Ces guerrières kurdes qui terrorisent Daech

Mis à jour le 12 février 2018 par Laurence Donis
Ces guerrières kurdes qui terrorisent DaechPascale Bourgaux

Elle s’appelle Viyan. Comme de nombreuses autres, cette jeune femme se bat contre l’Etat islamique en Syrie.

« Mon arme ne me quitte plus, même quand je vais aux toilettes. C’est en quelque sorte devenu mon “sac à main”.» Avant de dormir avec sa « complice », sa Kalachnikov, Viyan était une paysanne kurde analphabète. À 18 ans, elle décide de s’enfuir de son village avec sa cousine pour défendre sa terre, le Kurdistan syrien, connu aussi sous le nom de Rojava. Elle rejoint la guérilla du Parti de l’union démocratique (le PYD), un parti cousin du PKK. On les appelle les Unités de protection du peuple (les YPG). Face à l’affluence des combattantes, des brigades exclusivement féminines ont même vu le jour, les Unités de protection de la femme (les YPJ).

Viyan, guerrière kurde
Viyan, guerrière kurde

Viyan en fait partie, « à jamais ». Aujourd’hui, elle se bat quotidiennement pour anéantir Daech, mais aussi pour consolider une société plus égalitaire. Pascale  Bourgaux, grand reporter belge, l’a rencontrée en mai et en novembre 2015. Pendant plus d’un mois, elle dort avec elle sur le même matelas, posé par terre, et découvre le quotidien de ces guerrières kurdes qui luttent contre l’État islamique. Elle sort ensuite un livre (« Moi, Viyan, combattante contre Daech ») et un film (« Femmes contre Daech ») sur le sujet.

Mais la tâche n’a pas été facile. « Pour aller en Syrie, nous avons dû faire appel à des passeurs. Nous avons traversé la frontière clandestinement sur une planche à repasser, avec les douaniers turcs à nos trousses. Après, il a fallu parlementer avec les chefs de la guérilla. C’était très compliqué, nous avons passé des jours à attendre des autorisations », raconte Pascale  Bourgaux. Elle tombe finalement sur Viyan, un peu par hasard. « La grande commandante nous a présenté son adjointe parce qu’elle n’était pas disponible. Il y avait une offensive en cours et elle n’avait pas le temps de discuter. Elle n’allait pas dire : “Attendez les gars, on arrête les combats, je vais parler à une petite journaliste.” »

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« Daech n’est pas invincible »

Si la reporter belge décide d’aborder ce sujet, c’est aussi pour nous présenter un regard différent sur l’organisation de l’État islamique. À l’heure où les djihadistes monopolisent l’espace médiatique, il est primordial selon elle de se pencher sur les résistants à Daech. Un côté de la guerre trop souvent oublié. Elle explique qu’il est évidemment important de parler de nos ennemis et d’apprendre à les connaître, mais que leurs points faibles ne sont pas assez exposés. « C’est comme s’il existait un quota Daech et que l’on mettait tout le monde dedans. Les angles sont trop souvent les mêmes, il n’y a pas assez de films qui montrent qu’ils ne sont pas invincibles. La preuve, des petites nanas en baskets occupent des positions, gagnent des batailles, etc. », affirme Pascale Bourgaux.

« Les gens sont pessimistes, ils se disent qu’il y a de plus en plus de graines de djihadistes chez nous, à Molenbeek par exemple. Oui, ça existe, mais c’est une minorité. Il ne faut surtout pas se laisser envahir, il faut se lever et résister, nous sommes beaucoup plus nombreux. » Viyan en est également convaincue, l’avancée de l’Etat islamique n’est pas une fatalité. Pour elle, les hommes qui combattent pour Daech sont de mauvais soldats. S’ils ont réussi à gagner la guerre de la communication en propageant la terreur, ils ne sont pas toujours les meilleurs sur le champ de bataille. « Il leur manque l’entraînement, et surtout l’âme, la foi, le courage », affirme la guerrière.

En lisant le livre, on apprend que les djihadistes s’enfuient parfois à la vue des combattantes. Les youyous terrorisent les soldats d’Allah, « plus encore que les tirs des snipers ». Ces longs cris aigus visent à manifester une émotion, généralement la joie, lors des mariages par exemple. Mais cela signifie aussi que des femmes sont présentes. Et ça, c’est un véritable cauchemar pour les djihadistes. D’après leurs croyances, si vous êtes tué par une femme, votre sacrifice ne sert plus à rien : exit le paradis et les 72 vierges. La mort semble soudainement moins attrayante.

La suite dans le magazine de mai, en kiosques. 

Crédit photos: Pascale Bourgaux

Livre : « Moi, Viyan, combattante contre Daech », de Viyan avec Pascale Bourgaux et Saïd Mahmoud (Fayard).

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