année dernière. Il lui a fallu six mois pour éliminer complètement les narcotiques de son organisme et s’habituer à son nouveau corps, le simple fait de s’accoutumer à une dose d’hormones plus élevée est difficile.

Aujourd’hui, elle se sent enfin elle-même à part entière. Elle a pourtant été surprise quand un des étudiants de sa classe lui a demandé de poser en bikini. « Nos professeurs ont étudié le projet et ils ont vu du potentiel en moi. L’un d’eux a même pris rendez-vous pour moi avec une agence. Sympa, non ? Cela faisait déjà quelque temps que j’y pensais. Je ne voulais pas absolument devenir mannequin, mais j’ai toujours rêvé d’une carrière sous les projecteurs. C’est dans mon ADN. Si je ne m’étais pas lancée dans le mannequinat, j’aurais été actrice ou chanteuse dans des comédies musicales. »

Oui, mais non

Depuis combien de temps pense-t-elle à la mode ? La réponse ne se fait pas attendre. « Je ne parle que de ça depuis mes premiers mots. Sans doute un héritage de ma grand-mère, qui était modiste. Et de ma mère, qui m’emmenait toujours faire du shopping. Mais ma passion s’est vraiment révélée quand j’ai réalisé que je ne me sentais pas bien dans mon corps. J’ai utilisé la mode pour montrer aux autres que j’étais une fille. Ensuite, j’ai commencé à l’étudier. »

Quant à savoir si sa carrière dans le mannequinat est son plan A pour l’avenir, c’est trop tôt pour le dire. Mais elle est bien décidée à travailler dans l’univers de la mode. Si ce n’est pas comme top, ce sera comme styliste ou consultante en relations publiques. « Je croise beaucoup de mannequins qui font ce travail uniquement pour gagner de l’argent, elles étudient en parallèle les maths ou la biochimie. Elles ne sont pas aussi passionnées que moi. La mode, c’est ma vie. »

« Je mentirais si je disais que ce que les gens pensent de moi m’indiffère, parce que c’est humain d’y être sensible. J’accorde de l’importance aux commentaires sur les réseaux sociaux parce que je veux donner une belle image au monde extérieur. Quand je participe à un shooting ou à un défilé, l’avis des autres est très important pour moi. Je veux bien faire les choses. C’est essentiel sur le plan professionnel, mais pas du tout sur le plan personnel. Les propos haineux de personnes que je ne connais pas ne m’atteignent absolument pas. Je ne m’excuserai jamais pour la personne que je suis. Si je vous énerve ou vous déplais, c’est bien dommage mais je ne suis pas désolée », avoue-t-elle en riant. J’oublie que j’ai une ado à côté de moi. « Avant, je n’étais pas du tout sûre de moi, mais aujourd’hui je me sens tellement bien dans mon corps que je m’en fiche complètement ! » 

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CARTE D’IDENTITé

Maxim, 19 ans, est née à Anvers.

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Elle étudie la communication de mode à Londres, où ses professeurs la persuadent de devenir mannequin.

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Professionnellement, elle rêve de faire la couverture de « Love », de poser devant l’objectif de Mario Testino ou de Steven Meisel et de défiler pour Alexander Wang
ou Marc Jacobs.

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Elle est fière de faire son premier shooting photo pour ELLE.

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En raison de sa taille relativement petite (1 m 77) et de sa poitrine généreuse, elle n’incarne pas le mannequin typique des catwalks.

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Elle est amie avec Adwoah Aboah, top et fondatrice de Gurls Talk, un forum sur lequel les jeunes femmes peuvent parler de leurs problèmes.

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Elle a trois frères plus âgés.

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Elle se maquille avant tout parce qu’elle aime ça, et pas pour avoir l’air plus jolie.