Dakota Johnson : « J’étais censée mener une vie de riche héritière »

Mis à jour le 5 juillet 2022 par Molly Creeden et ELLE Belgique Photos: Paola Kudacki
Dakota Johnson : « J’étais censée mener une vie de riche héritière »

Dakota Johnson est issue d'une lignée de femmes influentes. Aujourd'hui, elle marque elle-même les esprits. On l’a rencontré pour parler matriarcat, maternité et perspectives de carrière à Hollywood.

« Vous connaissez “The Birthday Book ?” », demande Dakota Johnson. Elle est assise à une table éclairée par des bougies, les yeux bleus inquisiteurs, les sourcils bordés par une frange tellement bien maîtrisée que son entretien relève sans doute d’un full-time job. « C’est un énorme livre qui passe en revue chaque jour de l’année, tout en vous parlant de vous et des autres personnes nées le jour de votre anniversaire. Je suis née le jour des Incorrigibles. C’est logique. » Ça fait une heure que nous sommes à l’hôtel Shutters on the Beach, au moment précis où le soleil d’hiver se couche sur la plage de Santa Monica. 

Dakota Johnson était en retard – la faute à une discussion avec Andrew Garfield et au trafic infernal de LA. Alors que je me remettais de la fête de la veille, nous avons commencé par répondre à nos besoins respectifs. « On devrait commander des frites si vous avez la gueule de bois », suggère-t-elle, après s’être servi un thé. Sa boisson chaude en main, elle nous en dit plus sur le genre de personne qu’elle est, dont l’essence semble remonter au 4 octobre 1989, jour de sa naissance. Tout d’abord, elle rejette toute forme d’autorité. « Je n’aime pas les règles stupides, mises en place pour le plaisir d’établir des règles. Ou les gens qui veulent tout réguler par attrait pour le pouvoir », dit-elle fermement. « Si une chaise porte la mention “Ne pas s’asseoir”, je me dis : “Mais pourquoi pas, bordel ?” Je ne sais pas d’où ça vient ni pourquoi ça me crispe autant », avoue-t-elle en secouant la tête.

Pourtant, en sa présence, on n’a pas l’impression d’être avec une incorrigible. Étrangement sereine, elle a une voix apaisante qui pourrait faire baisser votre rythme cardiaque quand elle s’exprime. Ce calme olympien surprend compte tenu de son éducation : des parents (Melanie Griffith et Don Johnson), une grand-mère (la star des années 60 Tippi Hedren) et un beau-père (Antonio Banderas) très en vue, et une enfance passée sur des plateaux de tournage aux quatre coins du monde. Elle a d’ailleurs appris à conduire sur le set de la série policière « Nash Bridges », dans laquelle son père tenait le rôle principal. 

Contrairement à la majorité des êtres humains, célèbres ou non, Dakota Johnson n’est pas gênée par les silences, que ce soit sous les projecteurs (voir son interview avec Ellen DeGeneres, populaire sur les réseaux sociaux pour ses blancs) ou entre deux personnes qui partagent des frites. Absorbée, elle prend une pause de près d’une minute après que je lui ai demandé comment elle fait pour supporter ce genre de temps d’arrêt, qui mettrait la plupart des gens mal à l’aise. Elle finit par revenir à elle, mais semble perplexe. « Well, que suis-je censée faire pour combattre le silence ? »

Dakota Johnson

Parents sauvages, enfant calme

Ce n’est pas seulement sa retenue. Dakota Johnson dégage une tranquillité qui vous donne l’impression que vous pourriez vous endormir pendant qu’elle lit à haute voix les indications du GPS. Sait-elle que son home tour pour le compte du magazine « Architectural Digest » [501.000 likes sur YouTube] – au cours duquel elle évoque amoureusement son canapé en mohair et une table fabriquée avec le bois du yacht de Winston Churchill – est comparé à de l’ASMR ? « J’avais une sacrée gueule de bois en faisant cette vidéo. C’est sans doute pour ça que j’étais si calme. » Mais d’où vient cette tranquillité ? Elle réfléchit à la question. « Mes parents sont... Je ne pense pas qu’ils me l’aient transmis, ils étaient plutôt sauvages quand j’étais enfant », poursuit-elle, faisant indirectement référence aux addictions et autres excès de Don Johnson et Melanie Griffith dans les années 90. « On prend ça pour de la sérénité. Mais c’est peut-être juste de la timidité. »

Dakota Johnson est en effet réservée, et habile quand il s’agit de garder pour elle des informations qui pourraient enflammer la presse people. Depuis 2017, elle sort avec Chris Martin de Coldplay et, en public, le couple attire des hordes de paparazzis des deux côtés de l’Atlantique. Ils ont pris le parti de mener une existence tranquille dans une maison moderne de style Cape Cod à Point Dume, Malibu. « Nous sommes ensemble depuis un moment. Nous sortons de temps en temps, mais nous travaillons tous les deux tellement que c’est agréable de rester confortablement à la maison, où notre intimité est préservée. La plupart des fêtes ont lieu chez moi », précise-t-elle en faisant allusion à ses amis qui appartiennent de près ou de loin à l’industrie du spectacle.

J'ai l'impression d'avoir à la fois 26 et 48 ans.

À 32 ans, Dakota Johnson se débat dans le couloir étroit qui sépare jeunes et moins jeunes. « J’ai l’impression d’avoir à la fois 26 et 48 ans. J’ai déjà vécu tellement de choses. Très jeune, j’ai eu une vie très intense, c’est pour ça que je me sens plus vieille. » Ça me paraît cohérent avec le fait qu’après cette interview un vendredi soir, elle rentrera chez elle pour regarder Elle Fanning dans la deuxième saison de « The Great ». Dakota Johnson éclate de rire. « Je sais ! C’est vendredi et je pourrais me mettre la tête à l’envers. Et parfois je le fais ! Mais j’ai tellement travaillé que boire du thé et regarder la télé, c’est tout ce dont j’ai envie. »

Ça n’a pas toujours été le cas. En raison de son caractère incorrigible, Dakota Johnson a été envoyée pendant une année de lycée dans un pensionnat catholique pour filles. C’est là qu’elle rencontre une certaine Justine, arrivée à l’école Santa Catalina après avoir été renvoyée d’un autre établissement. Elles deviennent rapidement amies et n’ont qu’une envie : devenir colocataires pour partager leur passion pour les livres, la musique et le grunge. 

Dakota Johnson n’a pas fait long feu à Santa Catalina. « J’étais censée mener une vie de riche héritière et bien m’amuser, mais je n’y suis pas arrivée. » Le lien avec Justine, cependant, a duré. Son amie est allée à New York et à Paris, a appris à parler couramment le français et l’espagnol et, au milieu de la vingtaine, a fait découvrir à Dakota Johnson les romans napolitains d’Elena Ferrante – un cycle sur le passage à l’âge adulte qui relate l’amitié complexe entre deux femmes pendant 60 ans. Dakota Johnson attribue à Justine le mérite de l’avoir stimulée tout au long de sa vie et d’avoir décelé en elle une curiosité dont elle ne soupçonnait pas l’existence. « En fait, c’est mon Amie prodigieuse », dit-elle en se référant au titre de la célèbre tétralogie d’Elena Ferrante.

Dakota Johnson

Le côté obscur de la maternité

Aussi, en 2018, lorsque l’actrice Maggie Gyllenhaal reçoit le feu vert de l’autrice italienne pour réaliser et adapter son roman « Poupée volée », l’intérêt de Dakota Johnson est piqué au vif. Elle se passionne pour le rôle de Nina, une jeune et jolie mère en vacances avec sa famille en Grèce, qui rencontre Leda (jouée par Olivia Colman), une professeure d’âge moyen dont l’approche peu orthodoxe de la maternité jette une ombre sur son passé. Pour Leda, il est clair que Nina est un objet brillant écrasé par les exigences de l’éducation des enfants et les attentes du monde envers les mères. « Je ne rencontre pas souvent des femmes comme Nina dans les livres », se souvient Dakota Johnson, dont la carrière est émaillée de rôles dramatiques et comiques sur des chaînes de télévision, dans des superproductions mondiales, des films indépendants et des comédies. « Il est très rare de lire l’histoire d’une jeune femme qui est perdue, submergée et en colère, qui a envie d’être vue, qui ne correspond pas à l’idée toute faite qu’on se fait d’une femme. »

Elle a ensuite rencontré Maggie Gyllenhaal, et ensemble « nous avons interrogé en profondeur l’expérience d’être une femme, à la fois dans le cinéma et dans ce monde », raconte Dakota Johnson. « Je me suis dit que j’étais prête à tout. Que je la suivrais au bout du monde. » Maggie Gyllenhaal a été tout autant impressionnée par sa rencontre avec l’actrice : « Après avoir lu le scénario, Dakota a dit : “Je veux essayer quelque chose de totalement différent, qui ne ressemble en rien à ce que j’ai fait avant, et j’ai envie de le faire avec toi.” Je pense que c’est ce qui s’est passé. Je l’ai en quelque sorte prise par la main en disant : “Allons-y.” »

C'est comme si elles tournaient le bouton de volume de votre vie vers la droite. 

Aux yeux de Dakota Johnson, Maggie Gyllenhaal évoque d’autres femmes ayant joué un rôle déterminant dans sa vie. Des femmes comme Justine, aux côtés de qui elle a l’impression d’avoir beaucoup appris. « Je ne sais pas si vous avez déjà vécu cette expérience où vous rencontrez une autre femme et où vous voyez reflétée en elle des parties de vous-même que vous ne connaissiez pas avant cette rencontre », explique-t-elle. « C’est presque comme si elles tournaient le bouton de volume de votre vie vers la droite. Et Maggie a été cette personne pour moi. C’est une vraie chercheuse de vérité. »

Dakota Johnson est intarissable sur ce genre de femmes. Celles avec lesquelles s’établit une connexion tacite – semblable à celle qui électrise Leda et Nina dans le film – qui la pousse à évoluer. Des femmes comme Sam Taylor-Johnson, qui l’a dirigée pour son rôle décisif dans « Cinquante Nuances de Grey » ; Leslie Mann, sa costar dans « Cha Cha Real Smooth », le prochain film produit par sa société de production ; sa thérapeute, qu’elle surnomme son « héroïne ultime », et la mère de son petit ami au lycée, qui reste importante pour elle. À son propos, l’actrice précise : « C’était une mère d’un autre genre, doublée d’une femme spirituelle et alignée. Ma mère est généreuse et aimante, mais parfois, on a besoin de quelque chose d’autre. » L’influence de ces femmes nourrit la performance de Dakota Johnson dans « The Lost Daughter », un film à la fois apaisant et incandescent, honnête et radical sur la réalité des relations entre les femmes et sur leur expérience de l’éducation des enfants.

En n’épargnant rien de la dureté physique de la maternité, de son altruisme étouffant, de ses marchandages exaspérants et de son amour euphorique, « The Lost Daughter » de Maggie Gyllenhaal soulève des questions qui sont au cœur de l’expérience de la maternité : que faire si on s’aperçoit qu’on n’apprécie pas être mère ? Ne vaut-il pas mieux l’admettre haut et fort ? Et si, comme les hommes l’ont fait pendant des années, on se déchargeait de la responsabilité de ses enfants ?

Dakota Johnson

Production personnelle

Pour ce qui est de ses attentes en matière de travail aux côtés de sa célèbre costar Olivia Colman, Dakota Johnson ne perd rien du flegme qu’on lui connaît. « Je me demandais comment elle allait être », se rappelle-t-elle. « Mais on s’est tout de suite bien entendue. Elle est tellement maternelle et chaleureuse, elle est toujours partante pour discuter et aller boire un verre. » Au gré des projections du film, Dakota Johnson a observé les réactions des spectatrices : elles trépignent, elles pleurent. Il arrive que les jeunes femmes se mettent en colère. Face au personnage de Leda, elles s’indignent : « C’est une personne horrible, je l’ai détestée, elle est tellement antipathique. » Pendant le tournage, Dakota Johnson a beaucoup pensé à sa propre mère – qui a eu trois enfants tout en travaillant –, une personne qu’elle décrit comme capable de « tout rendre possible ». « Elle a su être une mère protectrice, généreuse et aimante, exercer son job et être une partenaire formidable pour ses maris. Mais il y a eu aussi des périodes très sombres. La conclusion de tout ça, c’est que rien n’est parfait tout le temps – rien. »

C'est vital de porter des vêtements dans lesquels je me sens bien.

Je lui demande si Melanie Griffith a vu le film. « Elle l’a vu trois fois », répond Dakota Johnson en haussant les sourcils. « Je pense que c’est parce qu’elle est fière de moi. Je pense aussi que c’est quelque chose qu’elle n’a jamais vu à l’écran auparavant. Elle se demande si on peut affirmer qu’on déteste être mère aujourd’hui. » Sa grand-mère, Tippi Hedren, n’a pas encore vu le film. « Je pense qu’elle adorerait », dit-elle affectueusement. « Le personnage de Leda est si complexe. La plupart des femmes aiment le film, je pense. C’est un peu éprouvant au début, mais après, elles adorent. »

« Surprise : Gucci ! », répond Dakota Johnson, lorsque je lui demande qui a confectionné le chemisier lavande à nœud papillon, le pantalon taille haute et le manteau qu’elle porte aujourd’hui. « Sortir, se coiffer, se maquiller et porter une tenue dans l’optique de donner à voir une certaine apparence, c’est très déstabilisant », précise-t-elle. « Alors, c’est vital de porter des vêtements dans lesquels je me sens bien. Je me dis : “OK, c’est juste une version de moi.” »

Son ensemble lui donne l’air d’une femme d’affaires, une identité à laquelle elle essaie de s’habituer. « Je ne cesse de m’imposer de nouvelles tâches », dit-elle. Son côté incorrigible explique en partie sa décision de fonder sa propre société de production. Frustrée de ne pas avoir une vision plus globale de ses projets en tant qu’actrice, elle a franchi le pas en 2020. Le catalogue de TeaTime Pictures présente actuellement 25 films et séries télévisées dont deux – « Cha Cha Real Smooth » et « Am I OK ? » – ont été présentés au Festival de Sundance. « Pendant longtemps, j’ai joué dans des films qui, quand ils sortaient, ne ressemblaient plus à l’idée que je m’en étais faite. Et c’est vraiment difficile à accepter pour quelqu’un dont le métier est d’être vulnérable, parce qu’on a l’impression que certaines choses nous sont dérobées », explique Dakota Johnson. L’objectif de TeaTime est de créer des occasions pour les jeunes talents, tout en donnant à Dakota Johnson – et à son cofondateur Ro Donnelly, ancien cadre chez Netflix – l’autorité créative dont elle avait besoin.

Dakota Johnson

Gode rose géant 

En plus d’assumer un rôle de productrice, Dakota Johnson est investisseuse et codirectrice de la création de la marque de bien-être sexuel Maude. « Lorsque la fondatrice, Éva Goicochea, et moi nous sommes rencontrées, j’ai pensé : “C’est exactement comme ça que je vois les choses”, c’est-à-dire que les produits doivent être inclusifs et directs, propres et accessibles. Si vous avez envie d’un gode rose géant, faites-vous plaisir. Moi ça ne me fait pas vraiment vibrer – ahah, vibrer », plaisante-t-elle. « Mais je pense qu’il est sain d’avoir accès à des accessoires de qualité pour le bien-être sexuel. » Elle participe au développement de tous les articles, des vibromasseurs aux produits nettoyants pour le corps. « Alors pouvoir dire... » Johnson s’interrompt au milieu de sa phrase. « Je viens de me souvenir que j’ai rêvé de notre plug anal la nuit dernière. Nous regardions les prototypes et l’un d’eux était trop grand. Dans mon rêve, il ressemblait à ça – elle attrape deux courges décoratives sur la table et les empile – et j’ai pensé que personne n’allait pouvoir se mettre ça dans le cul ! » Nous rigolons, mais Dakota Johnson considère ce rêve comme une représentation de son désir d’explorer « ce que peut être l’expérience la plus agréable, la plus chic et la plus qualitative ».

Rejeton d’une dynastie hollywoodienne, entrepreneuse sapée en Gucci, actrice, partenaire, amie fidèle... Bien d’autres couches plus profondes se cachent sous l’apparence sereine de Dakota Johnston. Mais elle ne s’en départira que devant ses plus proches confidents, et pour les rôles qui requièrent qu’elle accède à cette indécence. Nous ferions bien de laisser à l’incorrigible Dakota Johnson l’espace nécessaire pour continuer à tout remettre en question, que ce soit par le retentissement que génère son travail ou par le silence qu’elle accueille à bras ouverts. 

« The Lost Daughter » est disponible sur Netflix.

Équipe de production - Stylisme : Charles Varenne. Coiffure : Kevin Ryan. Make-up : Maki Ryoke. Manucure : Eri Handa. Assistantes stylisme : Amber Rose Smith & Grace Clarke.

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