« Fruité, juteux, gourmand… et sensuel ! » Dans la bouche de Francis Kurkdjian, le nouveau Miss Dior Essence est un clin d’œil au Gainsbourg des années “Comic Strip”, quand les bulles de bande dessinée faisaient exploser les normes : SHEBAM! POW! BLOP! WIZZ! Ce parfum, c’est une déclaration libre, vive, irrévérencieuse, comme une fille qui traverse Paris en jupe fuchsia et bottes de biker. Une image pop, assumée, pleine de nerf, loin des clichés poudrés qui collent encore parfois à la féminité parfumée.
Et si le parfum pouvait être politique ? « Restons dans notre terrain de jeu, celui de la beauté », tempère-t-il. « Je ne prétends pas changer le monde, mais on peut y apporter de la joie, du rêve. » Chez Dior, c’est une forme d’engagement. Un engagement pour l’imaginaire, l’exigence, la transmission. Pour cette Essence, le mot d’ordre est clair : revenir à l’essentiel. À l’architecture du chypre, cette famille olfactive de fleurs et de bois. Et faire souffler dessus un vent de jeunesse assumée, une liberté de ton qui résonne fort dans une époque où tout est scruté, liké, commenté.
Car oui, Miss Dior a grandi. Elle n’est plus la demoiselle sage d’après-guerre, mais une héroïne pop qui joue avec les codes. « Aujourd’hui, on ne veut plus sentir comme sa mère. Ni même comme sa grand-mère », sourit Francis. « On veut autre chose. Un parfum qui claque. Qui dit quelque chose. » Alors il compose une partition fruitée mais racée : un accord de mûre confiturée, de fleur de sureau, de jasmin sambac adossé à une base boisée de chêne sombre. « C’est très gourmand, très coloré. Mais pas naïf. Il y a de la profondeur, une tension. C’est ce qui rend une fragrance intrigante. »
Derrière la frivolité apparente, la rigueur est là. Kurkdjian évoque ses formules comme des partitions de musique ou des plans d’architecte. « Quand je lis une formule, je vois les volumes, la circulation, l’équilibre. » Une discipline invisible, mais fondamentale. « Un parfum peut sembler simple. Mais derrière, il y a des milliers d’heures, des centaines de personnes, des choix techniques très fins. » Il cite les grands classiques de Dior, de Poison à J’adore, comme autant de jalons où le nom, le flacon, le message et le jus créaient une onde de choc. « Miss Dior Essence s’inscrit dans cette lignée, avec l’envie de surprendre, de désobéir. »

Francis Kurkdjian pour Miss Dior Essence
Et s’il cite volontiers Dior et son sens du panache – « Vaporisez davantage de parfum ! » disait le couturier – c’est aussi pour rappeler que la maison a toujours su bousculer les lignes : le New Look, les licences avec l’Allemagne en 1949, les boutiques déco avant l’heure. « Il y a chez Dior cette tension entre respect et audace. C’est exactement là où je me situe. » Pas besoin de “casser les codes” bruyamment. Il préfère suivre les lignes… puis les faire déraper doucement.
Quant à la campagne, portée par Natalie Portman, elle prolonge cette vision post-punk, électrique, vibrante. « Elle joue avec elle-même. Elle est plusieurs femmes à la fois. C’est ça qui m’intéresse. » Le film réalisé par Manu Cossu la montre en amazone romantique, en héroïne qui court sur les toits de Paris. « Mais je ne crée jamais un parfum pour une seule femme. Comme Christian Dior, je pense que toutes les femmes sont mes muses. »
Miss Dior Essence, c’est donc une bouteille de 50 ml comme un acte de création collective. Une synthèse de savoir-faire, de désir de transmission, de flair générationnel. « On travaille à 2 000 derrière ce flacon. Quand il sort, il y a une fierté, mais aussi une peur. Les réseaux sociaux sont sans pitié. » Pourtant, il tient bon. Avec humour et élégance. « Ce n’est pas de l’art. Je ne vais pas reprocher au client de ne pas aimer. Le client a toujours raison. »
Mais dans ce petit jus, il y a une intention. Une envie de réenchanter. De faire sourire. De provoquer peut-être. Et surtout, de laisser une trace. POW!