On a testé pour vous: le shopping du futur

Mis à jour le 20 février 2018 par Elisabeth Clauss
On a testé pour vous: le shopping du futur

[caption id="attachment_83493" align="alignnone" width="600"]a Non, ce n’est pas Eli. Mais demain, on fera ses courses sur des écrans. Même en boutique.[/caption]

Quand Elisabeth Clauss débarque dans la boutique de demain, au cœur de Munich, elle réalise que le monde a déjà changé…

C’est un showroom, un magasin expérimental, qui concentre les innovations technologiques que les marques commencent déjà à s’arracher. Développée par Service Plan, la plus grosse agence de com’, de recherche et de développement allemande (BMW est leur client), weShop couvre environ 30 m². Un mouchoir de poche où l’on découvre les enjeux du shopping des trente prochaines années. Le shopping, a priori, je connais. Je possède 150 paires de chaussures, dont aucune pour marcher, 50 robes avec lesquelles je peux à peine m’asseoir, et ça fait 10 ans que je n’ai pas porté un jean qui ne me scie pas le bas-ventre. Alors, quand on m’a proposé d’explorer la science-fashion, la conso de l’avenir, j’ai laissé ma carte bleue en Belgique, et j’ai pris un avion pour Munich.

J’ai été accueillie dans les locaux de Service Plan, avec visite de la galerie d’art interactive et mur d’escalade pour les employés. Magnifique, mais je voudrais voir la boutique. Aux olympiades du shopping compulsif, je suis triple médaillée d’or, fauchée consentante, et dans les starting-blocks. À vos marques (de luxe), prêtes, achetez !

Je passe devant un panneau d’affichage publicitaire. De ceux qui déroulent une affiche différente toutes les dix secondes. Et je découvre que, dans le futur, parce que nos habitudes de consommation seront répertoriées dans des bases de données grâce à notre smartphone, via le bluetooth et l’application iBeacon développée par Apple, le panneau nous causera directement.

« Bonjour Eli, regarde un peu cette paire de bottes blanches qui irait si bien avec la robe bleu marine que tu t’es offerte il y a quinze jours. Scanne le QR code. »

Soit on la commande (et la paye !) direct, soit on nous indique la boutique la plus proche. On passe à plusieurs devant l’affichage ? Il capte le bluetooth le plus proche de lui. Le panneau s’adresse à nous, et on n’a plus qu’à tomber dedans.

Là, vous vous dites : « On reste libre de brancher ou non sa connexion internet. » Mais ces applis ont été développées, entre autres, par Apple. Vous ne vous déconnecterez pas. Croyez-moi.

Même principe pour les vitrines des magasins. Aujourd’hui, c’est-à-dire au Moyen Âge du shopping, on y place des vêtements en tissu sur des mannequins en plastique. Demain, des écrans replaceront les portants, pour nous proposer des tentations sur mesure. Avec prix adaptés pour nous fidéliser, puisque nos données perso (avec une politique de confidentialité différente selon les pays) permettront de nous tailler des offres sur mesure : étudiant, famille nombreuse, célibataire (plein pot ?). Chez Service Plan, on m’explique que ces services de shopping personnalisé répondent à une demande des commerçants, excédés que les clients viennent essayer les pièces chez eux avant de les commander, pour moins cher, sur internet. Amazon a même développé une appli éponyme, qui permet de scanner une étiquette pour savoir si le même produit est disponible moins cher sur la toile. C’est de bonne guerre, le flux du trafic sur le web fait vase communicant avec les points de vente physiques. Les boutiques doivent réagir avant de se vider complètement, et l’avenir du retail (la vente au détail), ce seront plein de petits points de vente disséminés dans un quartier, et non plus un gros magasin très cher à entretenir au centre-ville. Dans ces mini showroom, on pourra essayer les vêtements, les toucher, les acheter (ça, vous pouvez être tranquilles !) mais pas les emporter. Il s’agira d’échantillons, le produit réel nous sera livré dans la journée, dans la taille et la couleur désirées. Moins de stock (tout sera centralisé), moins de logistique, moins d’employés. Théoriquement, un prix plus bas.

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Le concept ne se limite évidemment pas qu’à la mode. Demain dans les supermarchés, bientôt, quand on passera devant les œufs, notre smartphone qui nous sait amateur d’omelettes nous enverra une alerte de promo sur la boîte de douze. La marque automobile Tesla ne se vend déjà plus que sur tablette. Au showroom, une seule voiture, quinze tablettes, et on commande avec les options de notre choix.

Aux états-Unis et en Asie, ces équipements se répandent viralement. Les cabines virtuelles, au Japon et en Corée, sont déjà passées dans les mœurs, chez Puma notamment. On se place face à un miroir, on clique sur une pièce qui apparaît sur notre reflet. On peut changer la couleur, zapper les coupes, cliquer, commander. Une question à propos du produit ? Via le smartphone (vachement « smart », si on y réfléchit) ou à la maison sur son ordi, sa tablette, enfin tout support technologique interactif, sauf peut-être le four à micro-ondes (mais ça viendra), on peut se mettre en contact avec une hôtesse-conseillère via l’appli Call An Expert, et l’interroger sur l’origine du vêtement, sa composition, ses caractéristiques… Sorte de vendeuse virtuelle, mais bien humaine, elle répond, propose une autre couleur qui apparaît sur l’écran, offre une ristourne. Je lui ai parlé. La mienne s’exprimait en anglais, le marché francophone n’est pas encore assez développé. En Allemagne, Osram (les ampoules) utilise déja cette technologie dans les magasins de bricolage. On a choisi son produit, touché l’échantillon à disposition, il est temps de régler. L’attente aux caisses ? Fini. On scanne l’étiquette, pour payer directement avec son téléphone ou en appliquant sa carte de crédit sur une vitre. McDonald’s utilise déjà cette technologie aux états-Unis. Et si on nous vole notre carte ? C’est le souci pour l’instant. C’est pourquoi bientôt, on pourra régler ses achats… grâce à son empreinte digitale ou avec l’iris de son œil. Conséquences : plus de vendeuses, plus de caissières non plus. Pour les remplacer : une conseillère multimédia. évolution ou situation préoccupante ?

Du côté des boutiquiers, on dispose désormais d’une image précise de la fréquentation des espaces de vente : sur un écran de tablette, je vois des points qui se déplacent sur un plan. Des gens dans un magasin. En fait, des GSM, dans un magasin. Celui-ci se pose cinq minutes à l’extérieur près de l’entrée ? Il fume. On adapte la pub dans la vitrine. Dans ce coin-là, pas assez de passage ? On modifie l’étalage. Il fait froid dehors ? La lumière rougeoie, pour donner une impression de chaleur à l’intérieur. C’est la canicule ? L’éclairage se teinte de bleu, pour rafraîchir les esprits.

Le bureau de com’ m’assure que ces équipements ouvrent la voie au « smart shopping » : propositions ciblées, rationalisation des coûts, rapidité, efficacité. La nouvelle génération de consommateurs va adorer. Pourtant, en quittant le showroom, j’ai un petit goût de parano au fond du porte-feuille. Il est vrai que je suis née à une époque où on se levait pour éteindre la télé en noir et blanc. L’époque a changé. Ces incursions commerciales dans notre vie privée ne vont-elles pas, un jour, nous priver de vie ? Préparez vous pour le Meilleur des mo(n)des.