Saviez-vous que… Cara Delevingne avait fait ses premiers pas en tant que mannequin chez Asos ? Que la société dispose de ses propres studios photo ? Qu'elle travaille avec sa propre usine au Kenya ? Que j'y ai vu l'uniforme officiel des elfes de Noël ? Bienvenue dans le monde merveilleux d'Asos !
"Chère Isabelle, vous êtes bien entendu la bienvenue !" huit mots, mon golden ticket pour le siège d'Asos. Je me sens un peu comme Charlie dans sa chocolaterie quand je gravis les marches de l'imposante maison londonienne. Il s'avère que c'est une ancienne usine de cigarettes qui a été reconvertie en ultra chic et élégant quartier général. Deux chats géants trônent à l'entrée, comme les gardiens surréalistes de ce temple de la mode en ligne. Et je ne suis qu'au début de mes surprises.
Il y a eu du chemin depuis As Seen On Screen en 2000, qui proposait des vêtements "vus à la télé". En à peine 15 ans, Asos est passé du petit e-shop à l'un des leaders mondiaux de la vente en ligne. Vêtements, chaussures, cosmétiques et accessoires, issus de plus de 900 marques, sont vendus dans 234 pays. Plus de 71 millions de visiteurs parcourent chaque mois les rayons virtuels. Et depuis 2003, Asos possède sa propre collection. Un millier de salariés, répartis dans des dizaines de départements, contribuent chaque jour à cette belle réussite. Jasmine, attachée de presse, m'emmène dans les coulisses de cette remarquable usine de la mode.
Ici, pas de Oompa Loompa mais bien un pull d'elfe de Noël.
Je me trouve dans le showroom où les lignes de la prochaine collection de Noël sont présentées et mon imagination s'emballe.
Je vois de la maille traditionnelle, mais aussi des looks minimalistes et même une ligne qui semble inspirée des sirènes. Du néoprène, des imprimés, des perles,de la fausse fourrure et des paillettes: il y en a pour tous les goûts.
Il y a aussi des pièces de la collection Asos Africa, entièrement réalisée dans un atelier protégé au Kenya. La ligne offre aux locaux un emploi stable et un revenu honnête - un projet qui cadre avec l'Ethical Trade d'Asos. Ça aussi ça plairait au père Noël !
On saute dans l'ascenseur direction… Le 7e ciel ! Le paradis des fringues où tout brille, scintille et crie "Achète-moi !"
Plus sérieusement, nous nous trouvons dans le département Buying, là où les acheteurs d'Asos font le suivi et l'achat des marques extérieures : American Vintage, Cheap Monday, Converse, Dolce & Gabbana, French Connection,… Ils sélectionnent les pièces qui atterriront sur le site. Au mur sont alignés des moodboards, des tringles chargées de vêtements et accessoires qui déterminent l'offre de demain.
Et quand je dis demain, c'est à prendre au sens littéral, car chez Asos, ça va très vite. Ici il n'est pas question de collections crées avec six mois d'avance. Chaque semaine 4.000 nouveaux produits sont placés en ligne, un flux de mode imparable. "L'offre d'Asos est très diversifiée" nous déclare Jasmine. "Mais nous avons des lignes directrices. Nous cherchons des looks jeunes, originaux et surtout à prix abordables. Il y a aussi un espace pour des lignes de diffusion comme See by Chloe ou Sonia by Sonia Rykiel. Dans le bureau Buying, le jeans est au centre de l'attention, "c'est le noyau de notre business", pareil pour la maille, tendance incontournable de cet hiver.
(On ne pouvait pas prendre de photo ici, une seule image autorisée)
On continue la visite au pas de course: "vous avez dit fast-fashion ?" Je croise un mannequin grand et fin comme une liane. Perchée sur des talons vertigineux, elle disparait en un éclair et j'ai juste le temps d'entrevoir sa robe de soirée. Nous sommes bel et bien dans le département studio.
Chaque jour une quinzaine de mannequins se partagent les neuf studios photo. Deux studios supplémentaires sont en projet. Pose, mannequin, extension, ça n'arrête jamais ici. Rachel la Studio Manager m'explique "C'est une machine bien huilée. Chaque jour, on shoot 60 pièces pour femmes et 65 pour homme. On a entre 4 et 6 minutes par look pour prendre en 4 photos et un petit film catwalk."
Comment ça marche ? Chacun des neuf studios possède sa propre équipe de photographes, de stylistes et coordinateurs de tournage, ainsi que des assistants et et l'équipe maquillage. Ils ont carte blanche et dirigent le studio comme bon leur semble. Ça signifie que l'un a ses murs recouverts de coupures de presse, un dressing privé et des murs clairs et du Beyoncé en fond sonore. Et l'autre sera minimaliste, avec beaucoup de plantes et une équipe qui travaille sur de la musique lounge. Les délais serrés semblent n'avoir aucune incidence sur la créativité et l'individualité des travailleurs.
Ce qui est intéressant aussi ce sont les studios de catwalk. Chez les hommes le nom n'est pas tout à fait juste puisqu'il s'agit d'une plateforme tournante à 360°. "Nous avons remarqué que les clients masculins aiment pouvoir observer le vêtement sous tous les angles avant de l'acheter." Chez les femmes c'est bel et bien un vrai podium, voire même deux. "Les femmes veulent voir comment le vêtement tombe quand il est porté, le voir sous tous les angles ne les intéresse pas".
Last but not least: les minis studios pour photographier les accessoires: une douzaine de présentoirs où sacs, chaussures et cosmétiques sont mitraillés sous les flashs.
Les matériaux bruts (photos et films) sont instantanément transmis au bureau de Post Production pour les retouches et le montage. En principe, les images sont mises en ligne le jour même. Vous suivez ? Si pas, allez jeter un oeil au Guidline Wall où des pictogrammes expliquent le processus en détail, histoire de ne pas perde de temps en explications.
Le temps c'est de l'argent, mais ça ne semble pas affecter l'humeur du personnel ni celui des mannequins. "C'est une belle opportunité d'apprentissage pour elles" me dit la Model Manager. On travaille avec différentes agences de mannequins, mais on repère aussi des jeunes hommes et jeunes filles dans la rue. Nous avons une politique de Fresh Faces et donc on recherche souvent des nouveaux visages. Le matin, ils passent une heure au make-up et à la coiffure et puis ils passent la journée en shooting. Parfois ils font ça pendant une semaine entière. De cette manière, on apprend vite. ASOS a une base de 150 mannequins, mais il y a beaucoup de va-et-vient. "Chaque semaine nous ajoutons 10 nouveaux visages. Une fois qu'ils décrochent des contrats publicitaires avec d'autres marques, on ne peut plus les utiliser".
De grands noms du mannequinat comme Cara Delevingne ou Malaïka Firth sont passés par là. "Elles ont passé quelques semaines ici, elles étaient toute jeune à l'époque". Pour Malaïka, on a même dû attendre un peu parce qu'on la trouvait trop jeune. Finalement elle a commencé avec nous quand elle a eu 17 ans. Il est évident que nous servons de tremplin pour ces jeunes mannequins, ça fait partie de notre philosophie.
Il y a aussi une série de mannequins pour les collections Curve et maternité. "Pour les curves, on avait organisé un concours Instagram. On a eu plus de 6000 candidatures et avons choisi un modèle qui travaille à présent pour nous. Pour les photos de maternité, on utilise un faux ventre. Certains mannequins sont "enceintes" depuis 3 ans".
Une usine à mode bien particulière que voilà, où servent des Oompa Loompa aux longues jambes, des elfes de Noël et des sirènes offrent leur tournée, où des milliers de flashs crépitent et immortalisent des objets du désir. Où naissent les mannequins et où le temps ne s'arrête jamais. Un monde merveilleux à juste un clic d'ici, et pourtant ô combien surprenant.
Isabelle Vanderheyde (traduction: Annie Laloy)
Images: Tine Schoemaker