Vacances en famille : comment y survivre ?

Mis à jour le 28 mai 2019 par Elisabeth Clauss
Vacances en famille : comment y survivre ?

Dans « Venise n’est pas en Italie », sorti le 29 mai, Benoît Poelvoorde et Valérie Bonneton en parents embarrassants – mais touchants - embarquent leurs enfants pour une virée en caravane jusqu’à Venise. En y regardant bien, vous n’en êtes pas loin.

Venise n'est pas en Italie
"Venise n'est pas en Italie"

C’est une bonne comédie française, au flegme belge. Un couple de magnifiques losers attendrissants, leur fils aîné guidé dans l’existence par le contenu de son pantalon, et en décalage, Emile, le petit frère intello et romantique, qu’on teint en blond parce qu’ « il est plus beau » comme ça. Casez-les dans un mobil home direction Venise pour rejoindre l’élue du jeune Emile, ajoutez quelques ressorts humoristiques de comique troupier, une orthorexe du bio et phobique des camions, des adeptes hétéroclites du co-voiturage ramassés en chemin, et vous obtenez un bon guide de prévention des vacances en famille.

Déplacer le contexte pour connaître les gens

C’est toujours en situations extrêmes qu’on découvre la nature profonde de ceux qui nous entourent. Un tremblement de terre, ou un carburateur qui fume. Pour savoir à qui vous avez affaire, sortez vos amis de leur zone de confort.

Pour vos prochaines vacances

L’espace exigu est un cas d’école. Idéale pour provoquer un principe de « cage de Faraday » (une boîte en métal qui protège des perturbations électromagnétiques mais en provoque sous d’autres formes), la voiture est notoirement un espace de choix pour régler ses comptes. On ne se regarde pas, on va vite, on exacerbe ses ressentis. On a tous des souvenirs d’engueulades olympiennes en bagnole. Dans la famille du film, les Chamodot, on ne crie pas, on chante. Fort et faux. Ainsi, si vous partez dans le Sud en auto ou pire, faire du camping, prévoyez une playlist pétaradante, pour couper court à vos propres braillements légitimés par une file à la frontière ou un amant évoqué par imprudence. C’est le meilleur moyen d’arriver à destination détendus ou divorcés, mais au diapason.

Les premiers amours

Le petit Emile, ado tout frais, aime Pauline de tout son cœur, mais niveau expérience, bernique. Son grand frère jongle avec les filles. Ses parents sont amoureux-gluants depuis des siècles, et le brave gamin ne sait comment s’y prendre. C’est charmant, et surtout, ce sentiment est valable à tous les âges.

Pour vos coups de cœurs estivaux

L’enfant pense que la sincérité vaut toutes les déclarations. Evidemment, il n’y connaît rien. Alors que ses parents lui teignent affablement les cheveux depuis ses 7 ans pour lui donner confiance en lui, il veut revenir à son brun naturel. C’est nier la leçon de Samson et Dalila. Le pouvoir se niche dans la crinière, et un peu d’ammoniaque file bien la niaque. Cela dit, sans trop vous spolier la fin, disons que sa stratégie de traverser la France, la Suisse et l’Italie dans une bétaillère et en suçant du jus de betterave, paye parce qu’on est au cinéma. Dans la vraie vie, on est bien d’accord qu’on ne court pas à travers les Alpes pour dire « je t’aime » si on n’est pas Cameron Diaz avec une caravane de régie 5* et un toyboy plus jeune qui nous attend dans un palace à Milan. On a passé l’âge de sacrifier ses miles pour faire plaisir à l’autre. Donc une fulgurance un peu chaude sur la plage, oui, un moteur en surchauffe au péage, non.

La lutte des classes

Vous avez remarqué, au cinoche, les pauvres sont toujours plus heureux que les riches, qui s’ennuient devant leurs pianos à queue pendant que la classe populaire rit aux éclats en dansant dans de la sciure de bois. Déjà dans Titanic, ça n’avait réussi à personne.

Soyez souple sur le casting

Parce qu’il y a du positif dans les poncifs : que vous louiez une maison avec vos beaux-parents, qui ont reçu il y a vingt ans les clefs de la ville de Knokke, ou avec vos amis sympathisants cégétistes, vous qui vous situez quelque part au milieu du moment qu’il y a le wifi, devez impérativement éviter de : vouloir ramasser la note au restaurant (dans tous les cas vous vexerez quelqu’un), parler politique, et envisager de lancer un business de vente au détail raisonné de produits rares avec vos amis sous prétexte que vous avez descendu une cave entière de rosé. Sinon quand ça foire – et ça va foirer – on n’a plus personne pour se faire consoler. Et on finit seul dans la caravane, au sens propre, figuré, et avec une vignette à payer.

 

Illustration : Marie Morelle
Illustration : Marie Morelle

 

Avoir honte de sa famille

Généralement, ça passe dès qu’on reçoit sa première note d’impôts, ou le premier versement de sa pension – ça dépend de l’efficacité de sa thérapie. Dans le film qui nous occupe, Benoît Poelevoorde et Valérie Bonneton mettent le paquet pour incarner les parents de la gêne. Traumatisant les auto-stoppeurs et voulant régler les taxes autoroutières avec des chèques repas. Volant les savonnettes aux toilettes. Mais malgré l’intervention d’une équipe de scénaristes diplômés, ils n’arrivent pas à la cheville de votre propre famille, on s’en doute.

De l’intérêt de prendre de la distance

Même si vous la prenez tous ensemble. Parents, frangins ou amis, ils vous ont permis d’arriver jusqu’ici, dans ce Airb’n’b breton, en vous sentant aimée et entourée, même si par moment, ça vous arrache les implants de le reconnaître. Bien sûr, ils ont leurs petits travers – et pensent la même chose de vous. Evitez de relevez ce que vous savez déjà, ce serait vous énerver pour rien : Odette radote après deux coupes de champagne, même du cher, et les blagues de Fabrice sont consternantes, même à jeun. Votre beau-père sait tout mais sur rien, votre belle-soeur est mytho mais cuisine merveilleusement le risotto. Profitez de ces vacances pour explorer leurs bons côtés : Odette est la mémoire de votre bande de potes, faites-là raconter votre adolescence au coin du feu. Fabrice est fiable et premier degré : il s’occupera de la logistique, c’est ça qui l’amuse. Trouvez-leur une utilité. Et penchez-vous sur la vôtre…

 

Illustration : Marie Morelle
Illustration : Marie Morelle

 

Le voyage compte plus que la destination

Au cours de leur périple, les Chamodot et tous ceux qu’ils ramassent dans leur roulotte (de la métaphore, de la parabole) réapprennent à s’amadouer après 20 ans de mariage, une crise d’adolescence et pas mal d’échecs qui sont des expériences. Se rendant à Venise en avion, ils auraient certes avancé de mille deux cents bornes, mais pas d’un iota.

Préparez votre sac à dos

Les vacances itinérantes - escapade sur la Loire en pénichette ou randos en Corse – permettent de gagner du terrain sur vous-même. Pour la formuler triviale : quand on marche, on avance. Et quand on règle son pas sur celui des autres, on vous épargne l’analogie, vous avez compris. Un bon voyage, ce n’est pas seulement celui qui augmente les ravages des radicaux libres pour vous donner bonne mine, c’est aussi celui qui vous rapproche de ceux que vous aimez, même si partez loin. Parce que finalement, tous les chemins mènent à Rome, à Venise ou à Tubize.